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La CGT d’EDF s’insurge contre l’utilisation d’un fichier de police pour justifier des licenciements

Publie le mercredi 11 août 2004 par Open-Publishing
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de Michel
Delberghe


Conséquence du renforcement de la loi de sécurité intérieure, quatre salariés
d’une société de gardiennage ont été renvoyés de la centrale nucléaire de Flamanville
(Manche).

Le sous-préfet de Cherbourg (Manche), Denis Dobo-Schœnenberg, a, en quelque sorte,
reconnu une erreur d’appréciation. Dans une lettre adressée le 4 août aux dirigeants
de la société Sécurité prévention du Grand Ouest (SPGO), il a rétabli l’agrément
nécessaire pour exercer la profession de gardien à trois des quatre salariés
de cette entreprise chargée de la surveillance de la centrale nucléaire EDF de
Flamanville. A la suite d’un premier avis négatif, les quatre salariés (dont
un en contrat à durée déterminée), en poste pour certains depuis plusieurs années,
avaient été licenciés le 15 juin "pour faute grave", avec mise à pied conservatoire.

Les trois salariés ayant récupéré leur agrément, qui n’ont pas été réintégrés, envisagent de contester devant le conseil des prud’hommes le caractère abusif de leur licenciement.

Révélée, mardi 10 août par L’Humanité, cette affaire met en cause l’utilisation d’informations disponibles dans le système de traitement des infractions constatées (STIC), un fichier de la police, dans l’application des dispositions renforcées de la loi de sécurité intérieure du 18 mars 2003 pour les personnels des sociétés de surveillance, de gardiennage et de transport de fond.

Dans ce cas précis, la SPGO a sollicité auprès de la préfecture une demande d’agrément de quatre embauches, provoquant une enquête dépassant le simple examen du casier judiciaire. Les services administratifs ont ainsi trouvé la trace d’infractions datées : pour deux salariés, une condamnation à deux mois de prison avec sursis et 10 000 francs d’amende datant de quinze ans ; pour un autre, une mise en cause après une plainte pour vol déposée en 2003 à la suite de la tentative de récupération d’un téléviseur au domicile de sa femme lors d’une procédure de divorce. L’affaire a été classée, mais le nom du salarié est resté inscrit sur le fichier. Dans ce dernier cas, le sous-préfet a motivé son rejet par le fait que la personne concernée avait été condamnée à une amende de 2 000 francs pour insulte à un gendarme lors d’un tapage nocturne.

"C’est la première fois que cela se passe et que cette décision préfectorale est suivie avec une telle brutalité", souligne Olivier Melin, délégué du personnel de SPGO. La CGT d’EDF s’est aussi mobilisée en faveur des salariés concernés. Eric Hugelmann, secrétaire du syndicat, s’indigne de "l’utilisation stricte d’un fichier pour des faits remontant à de nombreuses années pour justifier un motif de licenciement". La Fédération CGT de l’énergie dénonce également l’opacité de la procédure, la position d’EDF retranchée derrière "la raison d’Etat", et les pressions exercées sur les salariés des entreprises sous-traitantes.

Directeur commercial de la SPGO, une société de 1 300 personnes dont 34 sont employées à Flamanville depuis 1995, Jean-François James se retranche derrière la loi : "Dès qu’un salarié perd l’agrément, son contrat devient caduc et on ne peut pas le garder dans l’entreprise. S’il le retrouve dans les six mois, il bénéficie d’une priorité d’embauche. Mais, pour l’instant, tous les emplois sont pourvus", explique-t-il. La SGPO n’a proposé aux trois salariés que des postes en CDD sur place ou des CDI dans la région parisienne. La CGT soupçonne l’entreprise de vouloir se désengager du marché de la surveillance et d’avoir saisi ce prétexte pour diminuer ses effectifs.

Le sous-préfet de Cherbourg a, depuis, promis un examen plus attentif des demandes et onze autres salariés de la SPGO ont déjà obtenu leur renouvellement sans difficulté.

Michel Delberghe

Ce qu’autorise la loi

L’article 21 de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 a banalisé et étendu l’accès, pour tous les services de police et de gendarmerie, aux informations nominatives contenues dans des fichiers informatiques, comme le système de traitement des infractions constatées (le STIC), le plus important fichier policier, dans lequel sont conservés les noms des auteurs d’infractions, mais aussi ceux des suspects, des témoins ou des victimes.

La loi a également autorisé la consultation de ces fichiers dans le cadre d’enquêtes administratives liées à toute demande de titre de séjour, d’acquisition de la nationalité française ou d’attribution de certains postes dans l’administration, les entreprises de sécurité et le secteur des jeux et courses (article 25). L’article 94 de la loi interdit, enfin, d’employer à des activités privées de surveillance, de gardiennage ou de transport de fonds une personne qui aurait été condamnée, ou qui aurait commis des actes "éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police".

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-375155,0.html

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