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Quelques remarques à propos du mouvement

Publie le lundi 27 avril 2009 par Open-Publishing
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Un mouvement « étudiant » a débuté en France il y a quelques semaines. Ce mouvement se distingue de ceux que
nous avons pu connaître ces dernières années, notamment du « mouvement contre le CPE » et du « mouvement contre
la LRU », en ceci que, cette année, les forces en présence, malgré le constat de plus en plus largement partagé de la
nécessité d’un mouvement de quelqu’ampleur, ne semblent s’agréger nulle part.

Nous avions appris comment se déroulait un mouvement : d’abord une montée en puissance, éprouvée par tous et
accompagnée d’une importante couverture médiatique (bienveillante au printemps 2006 ou nettement plus hostile à
l’automne 2007) ; un point culminant coïncidant avec le retrait d’une loi ou du syndicat le plus médiatisé de la lutte ;
enfin la fin des différents blocages et occupations, le retour à une situation normale.

La nouveauté du mouvement actuel correspond à la nouveauté de la situation : le sarkozysme, assuré de sa victoire,
consolidé par la défaite des mouvements étudiant et cheminot de la rentrée 2007, est déterminé à ne pas céder ; les
médias sont affaiblis et notre camp peine à reprendre l’initiative.
La crise mondiale et la nouvelle fortune de l’anticapitalisme sont pourtant favorables à l’émergence de mouvements
sociaux.

Nous faisons le pari suivant : seules de nouvelles formes de lutte (dont certaines sont d’ores et déjà expérimentées à
l’université de Toulouse-le-Mirail) nous permettront d’être à la hauteur de la situation. Les remarques suivantes se
veulent une contribution à ce projet.

1. Désormais, toute occupation sera une occupation ponctuelle.

2. L’occupation ponctuelle sert en premier lieu à assurer une meilleure gestion du mouvement. En votant l’occupation
ponctuelle, nous nous réservons le droit de ne pas occuper du tout.

2 bis. Une occupation continue, en s’inscrivant dans la durée, entraîne une indistinction entre le vivre et le lutter. C’est
cette indistinction qu’il nous faut combattre en lui préférant la séparation classique entre travail militant et vie privée.
Entendons-nous bien : en tant que spécialistes de la lutte, nos compétences sont limitées. Nous n’avons aucun intérêt à
nous aventurer dans un domaine que nous maîtrisons mal : l’occupation et son inévitable lot de débordements.

2 ter. Être présent à sept heures du matin pour distribuer des tracts aux étudiants qui ne seraient pas encore
suffisamment informés fait beaucoup plus pour la massification du mouvement que le partage d’une série de nuits ou
de repas ; les réunions et autres commissions quotidiennes n’ont-elles pas d’ailleurs précisément pour fonction de
susciter des rencontres entre étudiants mobilisés ?

A ceux qui s’obstinent à vouloir dépenser une énergie précieuse dans l’organisation d’une vie en commun fantasmée,
nous opposons la nécessité d’une lutte efficace. Efficace, c’est-à-dire assumant le fait que la lutte pour nos intérêts
exige un certain professionnalisme. Dans le hall de l’Arche, on pouvait par exemple lire l’inscription suivante : « Tout le
monde veut faire la révolution, mais qui va faire le ménage aujourd’hui ? »

3. Lors des occupations ponctuelles, nous sommes responsables de tout acte commis à l’intérieur des locaux occupés.

3 bis. Le Service d’Ordre (S. O.) sera chargé de veiller à ce qu’aucun acte de malveillance ne vienne entacher l’image
du mouvement. Nous ne pouvons plus prendre le risque d’être associés à des murs tagués ou à un amphithéâtre utilisé
comme urinoir. Par souci de transparence, nous devons tout de même porter ces faits à la connaissance de l’assembléegénérale.

Il est important de veiller à ne pas minimiser de tels agissements : nous luttons aussi bien contre un ennemi intérieur.

Si toutefois nous souhaitons, afin de nous réapproprier cette pratique en l’arrachant à sa spontanéité d’origine, apposer
des tags officiels, syndicaux, nous pouvons toujours faire voter une redécoration de l’université.

4. L’occupation de l’université est l’affaire des étudiants.

4 bis. La convergence des luttes reste notre objectif déclaré. Nous la réaliserons lorsque chaque secteur en lutte aura
pris connaissance de nos revendications et, sur cette base, aura décidé ou non de nous apporter son soutien. Participer
dès à présent aux différentes actions organisées, par exemple, par un « collectif interluttes » dans l’idée de rendre
effective cette convergence en cessant de la renvoyer à un futur incertain, nous apparaît comme le meilleur moyen de
nous disperser inutilement et de perdre de vue notre dénominateur commun : l’opposition à une série de lois touchant le
milieu universitaire.

