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La question de la culture dans les quartiers est un vrai débat

Publie le mercredi 17 février 2010 par Open-Publishing
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La culture populaire et les quartiers : une question politique majeure dont on ne peut pas se décharger sur le dos de la religion — mais dont on ne peut pas la blâmer, pourtant, vu le désastre. Néanmoins, ne faudrait-il pas réinvestir le champ laïque de la culture dans les quartiers ? Faudra’’il des missionnaires de l’Etat de l’aculturation ?

Il y a tout de même une vraie question politique de la citoyenneté, ce n’est pas le foulard d’une fille qui se déclare pour l’avortement et la contraception (qui ne peut donc être fondamentaliste puisque les fondamentalismes religieux monothéistes sont tous créationnistes) bel et bien importante pour l’intégration populaire dans la démocratie électorale.. Ilhem Moussaïd dans un parti pluraliste donc laïque, je suis POUR : il n’y a pas de contradiction avec les communautés et le communisme (relire La conception matérialiste de la question juive de Abrahm Léon), ni entre les communautés et la démocratie : pourvu que les communautés ne soient pas des lobbies ingérents (les communautarismes qui se présentent avec leur propre ligne exclusive) — ni des nationalismes, et pourvu qu’elles ne soient pas impérialistes ou référant à des impérialismes !!

Je suis spinoziste athée et le reste — sauf concernant son panthéisme donc...

Mais c’est celle du projet des missionnaires algériens nourrie par la Mosquée de Paris et bien sûr dans le cadre des nouvelles révérences diplomatiques du gouvernement Sarkozy auprès de l’Algérie (à juste titre mais bien tard d’ailleurs)... dans les quartiers.


La culture dans les quartiers au vu des anciennes banlieues ouvrières permet de mesurer l’échelle des différences et les saut qualitatifs de la culture à la religion..

Je tiens des souvenirs directs par des proches de la banlieue nord au temps où les communistes étaient les maires des villes ouvrières, et les députés qui les représentaient, stalinisme ou pas. Toute la structure sociale était organisée par les communistes dont des patronages où tous les gosses étaient accueillis et reçus avec des petites cinémathèques des bibliothèques etc. en outre du sport (inévitable), et écouter du rock et du jazz en outre des chants révolutionnaires. C’était un vrai encadrement qui marchait en plus avec l’aide des mairies aux caisses des écoles sur les questions d’excursions ou de culture. De plus ces mairies s’occupaient d’envoyer les gosses les plus défavorisés dans des colonies de vacances en été, de sorte qu’ils puissent quitter la ville et prendre un bol d’air à la campagne à la montagne ou à la mer.

La CGT et les comités d’entreprise organisaient des abonnements pour le TNP où les autobus emmenaient les prolétaires pour suivre chaque nouvelle programmation. Ensuite, les Maison des jeunes et de la culture créés par Malraux ont délocalisé les lieux de culture parisien vers les villes. Toutes sortes d’activités y étaient organisées, en plus de programmations par des hommes de théâtres parmi les plus remarquables que nous avons connus en France. Tous les grands auteurs dramatiques populaires de tous les pays y furent joués, mais encore de grands classiques tel Shakespeare qu’on ne jouait pas alors à la Comédie Française (pas plus que Brecht ou Seán O’Casey). donc la bourgeoisie progressiste aussi fréquentait ces théâtres qui étaient d’abord ceux du peuple, et cela fit qu’à un moment la société ne fut plus ségrégationniste dans la pratique culturelle avant-gardiste, d’autant plus que dans la tradition du surréalisme la plupart des émigrés artistes ou écrivains d’Amérique du Sud fusionnaient dans ces lieux, ce qui au fond fut un des préalables de la radicalisation culturelle des étudiants avant 1968 (où les tendances ou ruptures s’étaient opposées au stalinisme de Moscou dans la ligne politique du PCF, bien avant, dès les suites de la Libération, et aussi dans le soutien conjoint mais depuis des points de vue différents, au FLN pendant la guerre d’Algérie — je ne parle pas de la guerre d’Indochine où bien sûr l’opposition fut unifiée).

