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Le Maroc expulse des missionnaires chrétiens

Publie le samedi 20 février 2010 par Open-Publishing

Pas moins de 15 véhicules militaires ont entouré la maison. Les chrétiens présents n’en revenaient pas : ils s’étaient juste réunis pour participer à une formation biblique. Les faits se sont déroulés le 4 février dernier à Amizmiz, une petite ville au Sud de Marrakech. 18 personnes, dont 5 enfants, étaient réunis dans une maison privée lorsqu’environ 60 officiers, deux capitaines et un colonel des forces armées royales marocaines ont fait irruption dans le bâtiment. Ils ont arrêté tout le groupe, confisquant les bibles et deux ordinateurs.

Les chrétiens marocains ont été retenus en garde à vue pendant plus de 14 heures avant d’êtres libérés. Deux bébés de six mois et trois enfants de moins de 4 ans étaient avec eux. « Pendant tout ce temps, ils nous répétaient que ces arrestations avaient été personnellement ordonnées par le nouveau ministre de la justice marocaine et par le plus haut commandement de la gendarmerie, le général Housni Benslimane » explique le responsable de cette formation dont nous ne pouvons pas révéler le nom pour des raisons de sécurité. Dans le groupe, se trouvait aussi un étranger qui a été immédiatement expulsé du pays. Selon l’agence de presse MAP, l’opération a été ordonnée « suite à des informations sur une réunion secrète destinée à initier des gens au christianisme et qui pourrait ébranler la foi des musulmans et les valeurs du Royaume ».

Ce n’est pas la première fois

Au mois de mars 2009, quatre missionnaires Espagnoles et une Allemande ont été interpellées à Casablanca lors d’une réunion avec des Marocains musulmans et avaient été placées sur un bateau qui avait quitté Tanger à destination de l’Espagne.

En décembre 2008, un suisse est expulsé pour les mêmes raisons. L’ONG qui l’emploie dément toute allégation de ce type. Selon l’ONG Consulting, Training and Support (CTS), le ressortissant suisse - un ingénieur - a été expulsé avec son épouse, une physiothérapeute, et trois autres membres de leur famille. Ils travaillaient sur des projets humanitaires au service des handicapés de la région d’Oujda, dans l’est du pays.

D’autres signes d’intolérance :

1) Au Maroc l’homosexualité est illégale, la tenue des relations homosexuelles est condamnée et il y a une véritable fixation pathologique sur le sexe. Le dernier exemple en est la campagne menée par un journal contre la participation du célèbre chanteur britannique, Elton John, au Festival Mawâzine, prévue au mois de mai 2010 à Rabat. « Il s’agit d’un homosexuel », crit le quotidien islamiste Attajdid. L’éditorialiste de ce journal estime qu’il existe un lien entre cette invitation et ce qu’il considère comme une « campagne pour la dépénalisation de l’homosexualité » menée au Maroc par l’association « Kif Kif », « soutenue par la société civile espagnole ». Selon ce quotidien, il existerait donc un complot international pour « homosexualiser » le Maroc.

2) La religion inonde le quotidien des citoyens sur tous les aspects de la vie sociale. Il n’y a pas d’espace pour le laïcisme ni rien qui lui ressemble. Chacun à l’intérieur de sa conscience peut penser ce qu’il veut, mais il doit y réfléchir vingt fois avant d’exprimer sa pensée. Le roi est présenté comme le Commandeur des Croyants et ses prières à la mosquée sont transmises en direct, même s’il se donne aux boissons alcoolisées en cachette.

3) L’avortement est formellement interdit. Des médecins qui ont pratiqué des avortements et les femmes qui ont sollicité cette pratique ont été condamnées à des peines de prison sans sourcis.

4) L’Education sexuelle est inexsitente et l’accès aux moyens contraceptifs est pratiquement impossible.

5) La femme continue de jouer un rôle secondaire à l’intérieur de la société et spécialement à l’intérieur des familles. Le Maroc est un exemple vif de la famille traditionnelle et de la femme au foyer.

6) Les enfants sont exploités dans le travail et le tourisme sexuel.

