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Sociologues, psychologues, anthropologues etc. à la pointe du progrès de la modernité !

Publie le jeudi 2 septembre 2004 par Open-Publishing

Stop Nogent lettre n°103 juin-juillet 2004 : Roger Belbéoch
http://www.dissident-media.org/stop_nogent/sommaire_lettre_103.html

Depuis quelque temps les études socio-psycho-anthropologiques sur les risques de notre société encombrent les revues scientifiques et les médias. Elles attirent un bon paquet de contrats d’études alors qu’il y a une vingtaine d’années ces disciplines étaient considérées comme mineures et un tel développement n’était pas imaginé.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de la façon dont les " responsables " politiques doivent envisager la gestion d’une catastrophe majeure résultant d’un risque important. Pour ces scientifiques des sciences dites " molles ", le risque a surgi et les a propulsés en tête des sciences " dures " en ce qui concerne les désastres de la modernité, ceux advenus et ceux à venir (liste non exhaustive : nucléaire et rayonnements, chimie, environnement, amiante, vaches folles, sang contaminé, OGM etc.).

Les contrats d’études que les institutions distribuent à ces scientifiques sont justifiés par les craintes que les catastrophes pourraient déclencher ce qu’un expert en désastres industriels a appelé des " turbulences " sociales [1]. La principale préoccupation des " responsables " ce n’est pas d’intervenir afin d’éviter la survenue des désastres industriels mais d’essayer de mettre en place des stratégies qui permettent de gérer ces catastrophes une fois qu’elles ont eu lieu au coût minimum et au calme maximum. Les socio-psycho se sont engouffrés dans ce créneau et il pleut une manne de contrats d’études. Par exemple il s’agit d’étudier les réactions d’une population au voisinage d’une installation industrielle dangereuse pour mettre en évidence ses angoisses et indiquer des voies aux gestionnaires pour les calmer. Cela, en termes de risques, c’est à dire avant le désastre.

Tchernobyl a donné à ces scientifiques des sciences " molles " un tout autre débouché.

Comment des gens vivant dans des zones contaminées de l’ex-URSS réagissent-ils aux dangers de la contamination radioactive ? Finies les manifestations de rue des années 88 et surtout 89 en Biélorussie. Tout paraît calmeRésignation et/ou refoulement, négation des risques radiologiques ? La préoccupation des dangers en termes de santé ne fait pas partie des problèmes que nos autorités gestionnaires essaient de résoudre. Ce qui se vit là-bas au Bélarus (ex-Biélorussie) par les habitants contaminés d’une façon chronique par les retombées de Tchernobyl, leurs effets sanitaires délétères chez les enfants elles " n’en ont rien à cirer ". Ce qui les intéresse c’est comment elles devront intervenir chez nous si un accident nucléaire se produisait sur un de nos réacteurs. [Rappelons que désormais les contre-mesures de la phase d’urgence ont été publiées en France - c’est donc que l’accident est officiellement considéré comme possible - avec main mise du militaire].

Comment magouiller les informations pour éviter l’évacuation de centaines de milliers d’habitants ou la fuite genre exode de 1940. L’intérêt de programmes de type CORE -coopération pour la réhabilitation- (des conditions de vie dans les territoires contaminés) mis en place au Bélarus plus de 15 ans après l’explosion du réacteur de Tchernobyl n’a rien à voir avec les problèmes sanitaires auxquels est confrontée la population vivant dans les zones contaminées. Les études programmées n’ont rien à voir avec un désir de protéger vraiment les habitants en leur apportant l’aide médicale dont ils ont besoin. Si c’était le cas le programme CORE intègrerait au minimum la distribution de pectine aux enfants, pectine qui sert à éliminer le césium radioactif incorporé.

Mais aussi l’évacuation éventuelle de zones toujours très contaminées, seule réelle solution pour résoudre les problèmes sanitaires des enfants contaminés en des lieux où il y a en plus du strontium 90 et de l’américium 241 émetteur alpha résultant de la désintégration du plutonium 241. Non, ce dont il s’agit pour les habiles promoteurs de tels programmes (pas pour les naïfs exécutants) c’est de rétablir un niveau de confiance de ces populations vis-à-vis de leur environnement contaminé tout en leur donnant quelques conseils pour éviter le pire et surtout calmer les habitants. En somme le but visé par la " réhabilitation " des conditions de vie est d’arriver à ce que 20 ans après la catastrophe la situation soit normalisée [2] ce qui nécessite une stratégie médiatique pour calmer définitivement la population, celle de la servitude volontaire. Pour éviter que les enfants aillent dans les bois contaminés ils pourraient proposer de distribuer des jeux vidéos qui scotcheraient les enfants devant la télé !

