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En Martinique, libre entreprise ou autogestion ?

Publie le vendredi 8 janvier 2010 par Open-Publishing

A l’heure de l’autogestion chez Philips, ce petit article écrit voici quelques jours, me semble dans l’air du temps...

Un cadeau de Noël ?

En cette fin 2009, Monsieur Bompière, Président de la Chambre du Commerce et de l’Industrie de la Martinique « nous » a annoncé « une bonne nouvelle » : l’octroi d’une subvention de 90 millions d’euros pour « soutenir les entreprises martiniquaises ». Si l’on n’a pas manqué, à ce propos, d’évoquer les effets de la crise internationale, on n’a pas oublié, comme d’habitude, de mettre sur la balance les effets néfastes du mouvement social de février-mars. Et nous, nous répéterons, au passage, que des pays qui n’ont connu aucun mouvement contestataire de tel ampleur, comme aux Etats-Unis, voire aucun, comme en Islande, ont quand même subi, de façon plus désastreuse, les effets de ladite crise…

90 millions donc.
Comment cet argent est-il réparti ? Faut-il justifier d’objectifs pour bénéficier de la manne ? Que des petites entreprises de quelques salariés obtiennent quelques sous pour continuer à produire et à vivre dans le sens d’un intérêt général, on ne trouverait guère à redire. Par contre s’il s’agit de grands groupes, qui ont déjà bénéficié, comme la grande distribution, par exemple, d’exonération d’octroi de mer, si généreusement accordées par notre charismatique Président du Conseil Régional, là, on pourrait se dire qu’effectivement rien ne change sous le soleil de notre petite société d’économie de comptoir.

L’auto entrepreneur : une jeunesse souvent courageuse que l’on envoie à l’échec.

Dans cette fausse économie où ce sont toujours les mêmes qui concentrent le gros des aides et des bénéfices, on laisse croire à nombre de jeunes qu’il suffit de « se lancer », d’ « oser » et donc de créer sa propre entreprise…
Etude de marché, faisabilité, contexte de fausse concurrence, clientélisme…Tout cela n’est guère évoqué.
Le nouveau crédo : l’auto-entrepreneur. Il faut « foncer », être un « battant »… sans voir que le plus souvent, au passage, on abandonne une grande partie de ses droits sociaux en cas de « coup dur ». Car on est devenu un « auto entrepreneur », n’est-ce pas.
Derrière ce nouveau terme, destiné à ravaler la façade idéologique de la libre entreprise, se cache la vérité affublée de vêtements flottants et démesurés : petit, fragile, éphémère tel est l’essence même de l’auto-entrepreneur !
Sans vouloir démoraliser une jeunesse souvent courageuse et entreprenante, nous devons quand même dire la vérité. La Martinique n’est pas une terre de libre-entreprise. Elle ne l’a jamais été et ne le sera sans doute jamais. Dans la réalité celui qui veut s’installer à son propre compte se trouve souvent face à des obstacles au caractère aberrant, ceux d’une économie biaisée, irréelle, où la corruption n’est pas absente, tous comme les réseaux d’influence avec lesquels il faut souvent composer sans cesse.
Mais surtout la libre entreprise a sa limite logique dans l’étroitesse du marché, étroitesse renforcée aujourd’hui par les effets de la crise.


La libre entreprise est en crise, comme tout le système capitaliste.

Cela veut-il signifier qu’il vaut mieux rester à bader, à mijoter sans rien faire dans un sentiment d’impuissance ?
Dans une petite île comme la notre l’objectif ne peut résider dans la recherche du profit par l’exploitation d’autrui. L’une des grandes revendications sou jacente au mouvement social de février-mars 2009 aura été la volonté d’un contrôle sur les échanges. Les prix trop élevés signifient bien que nous sommes entre les mains de profiteurs puissants et sans scrupules.
Et notre action d’entreprise, passant par un contrôle nécessaire, doit viser à nous assurer un revenu nous permettant de vivre décemment tout en tenant compte de l’intérêt général. Nous sommes obligés de tendre vers une morale qui est la recherche de la satisfaction des besoins du plus grand nombre et non pas l’exploitation de notre prochain.
Si l’on regarde objectivement le potentiel de production, dans le domaine agricole par exemple, - et ce malgré la pollution et toutes les spoliations - nous nous rendons vite compte que l’on pourrait sans grands efforts satisfaire les besoins alimentaires, si non de la majorité de la population, du moins d’une bonne partie de celle-ci, avec une production qui n’aurait plus rien de comparable avec ce qu’elle est aujourd’hui.

De réseaux mutualisés aux coopératives jusqu’à l’autogestion généralisée.

La crise qui s’annonce encore plus crument qu’en 2009, en dépit des bels pawols de tous les propagandistes, va peut-être nous mettre face à cette responsabilité : reprendre les terres, notamment, pour en faire une agriculture raisonnée, développer le jardin créole, réquisitionner les biens de consommation pour mieux les répartir, réviser les échanges avec l’extérieur…Cela pourrait être ça ou crever de faim !
Les conflits d’intérets nous bloquent. Un exemple : le tramway. Les travaux, vaille que vaille, continuent…mais il n’y a pas de centre de gestion ! Qui gérera ce nouveau moyen de transport ? La Cacem ? Le Conseil Général ? C’est la foire d’empoigne…Et du retard pour la mise en route de ce service écologique attendu, indispensable.
Si la population s’organisait, soutenait par exemple le Kolektif 5 févryé, en vue de la constitution d’un organisme de gestion émanation réelle des travailleurs, par leurs syndicats, et des usagers, constitués en association, ne croit-on pas que les choses pourraient avancer plus vite ?
Dans l’attente d’une nouvelle explosion sociale, soyons prêts à nous réorganiser au mieux avec les outils pour l’instant encore, à notre disposition. Car aussi maigres soient-ils, il ne faut pas les négliger.
Organiser des réseaux pour échanger avec l’extérieur, via internet, rompre avec les monopoles de l’importation, réorganiser les entreprises en SCOPS qui nous laisseront, en cas de « coups durs » un minimum de droits sociaux, fédération des nouvelles entreprises coopératives – et des anciennes ! – en réseaux, pour se grouper et être plus forts, tout cela dans l’intérêt des populations et non pas du profit.
Par l’altruisme, la solidarité, l’intérêt bien compris de chacun nous pourrons non seulement « nous en sortir » mais vivre mieux ! Pour cela il faudra aller plus loin dans une rupture indispensable avec le capitalisme et son idéologie, mettre tout sur la table, réorganiser, se responsabiliser, contrôler démocratiquement au jour le jour et à plus long terme, bref mettre sur pieds une société de liberté basée sur l’autogestion généralisée.