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Etats-Unis : un reporter attaqué à la source

Publie le jeudi 12 août 2004 par Open-Publishing
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Il refuse de livrer son informateur et risque la prison dans l’affaire de l’espionne « grillée » Valerie Plame.

de Pascal RICHE

La protection des sources, corollaire de la liberté de la presse, peut-elle aussi s’appliquer à des affaires de haute trahison ? Un juge fédéral, Thomas Hogan, à Washington, pense que non. Vendredi dernier, il a décidé d’ordonner l’incarcération, pour « entrave à la cour », d’un journaliste du magazine Time, Matt Cooper. Ce dernier a en effet refusé de venir témoigner dans le cadre de l’enquête sur l’affaire de l’espionne « grillée » Valerie Plame. Le juge a également condamné le magazine à verser une amende de 1 000 dollars par jour, tant que son reporter n’aura pas obtempéré. Cooper et Time ont fait appel, ce qui a permis de suspendre les condamnations.

Couverture. Rapide rappel de l’affaire : un personnage malfaisant, dans l’administration Bush, a livré à quelques journalistes l’information selon laquelle Valerie Plame était une espionne de la CIA travaillant sous couverture. Cette « fuite », qui relève de la trahison, était visiblement une mesure de représailles contre le mari de Plame, Joe Wilson, ancien diplomate en Irak et critique très efficace de la politique du Président. Un journaliste, Robert Novak, a cru bon de rendre cette information publique dans une chronique vendue à plusieurs journaux, mettant en danger Plame et ses contacts. Novak n’a pas été sommé de témoigner dans cette affaire pour le moment.

La législation américaine est assez floue sur la question de la protection des sources. La jurisprudence reconnaît aux journalistes le droit de ne pas divulguer l’identité des personnes qui leur parlent sous le sceau de la confidentialité. En 1972, la Cour suprême a débattu du principe, mais ce dernier n’est pas solidement ancré, comme le montrent plusieurs affaires récentes. Lucie Morillon, qui représente Reporters sans frontières à Washington, rappelle qu’au cours de l’année 2003, cinq journalistes ont été menacés d’incarcération pour le même motif. En 2001, Vanessa Leggett, journaliste indépendante, a passé 168 jours en prison (elle avait refusé de livrer ses notes et ses enregistrements, dans une affaire de meurtre). Reporters sans frontières rappelle que, dans le cadre de l’Organisation des Etats américains, les Etats-Unis sont liés par la Déclaration de principes sur la liberté d’expression, qui stipule explicitement que « tout journaliste a le droit à la non-divulgation de ses sources d’information ».

Craintes. L’affaire Cooper a créé l’émotion dans la presse américaine, qui craint de nouvelles restrictions de ses droits. Le New York Times, hier, lui a consacré un éditorial : « Protéger les sources confidentielles bénéficie à la société dans son ensemble, argue le quotidien. Des gens qui ont connaissance de méfaits n’oseront plus parler s’ils savent que la promesse de confidentialité d’un journaliste peut être rompue par un procureur. »

Généralement, lorsqu’ils rejettent le droit à la protection des sources, les juges américains se justifient en expliquant que c’est le seul moyen d’éclaircir une affaire. Or, cela n’est pas le cas ici : les enquêteurs peuvent commencer par faire prêter serment aux responsables de l’administration Bush. Soupçonné d’être l’un des auteurs de la fuite, le directeur de cabinet de Dick Cheney, Scooter Libby, a autorisé deux journalistes à évoquer devant les enquêteurs le contenu des discussions qu’ils ont eues avec lui : les autres personnes soupçonnées pourraient suivre son exemple.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=229887

Messages

  • Cela semble clairement démontrer le profond manque de liberté de "étatsuniens" totalement massifiés dans un faisceau de réflexes manichéens avec pour conséquence un manque total d’esprit critique. Est-ce de la naïveté, de la stupidité ou la conséquene d’une certaine forme de patriotisme primaire et narcissique qui ferait que chaque citoyen se croit le champion de la liberté et accouche de cette manière d’une insondable soumission aux masses media ? Exit la liberté, les U.S.A sont les champions de la paranoïa d’ou le danger en s’auto déclarant gendarmes du monde. Un Bush au pouvoir c’est le risque d’un embrasement planétaire.