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Décroissance, une idée dévoyée par les médias…

Publie le mardi 31 mars 2009 par Open-Publishing
4 commentaires

de Michel MENGNEAU

S’il est un sujet mal-connu de nos jours, voire méconnu, souvent présenté de façon superficielle, c’est bien celui de la Décroissance.

A la décharge de ceux qui ne voient dans ce terme qu’un retour à l’époque où l’on s’éclairait à la bougie, la médiatisation trompeuse utilisant des images allégoriques y est pour beaucoup. C’est ainsi que l’on a pu voir sur France 2 au mois de janvier lors de l’émission, « Envoyé spécial », une caricature de la décroissance, confusion volontairement entretenue dont d’ailleurs dans le même ordre d’idée M6 nous a gratifié le 25 mars pour disqualifier la décroissance.

Pour ceux qui ingurgitent sans esprit critique la télévision, la décroissance serait essentiellement le fait de consommer moins ou différemment. Je n’épiloguerais pas un passage significatif de l’introduction du reportage de M6 où le journaliste Mardon fait preuve d’un crétinisme aigüe. Simplement pour dire que si la décroissance n’est que le fait d’aller chier dans la sciure de bois et vivre dans une yourte, le sujet politique et écologique de la décroissance soutenable sera vite épuisé et totalement vidé de son sens.

D’abord, il faut élargir le débat, l’époque de la génération des bobos d’après 68 étant de l’histoire ancienne, nous devons donc faire une approche plus politique de nos sociétés. Et y inclure tout de suite la première constatation qui est que la recherche de croissance exponentielle est incompatible avec une écologie salvatrice, et surtout avec le partage des richesses. Aussi, dans le même ordre d’idée, le développement durable qui veut que les avancées scientifiques vont en partie régler les disfonctionnements, apporter des solutions aux dérèglements planétaires tout en continuant de croitre économiquement est une fumisterie de première. Il n’y a donc d’autres perspectives que combattre le productivisme, quel qu’il soit : capitaliste où communiste à la mode de l’ancienne URSS.

Certes, il ne faut pas négliger l’aspect individuel qui va s’attacher à la préservation de la nature, il a son importance, mais il faut aller plus loin en dirigeant la collectivité un modèle de société ou le partage sera la base du système. A fortiori, pour le système économique !

D’entrée, une constatation s’impose, c’est que nos moyens énergétiques et de fabrication ne doivent plus être essentiellement pompée dans le capital nature, et particulièrement celui non renouvelable. Le capital humain deviendra par la même occasion le priorité. Cela induit donc que la recherche de l’économie d’énergie est essentielle et va par conséquence apporter certaines contraintes, comme dans la construction par exemple où on fait déjà quelques efforts néanmoins encore insuffisants.

Il y a aussi les matières premières utiles à la fabrication des objets courants et indispensable qui sont elles aussi extraites du sous sol. Il faut de la bauxite pour fabriquer un récipient en aluminium par exemple, mais on peut aussi recycler encore plus, en ne surconsommant pas le matériel jeté suffirait pour le renouvellement.

Toutefois, il ne s’agit pas de le faire à grande échelle comme cela se pratique en Inde avec le démantèlement des paquebots, non, récupération au niveau de la collectivité locale des métaux et transformation par des fours Martin, ne serai-ce que pour citer cet exemple. Fours d’ailleurs que l’on pourrait faire fonctionner grâce à l’électricité fournie par la méthanisation du reste des déchets. Il y a foule d’exemples, comme le retour au verre consigné, etc… Sans parler des amuses gueules totalement inutiles dans beaucoup de circonstances comme le téléphone portable. Pour un toubib, un sauveteur, d’accord, mais pour téléphoner à son concubin pour lui dire d’acheter une boite de petit pois, c’est chèrement compromettre l’environnement pour un service qui n’en est pas un.

Cela implique naturellement une autre conception sociétale et intellectuelle, la relocalisation en est un, donc des moyens de fabrications plus diversifiés, écologiquement responsables, et cela va de soi, en dehors du système des multinationales. On va donc vers l’autogestion, la nationalisation pour les grosses entités indissociables puisque le capital financier n’est plus une priorité laissant place au capital humain avec une répartition des responsabilités, et une relation tout à fait différente vis-à-vis de la notion de travail au service cette fois d’une rémunération équitable. Qui plus est, avec la conscience d’être utile à la société, ce qui est loin d’être le cas pour le système productiviste.

Je n’aborderais cet aspect que rapidement, simplement pour dire que lorsque les pays favorisés iront dans la voie de la décroissance, le rapprochement sociétale et le partage des richesses avec les pays défavorisés sera efficient, ce qui mènera à la disparition du colonialisme, et là c’est évident, à des flux migratoires beaucoup moins importants.

Cela va permettre d’envisager aussi de changer notre regard sur les moyens de transport, puisque le rapprochement du lieu de travail sera effectif avec la localisation, et par là même la diminution du parc automobile au profit de la collectivisation des transports, ça c’est de la vraie décroissance ! Allant d’ailleurs à l’opposé de l’image tronquée du supposé « décroissant » qui construit sa maison en bois dans un lieu éloigné et inaccessible, et qui prend sa bagnole tout seul pour faire maints kilomètres pour aller bosser.

De façon succincte, suppression de la pub, des grandes surfaces, un rapport plus direct entre le producteur et le consommateur, un réel commerce équitable….

