Accueil > USA : Des pilotes de lignes réduits à l’aide alimentaire

USA : Des pilotes de lignes réduits à l’aide alimentaire

Publie le mercredi 14 octobre 2009 par Open-Publishing
6 commentaires

par Michael Moore

Interdiction de prendre un arrêt maladie. Des salaires au lance pierre qui les contraignent à faire appel aux services d’aide alimentaire. Un deuxième job chez Starbucks pour boucler les fins de mois. Invité en cabine par les pilotes lors d’un vol intérieur aux USA, Michael Moore raconte la face cachée du rêve américain. Et identifie le coupable. La recherche effrénée du profit, éventuellement jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Nous entamions notre descente d’une altitude de 6000 mètres lorsque l’hôtesse de l’air s’est penchée au dessus de ma voisine, une dame âgée, pour me tapoter sur l’épaule.

« J’écoute Lady Gaga, » lui dis-je, tout en retirant mes écouteurs. Je ne connaissais pas cette Lady Gaga, mais sa performance la semaine dernière à la TV était fascinante.

« Les pilotes voudraient vous voir dans la cabine de pilotage lorsque nous débarquerons, » me dit-elle avec l’accent du sud.

« J’ai fait quelque chose de mal ? »

« Non, ils ont quelque chose à vous montrer. » (La dernière fois qu’une employée de compagnie aérienne a voulu me montrer quelque chose c’était une lettre de réprimande reçue pour avoir mangé un plateau-repas sans le payer. « Eh Oui... » m’avait-elle dit, « nous devons désormais payer pour nos repas pris à bord ».)

L’avion a atterri et je suis entré dans le cockpit. « Lisez ceci, » me dit le commandant de bord. Il me remet alors un courier reçu de la compagnie aérienne, intitulé « lettre d’avertissement ». Ce pauvre gars avait pris trois jours d’arrêt maladie cette année, semble-t-il. Cette lettre l’avertissait de ne pas en prendre d’autre.

« Super », lui dis-je. « C’est tout ce que je veux ! Vous venez travailler en étant malade, m’emmenez dans les airs, puis me demandez d’emprunter le sachet à vomi accroché au dos du siège... »

Il me montre alors sa feuille de paie. Il a ramené 405 dollars à la maison cette semaine. Ma vie était entièrement entre ses mains depuis une heure et il est moins payé que le gamin qui me livre des pizzas.

Je leur ai dit que toute une partie de mon dernier film était consacrée à la façon dont les pilotes sont traités (montrant à travers cet exemple comment les salaires ont été sabrés et la classe moyenne décimée). Dans le film, je rencontre un pilote d’une grande compagnie aérienne qui n’a gagné que 17 000 dollars l’an dernier (11 500 €). Durant quatre mois, ses revenus étaient si bas qu’il pouvait bénéficier du programme de coupons d’aide alimentaire - et en a obtenu. Dans le film, il y a un autre pilote qui a un deuxième emploi de « promeneur de chien ».

« J’ai un deuxième emploi ! », se sont exclamés à l’unisson les deux pilotes. L’un fait des remplacements d’enseignants. L’autre travaille dans un café. C’est peut-être une de mes lubies, mais il y a deux professions dont les membres ne devraient pas s’embarrasser d’un deuxième emploi : les chirurgiens du cerveau et les pilotes d’avion. C’est fou.

Je leur ai raconté comment le commandant de bord « Sully » Sullenberger (celui qui a posé sans problème un avion de ligne dans la rivière Hudson) avait témoigné au Congrès qu’aucun pilote parmi ses relations ne veut que leurs enfants fassent ce métier. Les pilotes sont complètement démoralisés, a-t-il déclaré. Il a expliqué comment son salaire avait été réduit de 40% et son fond de retraite supprimé. La plupart des journaux TV n’ont pas rapporté ses déclarations et les parlementaires les ont rapidement oubliées. Ils voulaient simplement lui voir tenir le rôle de « héros ». Mais lui, était investi d’une mission plus importante. Il est présent dans mon film.

« Je n’ai entendu parler nulle part de ces choses au sujet des compagnies aériennes dans ce nouveau film, » m’a dit le pilote.