Pour nos gestionnaires de l’accident futur il faut à tout prix éviter les " turbulences " sociales et la maîtrise des turbulents qui seraient autant d’indices d’une société qui aurait abandonné son simulacre de démocratie pour adopter un régime autoritaire. Au Bélarus, le régime autoritaire de Loukachenko est une aide précieuse pour la " normalisation ", lui qui demande et favorise la réinstallation d’habitants de l’ex-URSS dans des villages évacués.

Les sociologues, psychologues, anthropologues etc. qui se sont installés dans ce système sont très nombreux. Connaissant certains d’entre eux il est difficile de croire que seul l’attrait de contrats juteux motive leur activité. Bien sûr on ne peut exclure la tentation de mise en avant médiatique alors que ce type d’études était plutôt ignoré du public.

On ne peut exclure non plus la croyance naïve que leur collaboration avec des institutions très impliquées dans la gestion sociale permette d’obtenir quelques avantages intéressants pour la société, en somme, de limiter les dégâts. En réalité ils ne se rendent pas compte que leur activité est plus qu’une collaboration mais un " concubinage " au sens d’Ulrich Beck [3].

La dénonciation des méfaits et/ou de la perversité des activités menées dans les différentes disciplines scientifiques a été tentée au début des années 70, venant de l’intérieur des laboratoires et institutions, qu’il s’agisse des psychiatres, médecins, mathématiciens, physiciens etc. Ont fleuri des groupes et des revues iconoclastes, entre autres Tankonalasanté, Impascience, les Cahiers du laboratoire, Cahiers pour la folie, les bulletins des différents " groupes d’information. " GIS groupes d’information santé, GIP groupe d’information prison, GIT groupes d’information travail et certainement bien d’autres. Les activités des sciences " dures " ont été analysées durement par le groupe " Survivre et Vivre ", relations science et militaire, relations science et société. Les informaticiens se sont interrogés sur les effets négatifs d’une pensée binaire oui/non sur la société etc.

Il y aurait vraiment besoin d’analyser comment ces activités scientifiques des sciences sociales qui fleurissent aujourd’hui contribuent à escamoter les problèmes réels des risques de notre modernité. Dénoncer le rôle de ces disciplines dans la stratégie de gestion pré et post-accidentelle des gérants pré et post-désastres qui nous attendent, serait extrêmement utile pour prendre conscience de ces désastres possibles et qui inquiètent les gestionnaires, non par les conséquences dramatiques pour la population mais pour la façon de gérer ces désastres en " douceur ".

Ce travail de remise en cause, s’il était fait de l’intérieur par les scientifiques eux-mêmes, serait particulièrement percutant. Les socio-psycho-anthropologues, sous une couverture de responsabilité scientifique, aident les gestionnaires de notre société sur des critères strictement économiques. Analyser ces rôles pervers de la sociologie pourrait être un thème intéressant pour des sociologues.

Roger Belbéoch, juin 2004


[1] Patrick Lagadec " Stratégies de communication en situation de crise " exposé présenté au colloque international de recherche " Evaluer et maîtriser les risques, la société face au risque majeur " 20, 21, 23 janvier 1985, Chantilly.

Extrait : " Dans ce contexte de haute turbulence, la mise en relation -la communication- devient un facteur stratégique de première importance. Communications internes aux organismes concernés, communications entre organisations, communications vers le public à travers les médias (ou par voie directe dans les cas d’urgence extrême) : l’expérience montre la nécessité de maîtriser ces multiples lignes d’information ".

[2] La normalisation ne vise pas seulement la perception de la situation par la population des zones contaminées, mais aussi la perception que les étrangers (nous) ont de la catastrophe pour éviter le refus de l’énergie nucléaire dans les pays nucléarisés (la France en particulier).

[3] Ulrich Beck " La société du risque, sur la voie d’une autre modernité " Ed. Aubier, 2001.

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L’INRA adopte la pluridisciplinarité scientifique

L’INRA, Institut national de recherche agronomique, est en principe un institut scientifique. On apprend dans Le Figaro du 19 mai 2004 qu’un dénommé Pierre-Benoît Joly travaille à l’INRA en tant que " directeur de recherche ". Ce personnage est sociologue.

L’INRA a peut-être embauché aussi quelques psychologues ? Dans notre modernité la science doit être pluridisciplinaire, elle nécessite l’intervention des magouilleurs psycho-sociologues pour établir sa crédibilité !