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La laïcité : Ce n’est pas l’athéisme, ce n’est pas l’irréligion, encore moins une religion de plus

Publie le mercredi 10 février 2010 par Open-Publishing
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Ce n’est pas l’athéisme. Ce n’est pas l’irréligion. Encore moins une religion de plus.

La laïcité ne porte pas sur Dieu, mais sur la société.

Ce n’est pas une conception du monde ; c’est une organisation de la Cité. Ce n’est pas une croyance ; c’est un principe, ou plusieurs : la neutralité de l’État vis-à-vis de toute religion comme de toute métaphysique, son indépendance par rapport aux Églises comme l’indépendance des Églises par rapport à lui, la liberté de conscience et de culte, d’examen et de critique, l’absence de toute religion officielle, de toute philosophie officielle, le droit en conséquence, pour chaque individu, de pratiquer la religion de son choix ou de n’en pratiquer aucune, enfin, mais ce n’est pas le moins important, l’aspect non confessionnel et non clérical - mais point non plus anticlérical - de l’école publique.

L’essentiel tient en trois mots : neutralité (de l’État et de l’école) indépendance (de l’État vis-à-vis des Églises, et réciproquement), liberté (de conscience et de culte). C’est en ce sens que Mgr Lustiger peut se dire laïque, et je lui en donne bien volontiers acte. Il ne veut pas que l’État régente l’Église, ni que l’Église régente l’État. Il a évidemment raison, même de son propre point de vue : il rend « à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21). Les athées auraient tort de faire la fine bouche. Que l’Église catholique ait mis tant de temps pour accepter la laïcité, cela ne rend sa conversion, si l’on peut dire, que plus spectaculaire. Mais cette victoire, pour les laïcs, n’est pas pour autant une défaite de l’Église : c’est la victoire commune des esprits libres et tolérants.

La laïcité nous permet de vivre ensemble, malgré nos différences d’opinions et de croyances. C’est pourquoi elle est bonne. C’est pourquoi elle est nécessaire. Ce n’est pas le contraire de la religion. C’est le contraire, indissociablement, du cléricalisme (qui voudrait soumettre l’État à l’Église) et du totalitarisme (qui voudrait soumettre les Églises à l’État).

On comprend qu’Israël, l’Iran ou le Vatican ne sont pas des États laïques, puisqu’ils se réclament d’une religion officielle ou privilégiée. Mais l’Albanie d’Enver Hoxha ne l’était pas davantage, qui professait un athéisme d’État. Cela dit assez ce qu’est vraiment la laïcité : non une idéologie d’État, mais le refus, par l’État, de se soumettre à quelque idéologie que ce soit.

LAÏCITÉ (extrait de "Dictionnaire philosophique" d’André Comte-Sponville)

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