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Procès AZF : relaxe générale au bénéfice du doute

Publie le jeudi 19 novembre 2009 par Open-Publishing

de Marc Vignaud

Le doute. C’est ce qui a motivé le tribunal correctionnel de Toulouse pour ordonner jeudi la relaxe des prévenus dans le procès AZF. L’ex-directeur de l’usine Serge Biechlin et Grande Paroisse, la filiale de Total, s’en sortent donc sans condamnation pénale. Ce qui n’a pas empêché le tribunal de souligner les "fautes organisationnelles" au sein de l’usine.

Mais les réquisitions du ministère public, trois ans de prison avec sursis et 45.000 euros d’amende contre Serge Biechlin, 225.000 contre Grande Paroisse en raison des négligences ayant conduit à la catastrophe, n’ont pas été suivies : "Le tribunal ne peut envisager de raisonner par défaut, car sur le plan pénal il faut démontrer une faute commise et le lien de causalité certain avec les dommages", a justifié le président du tribunal Thomas Le Monnyer. "La loi ne prévoit pas la présomption."

"Profondément regrettable d’en arriver là au bout de huit ans" (maire de Toulouse)

La décision a été accueillie par des applaudissements du côté des anciens salariés, proche de la défense. "C’est honteux", estiment pour leur part des parties civiles. Ils espéraient une condamnation sur la base des conclusions des experts judiciaires, relayées par le parquet, selon lesquelles la catastrophe était due au déversement accidentel de quelques kilos d’une substance chlorée (DCCNa) sur un tas de 300 tonnes de nitrate d’ammonium stocké dans un hangar qui a explosé. L’explosion, en septembre 2001, avait fait 31 morts, quelque 20.000 dommages corporels et 71.000 dommages matériels.

"Le tribunal a laissé la porte ouverte à la délinquance industrielle", dénonce froidement Gérard Ratier, président de l’Association des familles endeuillées, dont le fils a été tué par la déflagration. Me Agnès Casero, l’avocate de l’Association des Sinistrés du 21 septembre" affirme au point.fr qu’elle va demander au procureur de faire appel mais se console en relevant que le tribunal n’a pas épargné Grande Paroisse dans cette affaire, loin de là. Selon elle, les attendus du jugement sont "très durs" à son encontre. "Les magistrats ont compris, mais ils n’ont pas l’outil juridique pour aller plus loin", en l’absence de certitude totale. Même analyse du maire de Toulouse, Pierre Cohen qui avoue "avoir du mal à admettre les attendus du jugement : "Si j’ai bien compris le tribunal, Grande Paroisse est moralement coupable mais pénalement innocente", ironise-t-il. Et de conclure : "Je prends acte de cette décision mais je trouve profondément regrettable d’en arriver là au bout de huit ans !"

L’avocat de Total, Me Soulez-Larivière, répond que le procès civil a déjà eu lieu et que deux milliards d’euros "ont été réglés par Grande Paroisse". Au pénal, "il faut qu’il y ait une critique formulée, une faute alléguée et une relation de certitude entre cette faute alléguée et le sinistre pour constituer une infraction", martèle-t-il auprès du point.fr. Même s’il avoue lui aussi être "très frustré, en tant que citoyen, de ne toujours pas savoir ce qui s’est passé malgré tous les moyens".

http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-11-19/relaxe-generale-proces-azf-grande-paroisse-moralement-coupable-mais-penalement-innocente/920/0/396991