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La mission sur la burqa s’achève dans la confusion

Publie le vendredi 22 janvier 2010 par Open-Publishing
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de Stéphanie Le Bars

Drôle de fin de mission. Partis avec l’idée de dégager un "consensus républicain" pour éradiquer une pratique unanimement rejetée, les membres de la mission parlementaire consacrée au port du voile intégral achèvent leurs travaux dans la plus totale confusion.

Dans la version du rapport présentée, jeudi 21 janvier au premier ministre, François Fillon, les rapporteurs de la mission reconnaissent que "tant en son sein que parmi les formations politiques représentées au Parlement, il n’existe pas – en tout cas pour l’heure – d’unanimité pour l’adoption d’une loi d’interdiction générale et absolue".

Après six mois d’auditions, et alors que le rapport doit être officiellement remis mardi 26 au président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, les membres de l’UMP continuent de s’empoigner sur le sujet et les socialistes ont décidé de se retirer des discussions.

Dans ce contexte, les parlementaires mettent de côté l’hypothèse d’une interdiction du voile intégral sur la voie publique, de crainte de voir un tel texte jugé inconstitutionnel. Reprenant la position officielle de l’UMP, le rapport tel que remis hier à M. Fillon, préconise en revanche le vote d’une loi l’interdisant dans l’ensemble des services et des transports publics, ainsi qu’à la sortie des écoles "dans la mesure où la remise de l’enfant s’effectue à l’intérieur de l’école".

Ce dispositif "contraindrait les personnes à montrer leur visage à l’entrée du service public ou du moyen de transport public et à conserver le visage découvert tout au long de leur présence au sein du service public". "La conséquence de la violation de cette règle ne serait pas de nature pénale mais consisterait en un refus de délivrance du service demandé", proposent les députés, qui s’emploient par ailleurs à donner des gages à la communauté musulmane.

A droite comme à gauche, le dispositif législatif envisagé ne satisfait pas les tenants d’une interdiction générale et permanente. Et même le principe d’une résolution parlementaire, préconisée par la mission pour condamner solennellement le port du voile intégral, et qui était jusqu’à présent considérée comme une mesure particulièrement consensuelle, pourrait faire les frais des bisbilles entre la droite et la gauche.

Aux désaccords de fond sont en effet venus s’ajouter des interférences politiques. A trois jours de la remise du document final, les députés socialistes qui ont participé aux travaux, ont annoncé, jeudi 21, qu’ils ne cautionneraient pas ce travail et ne voteraient pas le rapport. "Nous avons effectué un travail sérieux, explique le député socialiste Jean Glavany, mais il a été pollué par le débat sur l’identité nationale et par les oukases de Jean-François Copé, [président du groupe UMP de l’Assemblée nationale et auteur d’une proposition de loi d’interdiction générale]. La droite a saboté le consensus". "Nous ne pouvons pas cautionner ces travaux, qui apparaissent de plus en plus clairement comme une diversion par rapport aux vrais problèmes sociaux", renchérit Sandrine Mazetier, qui fustige en outre "l’irrationnel et le déni du réel" du président de la mission André Gerin, sur le sujet.

" UNE DIVERSION "

Au passage, cette abstention sur le vote évite à la gauche d’étaler ses divergences, car, au-delà de son refus d’une "loi de circonstance", le parti socialiste, peine, comme la droite, à dégager une position unanime sur la question. Les socialistes ont indiqué qu’ils ne reprendraient part aux discussions sur le voile intégral et se prononceraient sur une résolution ou une éventuelle loi que lorsque le gouvernement aura "officiellement clos le débat sur l’identité nationale".

A droite, l’offensive de M.Copé sur le sujet a aussi laissé des traces. Le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer a, une nouvelle fois, jeudi, déploré "les interférences" et "l’initiative malheureuse" de M. Copé, qui "a essayé de peser sur les travaux " de la mission. Eric Raoult (UMP), rapporteur de la mission, n’a pas caché ces dernières semaines son agacement face aux prises de parole de son président de groupe.

Dans ce contexte, l’enjeu des prochains jours pour les membres de la mission consiste à savoir s’ils doivent rédiger ou non une proposition de loi, afin de soumettre un texte alternatif à la proposition de M.Copé. Certains, à droite, estiment qu’il revient maintenant au gouvernement de prendre ses responsabilités sur la question et de rédiger un projet de loi.

D’autant que chez les parlementaires, on sent désormais une grande hâte à se débarrasser de ce dossier "pour passer à autre chose". "On nous occupe avec une question que la France ne se pose pas", assure Mme Mazetier. M.Raoult reconnaît lui-même que le débat a trop duré et qu’il commence à exaspérer ses collègues "députés de province".

Recevant les responsables religieux jeudi, le président de la République, n’a toutefois pas dévié de sa ligne officielle consistant à s’en remettre aux travaux de la mission. Son intervention télévisée lundi soir sur TF1 puis sa visite, mardi, au cimetière Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais), en hommage aux soldats musulmans dont les tombes ont été profanées à plusieurs reprises, pourraient donner au chef de l’Etat l’occasion d’en dire davantage.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/01/22/la-mission-sur-la-burqa-s-acheve-dans-la-confusion_1295220_3224.html

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