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Regardez bien, nous sommes aussi en train de disparaître

Publie le mercredi 14 mai 2003 par Open-Publishing

...Regardez bien, nous sommes aussi en train de disparaître...

L¹industrie culturelle est florissante : des multinationales de la
communication, de l¹entertainment et du loisir aux institutions culturelles
subventionnées par l¹Etat (la luxueuse vitrine qui expose, exporte et vante
la rareté, l¹exceptionnelle diversité de ses créateurs ).
Cette industrie vit et prospère de l¹engagement, de l¹implication, de la
pensée, des affects de milliers d¹intermittents et de précaires. Mobiles.
Flexibles. Corvéables. Dociles. Disponibles. Infatigables.
Il faut savoir qu¹il existe aussi un autre secteur hétéroclite,
d¹autoproductions, d¹expérimentations, d¹explorations libérées des
contraintes immédiates de rentabilité et de productivité. Des lieux
subventionnés ou pas dans lesquels nous ¦uvrons tous, à différents moments,
souvent sans argent, et où nous inventons des formes de vie qui, si elles ne
s¹épuisent d’elles-mêmes, finissent par apparaître et nourrir à leur tour de
forces vives parfois subversives le marché avide d¹innovation de l¹industrie
culturelle.
Intermittents/intermutants, nous voyageons souvent d¹un pôle à l¹autre de
ses secteurs d¹activité et de production, qui incluent aussi l¹éducation
nationale, les collectivités locales, les hôpitaux, les prisons, les maisons
de retraites, les centres d¹adaptation par le travailŠ
Précaires parmi les précaires, mouvants au gré des besoins, des désirs, de
la nécessité de nos employeurs, ou de nos nécessités propres, devenant
employeurs à notre tour, nous errons inlassables, artisans de nos vies et de
nos vouloirs.
Minorité pourtant visible et exposée au regard de tous, nous sommes,
aujourd¹hui, comme tous les autres travailleurs précaires, tous les autres
nomades, tous les autres inclassables, menacés de disparition en vertu des
préconisations du rapport Roigt.Klein, qui exclurait la plus grande partie
d¹entre nous du régime spécifique de l¹intermittence et tuerait toute
possibilité de création indépendante.
Notre disparition laisserait place à une culture d¹Etat dominant sans
contrepartie.
La guerre sans merci menée par l¹Etat, sa police et ses complices, contre
les plus démunis, les plus affaiblis, les plus malades, les femmes
enceintes, les vieux, les chômeurs, les plus fragiles, les plus fous, nous
obligent à repenser à de nouvelles formes de lutte et de résistance.
Le régime de l¹intermittence n¹est pas un privilège, mais un modèle social
qui justement pourrait répondre à la question de l¹évolution du travail et
son partage dans nos sociétés. Ce statut modifiable et perfectible serait à
envisager pour tous afin que chacun puisse vivre décemment en dehors des
périodes d¹activité salariée. Un revenu garanti qui permettrait à chacun de
là où il se tient de ne pas vivre dans l¹angoisse mortelle du lendemain. Ni
dans l¹illusion entretenue d¹un retour au plein emploi.
Nous appelons le plus grand nombre à nous rejoindre et organiser des
révoltes joyeuses (ou non) afin de faire plier les décideurs. Faire entendre
nos voix et notre volonté insoumise.

Assemblée générale lundi 17 mars à 18 h à la bourse du travail
3, rue du Château d¹eau - Grande salle Croizat (G10 solidaire)
à l¹appel de SUD Culture et SUD Spectacle

Précaires Associés de Paris (PAP)
http://pap.ouvaton.org - precairesassocies@yahoo.com

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L¹Unedic, et aprèsŠ.

Intermittents du spectacle, chômeurs, précaires, ou salariés dits "normaux",
nous partageons un constat : le travail que nous effectuons est intermittent
et n¹entre pas toujours dans le cadre de l¹emploi salarié classique, or
c¹est le temps d¹emploi qui définit de manière restrictive l¹accès aux
droits de la protection sociale du chômage et de la précarité.
Le régime intermittent tel qu¹il est défini par les annexes VIII et X, même
si des aménagements sont à envisager (accord Fesac par exemple), est un
modèle de prise en compte de la réalité de l¹intermittence de l¹emploi
aujourd¹hui dans bien des secteurs d¹activités. C¹est cette idée qui est
attaquée aujourd¹hui par le rapport IGAS/IGAC.
Avec les décisions de baisse du montant des allocations (-3% de suite),
d¹allongement de la durée d¹affiliation nécessaire a l¹ouverture de droits
et la diminution des temps de chômage indemnisé, prises au MEDEF le 20
décembre dernier : l¹Unedic nous propose de régler un problème politique par
des solutions comptables.
L¹Unedic continue à exclure et à organiser la pauvreté pour imposer des
emplois sous-payés, seul un chômeur sur deux est actuellement indemnisé.
Parmi les personnes concernées, ni les chômeurs, ni les travailleurs
précaires ou intermittents ne sont représentés à l¹Unedic qui décide
pourtant de leur sort.
Laisser faire serait encourager un énième nivellement par le bas. Sans une
extension radicale des droits des travailleurs précaires, le tarif horaire
des 5,87 euros brut tendra à devenir la règle pour tous ceux qui auront la
chance d¹avoir un emploi. Continuer sur la voie d¹une telle précarisation,
ici, c¹est promettre encore plus de misère et de flexibilité imposée aux
"non-citoyens" du monde entier.
Cessons de nous faire croire au plein emploi, repensons le lien social en
dehors de la centralité du travail.
Il est urgent de fonder des espaces de représentativités pour les chômeurs
et les précaires qui sont des cotisants intermittents, nous ne pouvons faire
l¹économie d¹une réflexion sociale et politique sur l¹organisation du
travail.

