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LA VIE DES « CLANDOS »… A MAYOTTE

Publie le dimanche 31 janvier 2010 par Open-Publishing

Tout commence donc pour les migrants, par cette longue traversée périlleuse, qu’ils payent à un passeur, très chère, durant laquelle il ne faut pas faire de bruits en plus de celui du moteur sous peine de se faire repérer par la Police des Airs et Frontières française en patrouille. Le prix du voyage dépendant du nombre de passagers…l’entassement est de rigueur, une trentaine de passagers en moyenne. A bord, il y a de tous les âges, il y a aussi les personnes qui tentent le tout pour le tout, pour se faire soigner de l’autre côté, et qui prennent la mer avec plâtre, perfusion, masque à oxygène mais sans bouteille d’oxygène au bout…
Les bébés sont un fléau à bord car si leurs pleurs surviennent au mauvais moment, ils mettent en péril toute l’embarcation. Pour y remédier, aux premiers cris ils sont arrachés à leurs mères et jeté par dessus bord si celles-ci ne parviennent pas à les calmer. Les zébus peuvent aussi être de la partie s’il reste une petite place à l’avant….

Si la barque ne se retourne pas, elle a de forte chance pour se faire intercepter par la P.A.F, en mer. Après un court passage de quelques heures, ou quelques minutes même au Centre de Rétention Administratif (CRA) de Mayotte, les passagers du kwassa-kwassa sont embarqués pour un retour à la case départ…

Si la barque ne se retourne pas et si elle passe au travers des mailles du filet de la Police, elle accoste sur une des plages de l’île où les passagers, une fois à terre, sont très souvent attendus par la … Police ou la Gendarmerie, ce qui ne change pas grand chose au final, hormis le circuit et les étapes pour arriver jusqu’au CRA. Et donc… Arrivée au CRA et retour à la case départ…

Si la barque ne se retourne pas, qu’elle passe au travers des contrôles en mer, que ses passagers accostent sans comité d’accueil… ou que celui-ci a du retard et qu’ils ont donc le temps de courir se cacher… Et bien commence alors une belle vie de clandestin ! Le même bonhomme qui pouvait il y a encore quelques années, circuler librement entre les îles pour aller pêcher par ici, voir sa famille par là, aller voir un frère malade ici, démarcher un ouvrier pour construire sa maison ici et le faire venir là-bas… est aujourd’hui, un bonhomme qui a déjà mis plusieurs fois sa vie en péril pour venir sur une terre qui lui est maintenant interdite, parce que le visa est cher, court, et qu’il ne sait même pas quels papiers lui donneraient le droit de rester sur cette île. Quand bien même, si il le savait, il ne les aurait peut-être pas tous et de toute façon le système fait que plus le temps passe et plus ses papiers sont obsolètes. Et puis, il n’y a pas seulement les papiers mais des délais aussi à respecter… le jeu serait trop facile et trop égal sinon !
Alors voilà, c’est l’histoire d’un bonhomme libre que la machine à rendu clando…
Monsieur clando a voulu partir de son île natale d’Anjouan, raz le bol des menaces du gouvernement qui leur avait pourtant promis monts et merveilles pour l’indépendance, pas de travail, pas d’argent, pas de soins médicaux, pas d’aides internationales et pas d’espoir pour l’avenir.

Des messieurs et des mesdames clando il y en a beaucoup, ils représentent près de la moitié de la population de Mayotte. L’île compte d’autres habitants qui viennent faire partie du paysage pendant quelques mois ou quelques années, ce sont quelques mzungus, des fonctionnaires de police, de la préfecture, des gendarmes qui ne sont là que dans un seul et même but, la chasse au clando ; il y a aussi des profs plus ou moins bienveillants, des médecins et infirmiers plus ou moins éclairés sur le contexte local, préférant le jet ski plutôt que de se confronter à un quelconque remue-méninges ; une poignée d’assistantes sociales, des sages-femmes (et oui, Mayotte plus grosse maternité d’Europe), des alcooliques en quête de soleil… Et puis surtout, il y a les mahorais, les vrais quoi, ceux qui ont des 4x4, ceux qui peuvent traverser la rue sans peur, ceux qui ont hâte que le Mac Donald s’installe chez eux, ceux qui emploient les anjouanais pour construire leur maison pour une bouchée de pain, ou même qui appellent la gendarmerie dès qu’ils n’ont plus besoin d’eux pour ne pas avoir à les payer, qui ont leur malgache pour leur passer toutes leurs envies refoulées dans leurs différents foyers de bons polygames qui se respectent, il y a aussi la petite sœur de la malgache qui garde les enfants et fait le ménage chez eux… Les mahorais en question ce sont ceux qui oublient facilement, en prononçant des paroles xénophobes et discriminantes, qu’eux-mêmes sont parfois nés aux Comores ou que leur père était comorien ou qu’ils ont un peu de leur sang là-bas dans une famille.
Cela concerne une majorité de mahorais… il y a des exceptions, des personnes bienveillantes et moins arrivistes que d’autres… Enfin non pardon, ce n’est pas de l’arrivisme, il paraît que c’est ça l’évolution de la société. Après tout c’est normal de rêver de bouffer des frites congelées !