4 ter. Nos revendications satisfaites, l’année universitaire pourra reprendre son cours. Nous ne pouvons nous couper de
la grande majorité des étudiants en nous opposant directement au monde qui a produit ces lois. Notre lutte se
construit lentement, par étapes, via la conscientisation des étudiants. Préférons, chaque fois que nous le pouvons, un
membre de l’U.N.E.F aux ordres à un élément extérieur incontrôlé.

Ne perdons pas de vue que les militants restent, en dernière analyse, les seules personnes habilitées à décider d’un
éventuel prochain mouvement et que le niveau de mobilisation dépend de notre réputation.

5. Chaque aspect de la lutte doit être voté en assemblée générale.

5 bis. Il est juste que les étudiants faisant l’effort de se déplacer une fois par semaine pour les longues et répétitives
assemblées générales organisées par le comité de lutte aient un droit de regard sur les modalités d’organisation de ce
dernier. A l’opposé du mot d’ordre « La lutte appartient à ceux qui la font », nous pensons que chacun, qu’il prenne part
à la lutte ou non, peut se prononcer sur n’importe quelle question ayant trait au mouvement.

Ainsi, il n’est pas absurde de soumettre au vote l’occupation partielle ou continue de l’université à des personnes qui,
dans tous les cas, n’occuperont pas.

5 ter. Il découle de ce qui précède que ceux qui luttent effectivement sont soumis aux décisions de ceux qui
soutiennent la lutte sans y participer, voire s’y opposent totalement, la présence des « antibloqueurs » étant tolérée lors
des assemblées générales. L’assemblée joue le rôle de l’opinion publique et, comme telle, elle est susceptible de varier
au gré des événements. Dès lors, la poursuite de la lutte dépend de notre capacité à rassurer, à préserver cette opinion :
le déblocage reste une décision de l’assemblée générale et non du comité de lutte.

S’insurger contre cette situation revient à s’insurger contre le caractère démocratique du mouvement.

6. Toute initiative, individuelle ou collective, est susceptible d’aller au-delà du cadre fixé par l’assemblée générale.

6 bis. Ceci est évident à partir du point 5. Cependant, le caractère nouveau de la situation dont nous avons parlé
précédemment est tel qu’il nous oblige à remettre partiellement en cause cette évidence.

L’action d’autoréduction qui a eu lieu à l’issue de la manifestation du 19 mars, action réprimée par la police qui, pour
l’occasion, n’a pas jugé nécessaire de procéder à des sommations avant de tirer au flashball sur les étudiants, en est un
bon exemple. La situation se radicalise, à tous points de vue, et d’abord de celui du pouvoir.

Dans ce contexte, comme lors de l’occupation du hall de l’Ecole Supérieure de Commerce le 13 mars, où des policiers
étaient également intervenus violemment et sans sommations, faut-il se replier ou riposter ? se regrouper en formation
« tortue » ou être mobiles ? s’habiller en noir et prévoir de quoi se défendre ou rester à la merci de la police ?

Pour l’heure, l’affrontement avec les forces de l’ordre n’a toujours pas été soumis au vote.

7. La victoire sur le gouvernement est possible.

7 bis. Même si nous sommes forcés de céder du terrain à nos ennemis, dont nous jugions les positions irresponsables il
y a peu lorsqu’ils parlaient de « guerre » et remettaient en cause la démocratie, mais que la répression grandissante
nous force à reconsidérer, nous nous devons de garder le contrôle de la situation.

Face au pragmatisme et à la logique gestionnaire du pouvoir, dont nous devinons de plus en plus nettement que son
principal souci est de faire en sorte que rien ne se passe, nous parions sur une autre forme de pragmatisme, sur une
autre idée de la gestion. Face aux partisans de l’Ordre, nous ne pouvons laisser le désordre s’installer dans nos rangs
(parasites hors des facs !).

Tout l’enjeu de l’époque consiste à attirer à nous les indécis, cette masse en attente de politisation, ceux qui voient bien
que ce monde prend l’eau de toutes parts, que l’issue est proche. Seule une structure, fût-ce un ensemble d’assemblées
générales citoyennes* coordonnées nationalement, est à même de transformer ce mécontentement en une force capable
de traiter d’égal à égal avec l’État.

Nous appelons victoire l’accroissement de notre légitimité à représenter le mouvement.

7 ter. Aujourd’hui le gouvernement ajourne une réforme, retire quelques articles d’un texte de loi. Son offensive a beau
être totale, il opère de façon stratégique, il avance à son rythme.
En exigeant de lui qu’il abroge la L.R.U, en revendiquant, nous acceptons de jouer le jeu.

Celui de la politique classique.

Qui n’est pas avec nous se situe d’emblée en dehors de la politique classique.

Comité pour une Im-mobilisation Totale, avril 2009

* Ne réclamons-nous pas un service public de qualité ? Ne demandons-nous pas, après tout, à étudier dans de meilleures
conditions ? A travailler pour de meilleurs salaires dans une meilleure société ?

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