Dés aujourd¹hui le PAP (Précaires Associés de Paris) qui réunit des
personnes issues d¹AC !, la CNT-spectacle, Sud, et des collectifs autonomes
invite à intervenir et à mener des actions pour bloquer les mesures qui sont
prônées par le Medef et le gouvernement.

Nous avons commencé à occuper des lieux publics et culturels (Anpe, cinéma,
théatres, musées,...) et mettons en place une forme de contre-expertise lors
de ces actions, basées sur une enquête de terrain avec les personnes qui
sont les partenaires sociaux réels.

Nous allons continuer ces actions pour nous rencontrer, nous faire entendre,
et combattre la précarisation générale par la conquête de droits nouveaux.

Un site internet est tenu à jour des actions passées et à venir :
http://pap.ouvaton.org
Contact info/messagerie : 01 40 09 27 49

EXIGEONS :

o la refonte de la gestion paritaire et soi-disant représentative de
l¹Unedic en un organisme chargé de garantir aux chômeurs et travailleurs
précaire des moyens d¹existence convenables ; dotée d¹une représentation
quadri-partite incluant : usagers, syndicats, organisations patronales et
Etat.

o L¹unification de l¹indemnisation du chômage et des minimas sociaux afin de
garantir à chacun la continuité des droits, en particulier à la formation
qualifiante librement choisie et rémunérée ;
pas de revenu inférieur au SMIC mensuel.

Rassemblement unitaire
À l¹appel des Emplois-Jeunes, du PAP, de AC !, la CNT, Sud,...
le mardi 14 janvier a 14h, métro Sèvres-Babylone

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Pour répondre à l’urgence du moment, prenons le temps, risquons nous à
penser !

Les résultats du rapport des inspecteurs et les propositions qui s¹ensuivent
pour l¹ouverture de nouvelles négociations concernant le régime des
intermittents du spectacle ne devraient pas nous étonner. Cela s¹inscrit
dans la droite ligne d¹une politique gouvernementale qui, qu¹elle soit de
droite ou de gauche - n¹oublions pas que la dégressivité a été appliquée par
la gauche - vise à éliminer de son champ de vision tout ceux qui ne sont ni
riches, ni productifs, en gros ceux qui ne rapportent rien et ne permettent
pas au capital de s¹engraisser et de fructifier comme il se doit. Les
mesures proposées sont à cet égard tout à fait exemplaires et visent à
fragiliser les plus sensibles d¹entre nous en créant des zones de séparation
de plus en plus grandes au sein même du régime.

Pour résumer :
Ceux qui travaillent le plus et gagnent davantage d¹argent seront
récompensés : Toujours plus.
La grande masse qui atteint juste le seuil des 507 heures sera pénalisée :
le taux rabaissé de 31,3 % à 18 % : Toujours moins.
Les Invisibles, tous ceux qui n¹arrivent pas à atteindre ce seuil
n¹apparaissent toujours nulle part : Toujours rien.
Une scission est scandaleusement opérée entre les ouvriers /techniciens et
les artistes / réalisateurs avec une modification conséquente du système de
calcul.
Les congés maternité et maladie n¹entreraient plus dans le calcul des heures
travaillées.

Ces propositions sont inacceptables et ne doivent en aucun cas et sous
aucune forme être soutenues et considérées par les partenaires sociaux.
Aucune négociation ne doit s¹engager sur ces bases-là.

