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Lynchages en série

Publie le mercredi 6 janvier 2010 par Open-Publishing
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Lynchages en série contre les militants de gauche en Turquie

Le 16 décembre dernier, trois étudiants de gauche de l’Association de la jeunesse (Gençlik Dernegi) menant campagne pour la fermeture de la base américaine d’Incirlik (sud de la Turquie) ont été arrêtés à Edirne en Thrace (nord-ouest de la Turquie ) pour « propagande en faveur du DHKP-C ». Le 27 décembre, un groupe de 15 étudiants andrinopolitains et la mère d’un des trois étudiants arrêtés, ont été lynchés par près d’un millier de personnes alors que la poignée de manifestants collectait paisiblement des signatures pour la libération des trois étudiants.

Cette fois encore, les agresseurs avaient été mobilisés et encadrés par des policiers et des agents en civil, ce que confirment les témoins oculaires et les nombreux documents vidéo. Pendant leurs séances de ratonnades anticommunistes, les lyncheurs ont hurlé des slogans anti-kurdes et anti-PKK tels que : « A Edirne, il n’y a pas de place aux traîtres » et « A bas le PKK » alors que ni ces étudiants, ni leur campagne anti-impérialiste n’avaient de rapport avec la cause nationale kurde.

Et une fois de plus, les lyncheurs ont pu rentrer chez eux sans être inquiétés par les autorités tandis que deux des victimes ont été incarcérées en vertu du mot magique de « propagande en faveur du DHKP-C ».

Loin de se laisser décourager devant la folie furieuse des manifestants d’extrême droite, 150 membres du Front populaire (Halk Cephesi) répartis dans trois autocars, ont quitté Istanbul le 3 janvier pour organiser un rassemblement sur la place centrale de la ville d’Edirne.

A quelques kilomètres de la cité thracienne, les lyncheurs ont bloqué l’autoroute pour empêcher les manifestants d’entrer à Edirne. Puis, aidés par les forces de « sécurité », ils ont violemment agressé les membres du Front populaire. Au lieu de disperser les agresseurs, la police s’en est ainsi prise aux occupants des autocars en les matraquant et en les aspergeant de gaz lacrymogènes. On compte plusieurs blessés parmi des manifestants pris en étau par la police et les fascistes.

Le même jour, les activistes du Front populaire ont été lynchés dans les provinces orientales d’Erzincan et de Kars alors qu’ils faisaient signer la même pétition réclamant la fermeture de la base militaire américaine d’Incirlik. Là aussi, même scénario : des provocateurs qui attisent la haine de la population contre une poignée de militants pacifistes puis des scènes de lynchage, des blessés et des arrestations parmi les victimes.

Ces crimes fascistes sont loin d’être anodins en Turquie. Les quelques exemples historiques suivants permettent de constater que ces explosions de haine souvent très meurtrières ne sont pas des « réactions citoyennes spontanées » comme veulent le faire croire les autorités et la presse de droite.

Les 6 et 7 septembre 1955, les minorités juives, grecques et arméniennes d’Istanbul ont subi deux « nuits de cristal » par des hordes racistes. La veille, les édifices qui devaient être pris pour cible avaient été marqués à la peinture rouge. Bilan : des milliers de maisons, d’églises, de synagogues, de commerces saccagés, pillés et l’exode massif vers l’étranger des minorités prises pour cible. Les autorités turques avaient alors tenus les communistes pour responsables de ces pogromes alors que ce fut l’attentat commis par des agents de liaison de l’ambassade turque en Grèce contre la maison d’Atatürk à Salonique qui mit le feu aux poudres (source : révélations du général Sabri Yirmibesoglu, secrétaire général du Conseil national de sécurité - MGK - de 1988 à 1990).

Le 19 février 1969, les policiers turcs assistés par des militants islamistes proaméricains lynchent des manifestants de gauche qui protestaient contre la présence de la 6e flotte américaine dans le Bosphore. Les lynchages fascistes font deux morts et plus de 200 blessés parmi les manifestants de gauche.

Le 24 décembre 1978, les Loups Gris organisent un pogrome anti-alévi (communauté religieuse syncrétique d’inspiration chiite prônant un Islam humaniste) et anti-communiste à Kahramanmaras (sud de la Turquie ). Les maisons des victimes avaient été marquées la veille. Les Loups Gris massacreront ainsi 111 personnes, femmes, enfants et vieillards pour la plupart, à coups de hache, au couteau, avec des fusils ... Tout avait commencé le 19 décembre 1978 avec le lancement d’une bombe dans un cinéma fréquenté par des fascistes. L’auteur de l’attentat, Ökkes Kenger (qui changea ensuite son nom de famille en Sendiller par peur de représailles) lui-même un fasciste du Parti d’action nationaliste (MHP), avait imputé la responsabilité de l’attentat aux communistes pour susciter un soulèvement d’extrême droite dans la ville contre la minorité alévie.

Le 2 juillet 1993, les intellectuels alévis et de gauche subissent un lynchage islamo-fasciste à Sivas qui se solde par l’incendie de leur hôtel. Bilan : 37 morts.

Rien que ces cinq dernières années, on dénombre près de 40 actes de lynchage (source : Birgün, édition électronique du 5 janvier 2010) visant principalement les manifestants pro-kurdes, les quartiers kurdes et les militants de la gauche turque.

Chaque fois que ce type de violences éclate, les regards se tournent systématiquement vers le Commandement des forces spéciales de l’armée et son Conseil d’examen de la mobilisation (Seferberlik Tetkik Kurulu), appelé également « Département de guerre spéciale » (Özel Harp Dairesi), une structure secrète de l’armée turque créée par la CIA et l’OTAN durant la guerre froide et destinée à mener la guerre psychologique et militaire contre « l’ennemi intérieur » par la mobilisation de la population à partir d’actes de sabotage et de provocation.

Les inquiétudes autour de l’existence de cette boîte noire de « l’Etat profond » ont refait surface ces derniers jours après que la justice civile ait ordonné des perquisitions dans la « chambre cosmique » du Commandement des forces spéciales sur base de soupçons de complot d’assassinat par des militaires contre le vice-premier ministre Bülent Arinç. C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire de la Turquie qu’une pareille enquête vise le QG des opérations secrètes qui ont ensanglanté la Turquie ces soixante dernières années.

Entre-temps, le calme n’est toujours pas revenu en Thrace : les 150 manifestants stambouliotes sont bloqués depuis dimanche dans une station d’essence non loin d’Edirne. Leurs avocats dépêchés sur les lieux ont rencontré le gouverneur de la ville hier pour que ce dernier débloque la situation et permette aux manifestants de voyager et de manifester librement mais celui-ci s’est montré peu coopérant.

Au même moment, les lyncheurs fascistes, ouvertement assistés par la police et les services secrets, guettent la moindre occasion pour semer la terreur et verser le sang de ceux qui pensent autrement.

Comité des libertés

comitedeslibertes@gmail.com

Le 5 janvier 2010

Messages

  • Le PKK représentant d’une cause nationale ? Pauvre cause alors, ces gens du PKK sont des criminels : la semaine dernière encore une jeune lycéenne de 17 ans a été brûlée vive par des activistes du PKK, juste parce qu’elle était turque.