Bref, entre mahorais, clandestins et mzungus la cohabitation n’est pas simple à Maoré. En caricaturant, nous avons… La dimension mzungu : un niveau de vie plus que correct, profitant de l’île, de tout ce qu’elle peut apporter en souvenirs, expériences… et rarement l’inverse. La dimension clando : une vie au jour le jour, voire à l’heure, tant tout peut basculer d’une minute à l’autre. La dimension des mahorais qui se cherchent entre deux cultures.

A Mayotte, il y a donc des villages à prédominance anjouanaise, des quartiers anjouanais, des quartiers malgaches. A vrai dire, ils sont similaires aux quartiers de mzungus, par leur ghettoïsation, avec comme différences qu’il n’y a pas de piscine, pas de clim dans les logements, pas d’alarme non plus, que l’habitat est construit principalement en tôles, que la densité de population y est un peu plus élevée et que les patrouilles de police n’ont pas véritablement le même but.
Dans ces quartiers bidonvilles, les policiers n’ont qu’à venir se servir pour faire leur quota d’expulsions. Une équipe doit faire 25 arrestations par jour. Si le résultat n’est que de 20 un jour, le lendemain l’objectif est placé à 30 arrestations.
Les personnes sont ensuite menottées et embarquées dans des gros camions militaires grillagés, que beaucoup nomment « cages à poules ».
Il y a aussi les camions de police plus petits, ils roulent souvent au pas, avec la porte latérale ouverte pour que les cow-boys qui sont à l’affût dedans puissent bondir à tout moment et se lancer dans une chasse à l’homme.
Il y a aussi les voitures banalisées, déguisées en taxi-brousse qui sillonnent les villages avec les mêmes cow-boys à l’intérieur… très simple comme principe.

Et pendant ce temps là… les mzungus font de la plongée sous-marine…

Malgré des conditions de vie difficile en tant que clandestin à Mayotte, certains continuent à s’accrocher et à trouver des avantages à vivre ici. Nous connaissons des personnes qui ont déjà fait la traversée entre Anjouan et Mayotte plus de 20 fois en kwassa-kwassa.
Pourtant, tous ne trouvent pas de travail et ceux qui en ont sont exploités ; tous les enfants ne sont pas scolarisés, faute de place dans les écoles, et les dossiers d’inscription sont arrangés de sorte que les papiers demandés ne peuvent pas être fournis. Les déplacements dans l’île sont très risqués à cause des contrôles de papiers d’identité intensifs. Les gens vivent retranchés, sur leurs gardes et courent aussi loin qu’ils peuvent à chaque descente de police. Ça glace le sang d’assister impuissant à ces chasses à l’homme en pleine rue. Tout s’arrête en 10 secondes et on se retrouve une poignée de blancs au milieu de dizaines de paires de tongs.
La gendarmerie, la police ayant pour indic les policiers municipaux, (qui n’ont pas le droit d’interpellation) entrent dans les quartiers tôt le matin pour surprendre un maximum de personnes. Ils s’octroient certains droits, comme celui d’entrer dans les habitations ; un coup de pied dans une porte en tôle est vite donné, le cadenas est vite arraché et la petite famille aussitôt embarquée. Dans notre entourage on sait que certains hommes quittent le foyer vers 3H du matin avant l’arrivée de la police pour aller se cacher dans la forêt.
Pour se soigner, l’hôpital ne leur fait pas de cadeau. Depuis 2004, avec l’instauration de la Sécurité Sociale à Mayotte, une contribution forfaitaire de 10 euros leur est demandée pour chaque consultation. Ici, il suffit d’être français pour avoir la Sécu, travailleur ou pas, mais par contre pas de CMU, ni d’AME ! Des personnes se mettent en danger, en se privant de manger pour pouvoir réunir assez pour prendre un taxi et arriver à payer ces 10euros. En sachant que parfois, elles n’arrivent pas jusqu’à l’hôpital ou au dispensaire car un barrage de police bloque la route, arrête les taxis pour faire des contrôles d’identité… De plus, les clandestins subissent la xénophobie et la méchanceté des mahorais où qu’ils tentent de se rendre, préfecture, poste, hôpital…

Bien souvent une mère ou un père (ou une mère puis un père) sont arrêtés alors que les enfants ne se trouvent pas avec eux. Bien souvent ils ne demandent pas à la police que leurs enfants soient recherchés pour les emmener avec eux. Ils sont alors expulsés en laissant consciemment leurs enfants sur une terre qui est porteuse d’espoir pour eux. Les enfants restent avec un parent, un oncle, une tante, une grand-mère ou une voisine… et puis un jour la mère revient, ou pas.

Source : Extrait de l’article MAYOTTE , LE 101ème DEPARTEMENT FRANÇAIS… ?! http://dupdum.uniterre.com/109725/M... LIRE AUSSI
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