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Un affront à la mémoire des milliers de morts en mer et au droit international

Publie le lundi 18 janvier 2010 par Open-Publishing
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Voeux de Sarkozy à Mayotte

Un affront à la mémoire des milliers de
morts en mer et au droit international

Le président français manquerait une occasion
historique de demander, au nom de la
France, “pardon” au peuple comorien,
pour tous les drames humains, que son
pays s’est rendu responsable en voulant
forcer la marche à reculon de l’histoire
d’une nation et d’un peuple.
Au nom de cette France, qui se réclame
généreuse, respectueuse du droit, le président
français manquerait une opportunité
de faire au monde le mea culpa de la
République française, pour avoir sciemment
violé les résolutions pertinentes des
Nations unies, demandant le retrait de la
France de Mayotte et admettant les
Comores en tant que nation composée de
quatre îles dont Maore.

Sarkozy s’apprête à se rendre à
Maore pour présenter ses voeux à
nos frères mahorais pour 2010. La
courtoisie républicaine voudrait
qu’il présente ses condoléances pour les
centaines d’hommes, de femmes et d’enfants
péris dans les eaux comoriennes, à cause
d’un visa “illégal” imposé par le premier
ministre français Edouard Balladur en
1995.
Au nom de la France, le président manquerait
une occasion historique de demander
Pardon au peuple comorien, pour tous les
drames humains, que son pays s’est rendu
responsable en voulant forcer la marche à
reculon de l’histoire d’une nation et d’un
peuple.
Au nom de cette France qui se réclame
généreuse, respectueuse du droit, le président
français manquerait une opportunité
de faire au monde le mea culpa de la
République française, pour avoir sciemment
violé les résolutions pertinentes des Nations
unies, demandant le retrait de la France de
Mayotte et admettant les Comores en tant
que nation composée de quatre îles dont
Maore.
Seule puissance
coloniale de la planète
Car ces voeux n’auront de sens, si la France
maintient cette politique honteuse de déplacement
de population à Mayotte au nom
d’une prétendue lutte contre l’immigration,
donnant à la France ce chiffre macabre de
26.000 expulsions par an, dont 16.000 à
partir de la seule Maore, décidée en violation
des lois internationales, mais aussi
conduites dans la brutalité, au mépris des
lois même de la République française.
Depuis que les Comores sont devenues
indépendantes, elles ont vécu une instabilité
chronique, marquée par des coups d’Etat et
des assassinats de présidents. Mayotte,
maintenue sous administration française,
est transformée en base arrière de toutes les
manoeuvres de déstabilisation, jusqu’aux
préparatifs de la sécession de l’île
d’Anjouan en 1997, inspirés par les nostalgiques
d’un passé colonial, que la France –
aujourd’hui la seule puissance coloniale de
la planète – refuse de tourner le dos, de
faire le deuil.
Le président Sarkozy ne peut prétendre ne
pas savoir. Les rapports qu’il a lui-même
commandé et qui lui ont été remis personnellement,
révèlent, les violations les plus
flagrantes des droits de l’homme et des
droits de l’enfant. Ils dénoncent certaines
pratiques employées par la Police aux frontières,
notamment la navigation prohibée
tous feux éteints pour intercepter les embarcations
dites “clandestines”, provoquant
naufrages et disparitions de plusieurs passagers.
Ces rapports ont dénoncé également
le caractère inhumain et “indigne” des
conditions d’accueil et le surpeuplement au
sein du Centre de rétention administrative
de Pamandzi.

Sarkozy ne peut ignorer la transformation
de Mayotte en “zone de non droit”, à
l’exemple de la rétention trop fréquente des
mineurs et les pratiques des forces de l’ordre
de son pays installées sur cette île visant
à changer leurs âges pour les rendre
majeurs. Pour tous ces actes indignes de la
République, la France doit changer de politique
et faire face à la réalité.
Mayotte, la comorienne, poursuit le chemin
tracé par la force des armes, de la manipulation
et du mensonge. De statut en statut,
elle s’achemine vers un statut définitif qui
prétend lui faire tout oublier, faire table
rase de son histoire, de ses racines et même
de sa géographie.
Mais la culture est réputée être plus forte
que toutes les vertus. Les muezzins interdits
d’appeler à la prière, les cadis écartés, les
terres des ancêtres saignés jusqu’à changer
de mains, Mayotte se réveillera d’ellemême,
pour rechercher son identité et son
espace.
La culture est plus forte
que la force et la désinvolture
Pour ce déplacement à Mayotte, Sarkozy
avait prévu de se rendre à Moroni pour
signer un accord global de coopération,
préparé dans le cadre du Groupe de Travail
de Haut Niveau, mis en place par les deux
présidents comoriens et français. Les discussions
bilatérales engagées par les deux
hommes au palais de l’Elysée, sur le
contentieux territorial, n’ont jamais eu de
suite.

Le Gthn mis en place s’est transformé en
instrument de validation de la politique
française à Mayotte, une caisse d’enregistrement
des consultations de l’île et d’acquiescement
des stratégies coloniales qui se
traduisent dans les faits par les séparations
forcées, douloureuses, des comoriens des
trois îles avec leurs frères de Mayotte.
Le président comorien a eu le courage de
tirer les conclusions qui s’imposaient et de
faire revenir la question à l’ordre du jour
de l’assemblée générale des Nations Unies,
se refusant de cautionner un document
cadre de partenariat qui passerait sous
silence le contentieux territorial. Le pays en
a connu trop de présidents qui ont signé les
yeux fermés pour apprécier à sa juste
valeur la position de l’actuel.
Si ce geste du président Sambi est encore
insuffisant, il est aux antipodes des courbettes
que les régimes précédents nous avaient
habitués. Sarkozy à Mayotte ? Ses voeux
seront perçus comme une insulte à la
mémoire des centaines de morts en mer,
emportés par une politique coloniale,
contestée par les Nations Unies et contredite
par le droit international.
Ahmed Ali Amir

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