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TARNAC : justice sommaire et expéditive

Publie le mercredi 11 mars 2009 par Open-Publishing
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L’anniversaire du onze novembre 1918 a cessé d’être porteur dans les médias. Il ne fait plus recette. Le tout dernier aura été sauvé pour les informateurs de tous bords par la révélation soudaine d’une mouvance anarcho-autonome, terminologie qui a inquiété les honnêtes gens.

On sait en effet que ce jour là cent cinquante gendarmes armés et cagoulés cernent le petit village de Tarnac, en Corrèze, pour y arrêter une dizaine de ces tenants d’une angoissante nébuleuse, l’ « ultra-gauche ». Ils sont coupables d’avoir commis un acte de sabotage par la destruction de caténaires et l’arrêt de plusieurs TGV. Car la perspicacité de notre vigilante ministre de l’intérieur n’a pas été prise en défaut. Ils ne possèdent pas, dit-elle, de téléphone portable pour ne pas se faire repérer. De plus, selon elle, ils ont gagné la sympathie des habitants du village pour pouvoir être avertis en cas de descente des forces de police. Enfin on a découvert chez eux un exemplaire d’un ouvrage signé par un « Comité Invisible » et intitulé « l’Insurrection qui vient ». Rien de plus, mais cela suffit pour les envoyer en prison dans le cadre d’une procédure dite anti-terroriste.

Le concept de terrorisme a déjà beaucoup servi. Il a surtout été utilisé pour mettre en place des juridictions spéciales et une procédure d’exception destinée à priver l’inculpé des protections que la loi réserve au délinquant ordinaire de droit commun pour organiser sa défense. Or une justice sommaire et expéditive est infaillible dans la répression politique des comportements ou des manières de penser de quiconque tenterait d’entrer dans des conduites de résistance ou de contestation de l’ordre établi. Elle ne pardonne pas la remise en cause des normes contemporaines de l’organisation d’une société néo-libérale.

Julien Coupat, qui est le seul à être encore incarcéré, a relayé une réflexion collective pour la mise au point d’un ouvrage ouvertement subversif dans lequel s’inscrit une déconstruction pertinente des mythes qui fondent une domination installée et une soumission consentie. Un parti-pris insurrectionnel en est l’aboutissement logique. Or la vindicte d’Etat se nourrit essentiellement de cette posture politique de désobéissance, de dissidence, et de récusation des règles fixées par les gouvernants. Elle est destinée à réprimer les conduites suspectes que trahissent l’analyse critique et la tentative d’émancipation du « prêt à penser ».

Aujourd’hui il est devenu évident pour tous que ces jeunes gens, adoptés et soutenus par la population de Tarnac, ne sont pour rien dans les sabotages ou dégradations qui ont servi de prétexte à leur persécution judiciaire.

Mais il est bien clair que, pour moi, la solidarité se moque de ce qu’ils auraient fait ou pas fait. Elle se manifeste pour ce qu’on leur fait. Elle se manifeste aussi pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils pensent, pour la distance qu’ils prennent avec le conformisme et pour leur refus du modèle dominant. Car ils savent que le capitalisme ne s’abattra pas tout seul, de crise en crise, mais qu’il faudra l’y aider. Et ce qui les intéresse ce n’est pas seulement de le faire disparaître mais de le remplacer par un autre mode de rapports sociaux, afin que cesse l’exploitation des uns par les autres.

G. A. Béziers le 11 mars 2009.

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