D’autre part la CGT organisait des cours du soir où les ouvriers qui voulaient quitter les chaînes pouvaient
acquérir une autre formation, dessin industriel, comptabilité, ou autres. Beaucoup ont émergé par cette voie qui les menait parfois à des examens de remplacement du bac pour intégrer des études supérieures (ces examens étaient des concours qui se préparaient pendant deux ans en cours du soir et dont le niveau était supérieur à celui du bac étant considéré qu’il s’agissait d’adultes). Je ne parle pas des filières qui s’installèrent après 1968, mais de celles qui existaient bien avant. Alors la grande lecture d’émancipation pour sortir du giron du parti, c’étaient Nizan puis Sartre et Genet — accessoirement Camus mais dont ils étaient critiques.

Il y avait bien quelques "blousons noirs" qui se battaient entre bandes les samedis, mais en réalité très peu de jeunes gens étaient concernés, et leur spécialité n’était pas d’attaquer les passants ni les vieux pour leur prendre leurs bons d’épargne mais de se défier entre eux. il y avait autant de délinquants venus des campagnes et des grandes villes que venus de banlieue — et plutôt moins de banlieue.

L’époque dont je parle n’est pas une description paradisiaque car il s’agit de citoyens pauvres et au travail exploités. Il y avait évidemment des contestataires d’autres idéologies mais les banlieues étaient fortes et n’avaient pas besoin de flics plus qu’ailleurs parce que simplement la délinquance ne s’y développait pas particulièrement. Ces prolos avaient une conscience de classe anti-impérialiste. La plupart des ouvriers déserteurs pendant la guerre d’Algérie étaient des communistes.

Charonne et sa répression le 8 février 1962 c’était une manifestation organisée contre l’OAS notamment et notoirement par les communistes.

Je tiens toutes ces informations d’une personne devenue très proche, ancien ouvrier ajusteur, que la parti n’a jamais aliéné bien qu’il fut un des cadres des Francs et Franches camarades, (mais sans jamais prendre sa carte du parti — et oui à Drancy c’était possible — et d’ailleurs il était anti-stalinien quoique non militant vu son cadre familial), et connut le début de sa promotion sociale et professionnelle grâce aux cours du soir de la CGT via les comités d’entreprise, au TNP, au Jazz, à Sartre, qui lui donnèrent le désir d’en connaître plus de la vie et du plus vaste monde... mais il n’a jamais renié sa classe dans ses engagements ultérieurs. Simplement jamais dans un parti de masse organisé (de même qu’il n’y n’avait jamais souscrit auparavant).

Ensuite, le PS a explosé les municipalités communistes et leur a succédé. C’était facile, sur la base de la récession de l’industrie qui arrivait à un point de mutation historique, a fortiori cheminant vers la fgin de la guerre froide qui allait connaître l’avènement du libéralisme mondial...

Mais qu’ont-ils fait alors en matière d’organisation sociale et de culture ? Sinon l’idée vectorale et populiste de monsieur Lang d’enfoncer le RAI — alors mouvement musical libertaire, en plein développement dans les banlieues des émigrés de la seconde et de la troisième génération, juste succédant au renouveau du rock’n roll. Or le RAI était le seul mouvement de révolte désirant contre l’embrigadement religieux étant d’abord la lutte pour la liberté sexuelle et la revendication du droit de consommer l’alcool (oui pardon) contre l’oppression de la famille dans le Maghreb, et contre la charia (qui avait tendance à se développer sous les actes militaires en Algérie), mouvement dans lequel il y avait autant de filles chanteuses que de garçons — pour promouvoir à la place le RAP parce que ça ne coûtait pas cher aux maisons de disque mais pouvait leur rapporter gros, en flattant les mômes de banlieue dans une culture marchande communautaire ? Rien.

Disloqué le tissu social qui prenait en charge les différentes générations pour les accompagner au dehors, il fit promouvoir quelques stars pour les ériger en exemple tandis qu’il laissait leurs congénères pour compte dans les ghettos du chômage et de la faim, où allaient se développer les combines pour manger et les mauvais marchés pour rapporter plus, avec les arsenaux, les gangs de jeunes organisés autour du deal, cadrés par un machisme brutal, etc...

Ce sont les erreurs et les lacunes socialistes du parti au pouvoir qui n’a pas joué son rôle son problème étant de rester en place par la bourgeoisie européenne, après avoir gagné les municipalités qu’ils avait tant jalousée.. qui sont responsables du développement général de la violence qui y eut lieu ensuite. ; jusqu’à y être succédés par la droite !!