Ce ne sont là que quelques pistes qui indiquent néanmoins l’orientation de la vraie Décroissance et non celle affichée par quelques spécimens en mal d’exotisme ou de folklore, que sais-je encore…

Mais tout cela demande à l’évidence la refondation de notre société vers une société de partage. Cela ne sera donc possible qu’avec une réelle prise de position politique anti-capitaliste, ce qui implique un engagement à long terme au côté, voire inclus dedans à l’occasion, des partis politiques anti capitalistes réellement responsables.

Pour conclure, je n’ai fait qu’effleurer ce vaste sujet, mais j’espère cependant que cela aura remis quelques idées en place.

http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com

Messages

  • Cochet qui ne veut pas utiliser ouvertement le terme décroissance appelle ça de la sobriété soutenable, pourquoi ne pas dire les mots justes....

  • Actuellement la croissance est une augmentation significative du PIB en volume sur une période durable (plus d’un an)
    Soutenir que ce système doit être replâtré est une pure ineptie quand on voit les dégâts socio-environnementaux qu’il a fait. Un seul chiffre 7% de croissance de la consommation électrique par an conduit a un doublement en 10 ans donc en une génération il faut 8 fois plus de centrales électriques (on n’a pas pu augmenter leur puissance nominale d’autant).
    Dont acte. Stoppons ce crédo imbécile au « progres » et en « La Science ».

    Mais l’esprit humain – qu’il soit riche ou pauvre, jeune ou vieux, est rarement en immobilité totale (pour ne pas parler de l’insatisfaction). C’est tout à fait dans l’ordre des choses de vouloir se dépasser :je ne justifie pas les records mesurés au 1000ème de seconde, mais la simple exigence vis à vis de soi même et par rapport « aux autres ». De plus tous les ajustements sociaux (évolution des façons de vivre, remises en question, rééquilibrage des statuts sociaux etc…) sont beaucoup plus faciles à faire admettre dans une société dynamique que dans une société stationnaire, figée. Petit exemple : à la fin du 19ème l’exode rural a d’abord été le fait des femmes ; elles ont fuit un espace campagnard masculin devenu un véritable étouffoir ; ensuite les petits artisans, les « journaliers »… sont partis. Faire admettre un changement de statut (même pas une parité) était impossible autrement. Ceci a été cher payé par des millions de « Bécassines » ou de Cosettes qui se sont crevées à l’usine.
    Donc dépassons nous donc, mais sans consommer forcément plus de richesses matérielles. Il faut alors peu à peu « découpler » la société physique, matérielle… de celle qui évalue les vraies richesses intellectuelles / morales / spirituelles…etc. Ceci est extrêmement difficile mais mérite d’être tenté.
    D’autre part la marchandisation quasiment totale (vente d’organes etc…) conduit aux abominations que l’on connaît ; mais peut-on soutenir qu’une société sans monnaie (au sens complet du terme et non seulement en tant qu’instrument d’échange) est possible ? Vouloir revenir à des pseudo monnaies (SEL) est une mascarade.
    La monnaie est à la fois libératrice (non seulement elle est un pouvoir de choix, mais aussi pouvoir de rupture des anciennes relations inter personnelles) et tout en même temps source d’asservissement (Marx disait exploitation). Il ne s’agit pas seulement du colon, du chef d’entreprise qui achetait (achète) l’énergie, la force de travail des salariés, mais aussi - et c’est plus fréquent et moins remarqué– des ménages de cadres supérieurs lorsqu’ils recourent aux services d’une femme de ménage parce que leur temps de travail est gratifié du valeur supérieure, jouit d’un estime social plus grand.
    La monnaie est ainsi comme toutes les créations de l’homme : (Etat, langage…) et la caractéristique profonde d’une existence véritablement sociale. Admettons la monnaie, mais luttons (ce sera le plus dur, regardez les paradis fiscaux) pour l’instauration d’un contrôle financier international.
    La mesure d’un taux de croissance du PNB à partir d’activités culturelles n’aurait rien de déshonorant. Ceci dit plus de la moitié de la planète est plus que dans le besoin ; le partage des yachts et autres avions de luxe suffira-t-il ? Bien sûr ceci n’est pas une raison pour ne pas tenter de retrouver un minimum ou un maximum de justice.

    Cf un projet à l’opposé de la vision deYann Arthus Bertrand : la terre vue de la terre sur http://Images-4D.org

  • d’accord avec votre analyse M.M :et ce processus de décroissance ,pour nos sociétés capitalistes occidentales ,se fera naturellement et plus vite qu’on ne l’imagine , n’en déplaise à une majorité d’individus encore inconscients .

    c’est la 3éme voie..

  • l’époque de la génération des bobos d’après 68 étant de l’histoire ancienne, nous devons donc faire une approche plus politique de nos sociétés.

    Si ce qui est ancien n’a pas de valeur, devons-nous rejeter les théories de Marx ? ;-)

    Plus sérieusement, je me demande si les soixante-huitards n’avaient pas une approche politique de nos sociétés et si l’idée de partage n’était pas déjà leur préoccupation première.

    En tout cas, cette société basée sur la décroissance me semble être la seule voie possible pour la survie de l’humanité. Les humains s’y résoudront-ils seulement contraints et forcés ? Dans ce cas ils n’abandonneront leur confort et leurs habitudes individualistes qu’au bord du précipice, donc dans la pagaille. Alors qu’il faudrait qu’à tous les niveaux de la société on commence déjà à y réfléchir, à s’organiser.
    Je crains beaucoup de gâchis à cause des réticences diverses, quand je vois comment les dirigeants prennent peu soin de notre planète, laissent polluer l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons. Voilà plus de 25 ans que les gouvernements français connaissent l’état de nos fleuves et qu’ils ne font rien. Comme s’ils n’avaient aucune conscience du danger, pas d’instinct de survie...
    Comment s’en sortir malgré eux ?