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Répression à tous les étages !

Publie le jeudi 14 janvier 2010 par Open-Publishing
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Ça y est ça ressort, l’UMP veut supprimer les allocs des parents dont les enfants font l’école buissonnière ! Selon l’agence Reuters : le ministre de l’Education Luc Châtel a accepté l’idée de simplifier une disposition existante permettant de supprimer les allocations familiales en cas d’absence d’un élève au collège ou au lycée.
Cette proposition a été lancée par le député UMP Eric Ciotti, qui veut simplifier une règle adoptée en 2006, dans la foulée des révoltes urbaines de 2005. Après un vif débat, cette règle avait été soumise à plusieurs conditions, n’a jamais fonctionné et elle est sortie du débat public.

On veut donc obliger les enfants à aller à l’école en supprimant les ressources des parents ! Dit comme ça il y a comme un truc qui me gène… Il serait peut-être intéressant de s’interroger sur les causes de l’absentéisme avant de mettre en place des lois répressives et potentiellement injustes (tout autant qu’inutiles)...

Ayant travaillé pendant plusieurs années avec des jeunes en Seine St Denis et notamment dans des collèges au sein de dispositifs alternatifs de scolarisation (ateliers-relais, classes-relais), j’ai pu observer au quotidien ces élèves qu’on décrit comme absentéistes. Premièrement j’ai été frappé par leurs situations sociales, la précarité des conditions de vie et des ressources est impressionnante chez de nombreuses familles, on y trouve des situations qui égalent sans difficulté les conditions de vie décrites par Zola dans Germinal. Enfants habitant dans des squats insalubres, familles de 4 personnes logée dans un studio, père alcoolique qui frappe la mère et les gosses, parents qui cumulent plusieurs emplois pour survivre…etc…etc…etc…

La liste est longue et le but n’est pas de faire chialer dans les casbahs mais quand on connaît ses situations, on se demande quel est le but d’une telle mesure ? Si les enfants sont « absentéistes », le but est de les faire revenir à l’école non ? Comment espérer améliorer la fréquentation des établissements si l’on supprime, dans un contexte de « crise économique » (elle a bon dos celle-là…), de montée du chômage, de désolidarisation collective, l’une des ressources des parents ?

Quand des gamins doivent partager leurs habits avec ceux de leurs frangins qui ont trois ans de plus, quand le petit dernier met les chaussettes roses trouées que portait la grande sœur des années avant, quand faire bouillir la marmite et chauffer la baraque deviennent un casse tête tellement insoluble que les gamins ne mangent pas le midi (vu et revu…), tout euro est le bienvenu car il s’agit bien de survivre, seulement survivre…

Mon expérience au sein des dispositifs de scolarisation alternative que j’évoquais plus haut m’a permis de découvrir des gamins qui à l’âge de 11/12 ans avaient décidé de ne plus venir au collège non par manque de volonté mais par découragement.
Ces derniers lorsqu’ils étaient orientés vers nos dispositifs avaient parfois plus de 10 mois d’absence au collège et étaient décrits comme « irrécupérables », perturbateurs et perturbés, violents, démotivés et pourtant… Et pourtant, une fois encadrés par des professeurs qui s’intéressent à eux, des animateurs qui montent des projets en partant de leurs envies à eux, des artistes qui les amènent à se découvrir eux-mêmes, des éducateurs qui effectuent un suivi social, placés dans des classes de 8 élèves maximum, nombre d’entre eux reviennent à l’école et ils le font même avec plaisir.

Je me rappellerais toujours mon étonnement quand après avoir lu le dossier des mômes et les avoir imaginé "enfants-terribles" d’après ces descriptions, je les voyais arriver à l’atelier-relais presque tous les jours, presque à l’heure et quasiment de bonne humeur ! J’ajoute ces adverbes pour modérer mon propos mais en toute honnêteté, cette expérience m’a permis d’appréhender l’espace d’une ou deux années quels mécanismes sont à l’œuvre en milieu scolaire « classique », exclusion et non insertion sociale, élitisme, discriminations, l’Education Nationale est une véritable machine à fabriquer de l’échec.

Mais quand on connaît ces mômes, quand on les fréquente, on découvre des personnes de valeur, on comprend qu’ils n’aspirent qu’à une chose : la normalité. Celle justement qu’on voudrait leur imposer par la force, celle qui se reflète dans les vitrines, celle qui brille dans les publicités. La plupart de ces jeunes ne sont pas des rebelles, ils ne luttent pas contre la société de consommation ou ses valeurs, ils veulent juste avoir leur place dans cette société, une petite place au chaud avec un toit, des pompes, à bouffer et à boire, quelques vacances l’été et basta ! Ils veulent bosser, être intégrés, être « normaux », être comme tout le monde…

Agir sur les conséquences de la misère sans en traiter les causes c’est illusoire, dangereux, inefficace et semble une fois de plus dirigé contre les mêmes boucs émissaires auto-désignés. Auto-désignés car à terme ces jeunes finissent par s’enfermer dans cette image qu’on leur renvoie, les stigmates sont intériorisés et pour ne pas avoir honte d’eux-mêmes dans un système qui les rejette, ces enfants se construisent une autre socialisation, dans la rue, avec la bande de potes, et ils font finalement ce qu’on attend vraiment d’eux…

Il semble donc, à l’image de tant d’autres lois passées ces derniers temps qu’il s’agit d’abord et avant tout pour ce gouvernement d’appliquer un programme idéologique sans se soucier d’efficacité réelle, ainsi en est-il de la burqua, des sans papiers, de l’anti-terrorisme, de l’école, du social… Une idéologie de la répression, de l’autorité, de la contrainte, de la loi du plus fort, une idéologie néo-pétainiste qui précipite chaque jour un peu plus le pays dans une société individualiste, oppressée, gangrénée par l’obscurantisme et les inégalités.

Ces orientations confirment une fois de plus le climat de déresponsabilisation ambiant, l’Etat qui organisait la solidarité et la protection sociale se désengage peu à peu, s’étiole, disparaît…au profit d’un Etat policier qui ne laisse rien présager de bon pour les années à venir.

Guillaume C.

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