Et vous vous étonnez que dans la délinquance généralisée et la violence qui règnent maintenant dans certains quartiers il n’y ait plus que le recours délirant aux flics ou le recours fondamental à la religion qui prétende être capable de restructurer une culture du vivre ensemble ? Alors on envoie l’armée idéologique du prophète en version modérée, alors que déjà des Imans durs se sont installés (et d’ailleurs parfois parmi les hommes des gangs qui ainsi se redonnent une virginité mais ce qui explique leur rigidité religieuse)...

je le déplore profondément, mais hélas tout s’explique et oui, les politiques en arrivent où eux-mêmes ayant raté tous leurs trains, le réclament !! C’est la seule et unique raison de l’engagement de la mosquée de Paris, auxquels Sarkozy qui veut en plus renouer avec l’Algérie (pour récupérer le gaz algérien laissé dans les oubliettes des marchés du nucléaire et dont maintenant Poutine se gausse ?) a très certainement demandé un petit coup de main, et les socialistes se garderont bien de s’opposer, car l’enjeu culturel des quartiers ne les intéresse qu’au titre de la sécurité comme leur opposition au pouvoir... (pour le coup plus stratège qu’eux).

Qu’allons nous faire maintenant ? Comment faire autrement ? Que ceux qui ont de grandes idées les déballent d’urgence sur la table !

Messages

  • Je suis un fils du peuple, né et ayant vécu en Seine Saint-Denis, et je me retrouve beaucoup dans ce que vous dites. J’apprécie entre autres choses votre réflexion sur le RAÏ.
    Il faut quand même dire que cet encadrement par le Parti était quelquechose de lourd à supporter, si l’on n’était pas dans l’idéologie orthodoxe. Social-démocrate ça allait encore. Mais si l’on était libertaire ou trotzkyste, on dégustait ! Je me souviens, dans l’après 1968, avoir vu les "communistes" - on les appelait les "stals" quand on était dans une opposition de gauche...- pourchasser dans la rue un militant de Voix Ouvrière, l’ancêtre de LO. Les familles d’anars espagnols étaient surveillées et l’une d’elles s’est vu, à Drancy, couper l’eau sans raison par des employés de la municipalité.
    Mais encore une fois vous avez raison pour ce qui concerne le tissu social, l’action des municipalités communistes, la tradition de solidarité.

    Nous avons participé à la mise à bas de cet édifice, attaquant aussi bien les commissariats, que les "gros bras" de la CGT. Nous étions plusieurs groupes libertaires en Seine Saint-Denis, avec des jeunes militants issus de la classe ouvrière.Beaucoup venaient du PC. La castagne on connaissait. Personne aucun média ne parlait de nous mais dans le coin on nous connaissait bien ! On était capable de rendre la monnaie de leur pièce aux stals et ils le savaient bien ! Les JC nous connaissaient et nous les tenions facilement en respect.
    On pensait qu’une fois la structure "stalinienne" mise à bas le peuple allait comprendre, se libérer, et nous rejoindre. 1989, la chute du Mur, fut un nouvel espoir déçu. C’est l’idéologie du capitalisme libéral qui triompha alors.

    Je ne crois pas que les "socialistes" soient responsables de ce démantèlement.
    C’est simplement l’avancée, la victoire d’un système politique et économique qui domine encore le monde et qui fait que les salariés - ou les chômeurs - ont la vie de plus en difficile. Car cette vie, avec moins de confort matériel, était quand même plus facile partout dans les années 60-70. Certes on travaillait beaucoup et on n’était pas très bien payé. Mais on pouvait se permettre de quitter son boulot pour en retrouver un autre sans trop de problèmes quelques temps après. C’est cet étau qui s’est resserré.

    Pour s’en défaire il aurait fallu déclancher une autre attaque, comme en 68, mais avec un projet, une perspective. On n’y est pas arrivé. Il aurait fallu passer sur le corps de tous les politiciens pour y parvenir. Bref, une vraie Révolution. Mais je me rends compte aujourd’hui qu’on était pas prêt à un affrontement qui aurait nécessité une préparation, une abnégation que pour ma part je n’ai pas su avoir alors.