« Non, vous ne pouviez pas, lui ai-je répondu. « La presse aime bien parler de moi, mais pas du film. »

Et c’est vrai. J’ai été surpris (et un peu irrité) qu’avec tout ce qui a été dit et écrit au sujet de « Capitalisme : une Histoire d’Amour, » on se soit si peu intéressé à ce qu’il contenait d’ahurissant : les pilotes utilisant des coupons alimentaires, les entreprises qui souscrivent en secret des polices d’assurance-vie sur leurs employés en espérant qu’ils meurent jeunes afin qu’elles puissent en bénéficier, des juges percevant des commissions occultes des prisons privées en y envoyant des innocents (des gamins). La recherche du profit est assassine.

Et tout spécialement quand votre pilote a commencé sa journée de travail à 6h du matin au Starbucks du coin.

Publication originale Michael Moore, traduction Contre Info

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2841

Messages

  • dramatique... Ubuesque ...

    une nuée d’avions , pilotés par des dépressifs en hypogyclemie...

    tout ce putain de système est si absurde qu’il déclanche chez moi un rire dément et sauvage..pour ne pas pleurer .

    Makhno

  • waow

    FREAKY....

     :-(

    ça m’a tellement scotchée que j’ai envoyé à plusieurs potes et membres de ma famille qui pensent qu’en tant que "cadres sup’’" ou "petits patrons" ils sont "à l’abri" et sont pas concernés et ne le seront jamais par "tout ça"....

    Perso ça m’a foutu la chair de poule.

  • Heureusement que les futurs réacteurs nucléaires EPR sont à l’épreuve des crashes d’avions.
    Heu on me dit qq chose dans l’oreillette.... Rectification, les réacteurs nucléaires ne sont PAS conçus pour résister aux crashes d’avions.
    Autre chose ?

  • Ben oui, le capitalisme de crise procède par grands coups d’accélérateur, et castagne de plus en plus large, pour dégager des profits de plus en plus larges.

    Ce à quoi on assiste c’est une telle confiance en soi dela bourgeoisie qu’elle liquide les couches sociales qui lui étaient auparavant alliées pour ne garder que quelques poignées de collabo-rateurs richement dotés .

    C’est une diminution radicale de la base sociale de la bourgeoisie.

    Avant cette classe tenait debout en influence en rajoutant à sa domination idéologique et physique, des fractions hautes de la classe ouvrière, l’encadrement, la paysannerie, les fonctionnaires, les petits commerçants et artisans, ..., en laissant à ces couches et classes sociales une certaine importance ou/et des avantages financiers appréciables.

    Cette tendance s’est inversée dans le monde et accélérée encore plus dans les vieux pays industriels .

    La paysannerie ? Liquidée ! (2 à 3% de la population) faux salariés de groupes commerciaux de distribution pour une partie de ce qui en reste

    Artisans ? liquidés ! lumpen-prolétarisés en partie (pas tous...)

    Commerçants ? liquidés ou faux salariés de chaines de magasins

    l’instituteur, le cheminot, le postier, etc qui étaient des notables de proximité, de prestige , prolétarisés, mis à diète commune

    les cadres ? une grosse partie sont maintenant une catégorie qui se distingue de moins en moins au niveau revenus des autres.

    Les couches high tech du salariat ? celles des success story de la silicon valley, de Sophia Antipolis en France ? (HP, TI, Alcatel, Wipro, Schneider, Amadeus, etc) que des plans de licenciements comme pour le prolétariat industriel .

    Le rêve là du pilote de ligne fait un atterrissage douloureux en bout de piste montrant le symbole de l’Amérique triomphante dans un état socialement désastreux et très inquiétant.
    Il est le symbole d’un monde moderne du capitalisme sans limite sur-agressif fabriquant de la crise et un nouveau modèle économique pissotière.

    Pilote de ligne.... le rêve de tous les petits garçons quand j’étais petit....

    Ces craquements en haut de la classe et des petites classes auparavant alliées à la bourgeoisie s’accompagne d’un terrible assaut sur ceux qui déjà souffraient socialement en bas.

    Si les anciens gros ont faim, les pauvres meurent de faim.

    En France, des craquements inquiétants se font jour, les luttes de résistance un peu sonnées par les lâchages des nomenclaturas syndicales et politiques, semblent repartir à l’assaut.

    Le sud de la France, décroche très violemment au niveau emplois, les revenus s’écroulent, les licenciements pleuvent, et la résistance boue.

    Si des partis et courants politiques s’interrogent, le programme de résistance est tout trouvé !

    Il est pied à pied, dans la rue, les quartiers, les entreprises, dans le logement, etc.

    ce monde serait bien mieux géré si les travailleurs avaient le pouvoir.