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France Télécom fait ses premiers pas d’entreprise privatisée

Publie le jeudi 2 septembre 2004 par Open-Publishing
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de Nathalie Brafman

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Lors d’une assemblée générale extraordinaire, mercredi 1er septembre, la direction a fait approuver la possibilité de distribuer des stock-options. Les syndicats appellent à une journée de grève, mardi 7 septembre, jour du dernier conseil d’administration de l’entreprise publique.

Mercredi 1er septembre, 17 heures, Théâtre de l’Empire à Paris. Hasard du calendrier ou pas, l’Etat a annoncé qu’il allait céder 9,6 % du capital de France Télécom le jour même où l’opérateur a convoqué une assemblée générale extraordinaire, principalement pour approuver l’opération de fusion-absorption de sa filiale Internet Wanadoo, ainsi que la possibilité de distribuer des stock-options à ses salariés. Une première dans un groupe encore majoritairement détenu par l’Etat.

Arrivés par l’entrée des artistes, Thierry Breton, PDG de France Télécom, et ses principaux lieutenants prennent place à la tribune. Dans la salle, un peu plus de 300 actionnaires seulement ont répondu à l’invitation du groupe, bien moins que lors d’une assemblée générale ordinaire.

Devant le théâtre, au son du groupe de musique Mickey 3D, quelques syndicalistes manifestent. Ils ont accroché des banderoles : "Contre la vente de France Télécom, pour la défense du service public" ou encore "France Télécom : 50 milliards de dettes. Renationalisation. Les privatisations tuent les services publics". Certains salariés proposent aux actionnaires qui arrivent pour assister à l’assemblée d’acquérir La Machine à broyer, le livre de Dominique Decèze, qui dresse un constat très dur sur les conditions de travail chez l’opérateur. "Achetez-le ! Achetez-le !", crient-ils.

Ce n’est pas encore le grand soir. "Nous n’avions pas l’intention d’appeler les salariés de France Télécom à venir en masse manifester. De toute façon, ils savaient depuis la loi du 31 décembre 2003 que la privatisation de France Télécom était inéluctable. Désormais, nous allons nous battre sur l’emploi, les salaires et les conditions de travail, qui se sont énormément détériorées", déclare Philippe Carer, secrétaire régional de la CGT-PTT Ile-de-France. Le syndicat, qui n’a pas manqué de réaffirmer que le désengagement de l’Etat dans le capital de France Télécom "est une opération exclusivement financière. Cet argent ne servira ni à l’emploi ni au progrès social", appelle à une semaine de mobilisation générale du 13 au 17 septembre.

"RÉAGIR VITE"

Parallèlement, l’ensemble des syndicats (CGT, SUD-PTT, FO, CFDT, CFTC et CGC) appellent à une journée de grève, mardi 7 septembre. "L’émotion est grande parmi les salariés. Nous voulions réagir vite", affirme Verveine Angeli, de SUD. Ce jour-là se tiendra le dernier conseil d’administration de France Télécom encore entreprise publique. Ce jour-là aussi, les titres vendus par l’Etat seront effectivement livrés à leurs acheteurs et le prix de cession connu.

Selon la CFTC, cette grève pourrait entraîner des perturbations dans les agences qui seront fermées, dans les plates-formes de renseignements aux particuliers sur les services Internet ou de téléphonie mobile, ainsi qu’aux renseignements téléphoniques du 12.

A l’intérieur du théâtre, Thierry Breton se défend devant ses actionnaires d’avoir été mis dans la confidence par l’Etat. "J’ai découvert cette information comme vous. J’espère que le mouvement de l’Etat pourra redonner une dynamique au titre. On sentait bien qu’il y avait un paradoxe : l’entreprise tient ses objectifs -de redressement- mais le titre ne remontait pas -il plafonne autour des 20 euros depuis des mois-", déclare-t-il. Par ailleurs, le PDG précise qu’après ce retrait de l’Etat, le nombre d’administrateurs passera de sept à cinq pour l’Etat et de sept à trois pour les salariés.

Une fois la présentation de l’opération de fusion-absorption de Wanadoo par sa maison-mère et la résolution sur l’attribution de stock-options jusqu’ici possible uniquement pour les salariés d’Orange et de Wanadoo (Le Monde du 2 septembre) expliquée aux actionnaires, ceux-ci prennent enfin la parole. Une polémique débute alors sur le vote de l’Etat. "Peut-on prendre en compte dans les votes les 10 % qu’il vient de vendre ?", interroge Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM). "Les titres ne seront livrés que la semaine prochaine. Jusqu’à cette date, l’Etat reste légalement propriétaire de ses titres",répond Jean-Yves Larrouturou, secrétaire général du groupe. "C’est contestable, répond Mme Neuville. Selon le code civil, il y a transaction lorsqu’il y a un accord sur la chose et sur le prix."

La pasionaria des petits actionnaires dénonce le degré de démocratie de cette assemblée et estime qu’il aurait été plus élégant de faire prendre des décisions par des actionnaires qui vont rester dans le capital du groupe plutôt que par l’Etat qui va partiellement en sortir. Une petite actionnaire vient à sa rescousse : "Mme Neuville a raison. L’Etat ne devrait pas pouvoir voter sur la partie qu’il vend. Mais maintenant l’Etat fait ce qu’il veut..." Pour Bernard Cornardeau, président de l’Association des petits porteurs actifs (Appac), tout cela n’est "qu’une question de principe, même si au final cela ne changera pas grand-chose puisque l’Etat reste toujours l’actionnaire majoritaire".

QUESTION SUR LES STOCK-OPTIONS

Une fois passée cette polémique, les questions sur les stock-options se multiplient. "Quelle sera la répartition entre l’équipe dirigeante et les autres cadres ? Pourquoi avoir décidé d’en attribuer ?..." "Nous avions la possibilité d’ignorer le sujet mais il ne faut pas être hypocrite. Les stock-options existent depuis 2001 dans les filiales Orange et Wanadoo de France Télécom. Avec 15 000 salariés titulaires de stock-options, nous faisons même partie des trois premières sociétés cotées au CAC 40 sur ce sujet, affirme M. Breton. Nous avons décidé qu’il était plus honnête qu’il n’y ait plus de discrimination entre les salariés." Quant à l’attribution, rien n’est encore tranché. "Je la souhaite la plus large possible. C’est en tout cas ce que je proposerai au comité des rémunérations", poursuit-il, se félicitant d’avoir même des fonctionnaires propriétaires de stock-options.

Deux heures après le début de l’assemblée, la première résolution concernant la fusion-absorption de Wanadoo est adoptée à 99 % et celle sur la possibilité pour le conseil d’administration d’attribuer des stock-options à près de 90 %. La salle se vide. Dehors, les syndicalistes sont aussi partis.

Nathalie Brafman

Condamnation du Parti socialiste

Le Parti socialiste - qui a ouvert le capital de l’entreprise en 1997 - a condamné, dans un communiqué, la décision du gouvernement de céder une partie du capital qu’il détenait dans France Télécom, qui marque la privatisation de l’entreprise. "La privatisation se traduira, comme dans d’autres secteurs du service public, par une augmentation supplémentaire des factures des usagers, une menace sur la qualité des services rendus et des suppressions d’emplois."Très critique vis-à-vis du gouvernement, il souligne que "le seul argument avancé par le ministre de l’économie et des finances pour privatiser France Télécom est la réalisation d’une plus-value financière" et dénonce "cette marchandisation d’un service public essentiel, dans le seul but de combler des déficits dont le gouvernement porte l’écrasante responsabilité".

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-377571,0.html

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