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Haïti : Appel de détresse de JC Fignolé

Publie le jeudi 4 février 2010 par Open-Publishing

Le maire de la commune des Abricots :

C’est un appel de détresse que je lance. Ma commune s’impose d’accueillir près de 8 000 rescapés du séisme dont certains ne sont pas originaires de la région. Vendredi, pour l’ensemble du département, les services de la protection civile en avaient déjà enregistré 80 750. Plusieurs orphelins, égarés, hébétés, venus d’un ailleurs dont ils ne se rappellent pas le nom, hantent les campagnes. Il a fallu les prendre en charge, sans assistance sinon grâce a la générosité de quelques amis haïtiens, antillais, français, belges et la générosité de quelques familles paysannes auxquelles la mairie a donné par enfant une ration d’un demi kilo de riz et une boite de lait. Geste dérisoire qui ne suffit pas à pallier un certain inconfort … moral ni à me donner bonne conscience comme représentant d’une … autorité pratiquement faillie. J’ai découvert dans le yeux hagards de ces enfants affamés, qui avaient attendu sur les quais de Port-au-Prince plus de huit jours avant d’être évacués vers leurs lieux présumés d’origine ce que peut être l’indignité d’un pouvoir central qui de plus en plus s’absente de ses territoires de responsabilité.

Je m’attendais à des difficultés d’approvisionnement à court terme. Force est de constater que la précarité s’installe en termes d’immédiateté. Au marché du lundi, les produits vivriers ont disparu des étal s aux premières heures. Un effet de rareté ? Face à l’abondance des récoltes, la mairie avait envisagé l’épuisement des réserves à fin février. Une erreur d’appréciation du volume des arrivants. À voir le flux, une espèce de conglomérat humain, on ne peut plus parler de nombre mais de volume. Et de la pression, de la menace que cela représente. Les produits de première nécessité manquent déjà. Notamment le sucre. Hier soir une âme généreuse m’a offert une tasse de thé « braque » avec du jus de canne à sucre. On se console du goût âcre en prétextant que le jus de canne est un … fortifiant.

À la précarité s’ajoute l’angoisse. Le pouvoir central est désespérément indifférent à la misère physique et morale de cette population qui, revenue en ses lieux d’ancrage, s’en trouve pourtant déracinée. La terre continue de trembler sous ses pieds et plus que jamais lui donne le sentiment de sa vulnérabilité. De sa fragilité. Perdue, seule, abandonnée. Elle n’a plus de repère sinon les édiles à qui elle demande de faire un miracle : la prendre en charge. Avec quoi ? Le gouvernement n’assiste pas. L’aide internationale, on en parle mais personne ici ne sait ce que c’est. Une seule question sur toutes les lèvres. Survivra-t-on ?

Jean-Claude Fignolé, maire de la commune des Abricots

le 2 février 2010

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