Cela se passe au pays voisin du Maroc, où l’article 6 de la constitution garantit la liberté de culte. Un pays ami et allié de l’Europe avec lequel s’apprête à signer un accord pour l’octroi d’un statu avancé, malgré les violations quotidiennes des droits de l’homme au Sahara Occidental. Un pays qui certains n’hésitent pas à montrer comme un modèle de tolérance et modération.


La foi en question

Les expulsions de missionnaires du Maroc pour cause de prosélytisme se sont multipliées ces dernières années. La plus récente concerne une famille suisse expulsée du royaume en décembre dernier. Le débat sur la liberté de culte n’a jamais été autant d’actualité.

Par : Hicham Houdaïfa

Le dossier de la famille suisse expulsée en décembre dernier du Maroc pour prosélytisme est loin d’être clos. La presse suisse s’est saisie de l’affaire en donnant la parole aux « missionnaires suisses ». Il y a un mois, la police judiciaire d’Oujda a arrêté « 17 personnes dans la ville de Saïdia, parmi eux des étrangers, qui ont assisté à une réunion publique non autorisée en vertu de la loi en vigueur. Cette réunion s’inscrivait dans le cadre de la propagation de la foi chrétienne et visait à attirer de nouveaux adeptes parmi les citoyens », peut-on lire dans la presse marocaine. Egalement, « les opérations de fouille ont permis la saisie de nombreux outils de prosélytisme, entre autres des livres, des CD en langue arabe et en d’autres langues étrangères. »

Expulsés sans procès. En plus de la famille suisse, deux Sud-Africains et un Guatémaltèque ont également fait l’objet d’expulsion. Douze Marocains ont également été arrêtés. Ils auraient été relâchés le jour même. Sur les colonnes du journal suisse L’Express, le couple suisse nie tout prosélytisme. Le mari, ingénieur de profession, et son épouse, physiothérapeute, clament être en mission humanitaire au Maroc depuis plusieurs années pour le compte de l’ONG Consulting, training and support afin d’aider des enfants marocains infirmes. Accusés de prosélytisme, ils ont été escortés le lendemain par la police au poste frontalier de Melilla. « Sans acte d’accusation ni autre forme de procès. A la frontière, on nous a rendu nos effets saisis mais pas nos cartes de séjour, valables jusqu’en 2015 », note le chef de projet. Son décryptage de l’attitude des autorités marocaines : « C’est une affaire interne. Durant l’interrogatoire, toutes les questions étaient centrées sur nos relations avec les chrétiens marocains. Nous nous sommes impliqués à leur faire découvrir cette foi qu’ils questionnent, mais nous n’avons converti personne ». Si le couple suisse a bien loué une villa à Saïdia pour des réunions de chrétiens c’était, selon les dires de l’employé de l’ONG, pour des « moments forts de prière et d’étude biblique qui n’avaient pas pour but d’ébranler les valeurs du royaume. »

Ce n’est pas la première fois que le Maroc procède à ce genre d’expulsion. Régulièrement, des personnes d’origine étrangère sont priées de plier bagage pour avoir essayé « d’ébranler la fois musulmane » des citoyens marocains. Dans tous les cas, la police évoque la saisie de matériel, de livres et de CD sur le christianisme. Ces étrangers qui visent, selon les rapports de la police, à convertir les Marocains musulmans devraient en principe être jugés. Selon le Code pénal et l’article 220, ils encourent en principe une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 100 à 500 dirhams. Rarement, ces derniers sont emprisonnés. Ils sont tout bonnement expulsés. Assurer la protection et la garantie de « la sécurité spirituelle » des citoyens, assurer la préservation des constantes communes aux Marocains : ces propos reviennent dans les déclarations des ouléma comme des responsables de partis politiques d’obédience islamiste pour justifier l’attitude des autorités. Pourtant, la Constitution consacre dans son article 6 la liberté de culte. L’islam lui-même appelle à la liberté de conscience. Comme dans la sourate d’Al-Baqarah : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. » Même l’apostasie n’est pas un délit dans les textes juridiques marocains. C’est le prosélytisme qui tombe sous le coup de la loi. Seulement, la liberté de culte, c’est aussi la liberté de parler ouvertement de sa foi. Punir des prosélytes ne serait-ce pas là une atteinte aux libertés individuelles ? Le débat est ainsi engagé.

Le Journal Hebdo (fermée par les autorités marocaines)