Les mesures envisagées ont de quoi nous inquiéter : elles ne s¹attaquent pas
au symbole des 507 heures, mais entrent directement à l¹intérieur du système
de calcul et de pourcentage, remettant en cause le principe même de
l¹allocation de chômage qui est, au départ, rappelons-le, une couverture
sociale, c¹est-à-dire, une prestation attribuée à une personne pour faire
face à des besoins nécessaires et vitaux.
Nous étions plusieurs à soutenir cette idée qu¹une façon de repenser le
régime des intermittents du spectacle était d’augmenter et de répartir plus
équitablement les sommes allouées afin que les plus démunis bénéficient
d¹une allocation leur permettant de vivre décemment. Nous pensons que le
système de calcul de l¹assurance chômage devrait échapper à cette logique
capitaliste implacable : plus on gagne d¹argent, plus on cotise, plus on
reçoit. Nous pensons au contraire que plus on gagne d¹argent moins on a
besoin d¹allocation chômage. Si cette idée pouvait cheminer dans l¹esprit
des intermittents, des syndicats et des décideurs, nous pourrions envisager
de faire de ce système un système équitable. L’équité étant une conception
qui nous vient de ce que nous considérons l’égalité non comme une donnée
mais comme une forme qui se vérifie. Nous pourrions sur ces bases penser un
devenir, plutôt que rester figés et arrimés sur des acquis qui, de toute
façon, chaque année, sont menacés, rognés et toujours aux bénéfices de ceux
et celles qui sont déjà les plus installés dans leurs professions et vivent
confortablement. Nous ne voulons ni engraisser dans un système où nous
finirions par apparaître comme des nantis, ni être dégraissés dans un régime
défavorable. De toute façon, nous ne sommes pas des privilégiés, ce sont les
autres systèmes d’assurance chômage qui sont indignes. L’insistance des
autorités à vouloir écarter les plus pauvres d’entre nous du régime
intermittent n’est que le signe fort parmi tant d’autres d’une volonté
Européenne et suicidaire : tout sacrifier sur l’autel du contrôle social et
de la soi disante rentabilité. Une fois pour toute, il n’y a pas de
rentabilité, nous avons tous fait banqueroute.

Nous revendiquons la précarité, elle fait partie intégrante de la vie et de
l¹exercice des pratiques artistiques. Cette précarité est notre fierté. Nous
ne savons pas et ne saurons jamais de quoi demain sera fait, nous ne voulons
pas le plein emploi. Les temps de réflexion, d¹écriture, de préparation, de
composition, d¹apprentissage ; ces temps de recherches nécessaires à toute
perspective de création ne sont jamais rémunérés par les employeurs et c¹est
pourtant dans ces temps-là que l¹essentiel se constitue. Ces temps libérés
des contraintes immédiates de productivité sont l’architecture secrète et
vitale de tout acte créatif. L’acte créatif est d’ailleurs l’unique concept
autour duquel nos vies se pensent et doivent se penser. L’acte créatif n’est
pas l’expression d’une servitude volontaire. Dans un monde assujetti au
productivisme et à la marchandise, où le lien social ne se pense pas en
dehors de la centralité du travail*, repensons l¹acte créatif comme une
expérience qui ne vaut que si elle est partageable, comme c¦ur vif dans
monde malade.
Cette précarité que nous avons désirée et que nous considérons comme
nécessaire nous lie fraternellement à tous les autres précaires*. Il nous
faudra agir et penser avec eux.

Le chômage n¹est pour nous ni une simple prestation sociale ni une fatalité,
il est constitutif de l¹organisation même du temps de travail. Nous sommes
en ce sens des salariés intermittents. Ainsi pourrait se définir notre
statut social, qui par exemple pourrait être un outil et un modèle de
réflexion sur le partage, la réduction du temps de travail.
Cessons de nous faire croire à l¹emploi, au plein emploi, arrêtons avec
cette vision passéiste.

Avant de s¹engager dans toutes négociations, donnons-nous le temps d¹ouvrir
une réflexion véritable : politique et philosophique. Ouvrons une
consultation plus large sur la place.
Arrêtons de considérer nos conditions de vie et de travail comme séparées de
l’ensemble du corps social.

Retrouvons de la vigueur, pas juste pour maintenir des droits, des acquis,
une spécificité, aussi fictive soit-elle, mais pour questionner l¹état
d¹asservissement et de subissement dans lequel nous sommes englués aussi
bien dans le domaine réservé de la culture que dans tous les autres secteurs
d¹activité.
Portons parole, c¹est notre travail.

Nous sommes tous des intermittents en devenir.
L¹intelligence doit devenir une affaire collective and the rest is silence

Paris, le 15/12/02.
Contact : now.groupe-ursule@laposte.net

*Précaire : dont l’avenir, la durée ne sont pas assurés. D’après petit
Robert.
* Travail : Machine où l’on assujettit les b¦ufs, les chevaux difficiles,
etc., pour les ferrer. D’après le dictionnaire étymologique de la langue
française. O. Bloch et W. von Wartburg (PUF).