Accueil > Courant d’ère. Un jour sans

Courant d’ère. Un jour sans

Publie le lundi 1er mars 2010 par Open-Publishing

C’est l’idée de trois jeunes gens, Peggy Derder, Nadir Dendoune et Nadia Lamarkabi. Trois jeunes Français, encartés nulle part, qui avaient envie de « taper où ça fait mal ». Cela leur est venu sous le coup de l’indignation, de la fatigue, de la colère ou de la révolte, d’une sorte d’usure que provoque, chez eux, la stigmatisation permanente de l’immigré, des descendants de l’immigré, du parler de l’immigré, de la peau de l’immigré, de ses usages, de ses vêtements, de sa nourriture, de sa religion. « On a voulu, disent-ils, se placer en amont des discriminations... ».

Ces jeunes gens sont modernes et branchés, adeptes du haut-débit. Leur idée, ils l’ont lancée sur Facebook. Et bientôt, par dizaines de milliers, d’autres gens, d’autres jeunes - mais pas seulement - leur ont répondu que cette idée « citoyenne » était une drôle d’idée, mais une fameuse idée. Plutôt marrante. Et contagieuse avec ça. L’idée, c’est d’appeler à un jour sans, entendez sans immigrés.

Ils s’expliquent : « Les immigrés et descendants d’immigrés ont manifesté à maintes reprises pour défendre leurs droits. Et en retour, ils n’ont reçu que mépris ! Aujourd’hui, puisqu’il est convenu que la consommation est le moteur de la croissance, nous voulons agir sur ce levier pour marquer notre indignation ». Et d’inciter leurs homologues de France et de Navarre à disparaître ce jour-là, à ne fournir aucun travail, à ne rien consommer.

À répondre au mépris par l’absence, par la politique de la chaise vide. Le jour choisi n’est pas anodin : c’est le 1ermars. Vous ne le savez sans doute point si vous n’êtes pas immigré : le 1ermars (2005) est le jour où a été adopté le « code des étrangers » qui, selon les promoteurs de l’appel, « symbolise une conception utilitariste de l’immigration, choisie sur critères économiques ».

D’où l’appel, pour vingt-quatre heures, à la non-activité et à la non-consommation. Je doute que la réalisation soit à la hauteur de l’écho d’un tel appel et que lundi, les bus ou les métros soient amplement désertés. Il n’empêche, l’opération est déjà un franc succès. Le message a cheminé de l’un à l’autre, d’un réseau à l’autre, et ce message est clair et douloureux. Moi, le 1er mars, puisque je serai à Paris, je sais où j’irai.

À l’orée du bois de Vincennes, il existe un petit musée de l’immigration où les valises en carton côtoient les chansons d’Ivo Livi, dit Montand. Un musée très émouvant. Que personne, aux sommets de l’État, n’a daigné inaugurer.

* Hervé Hamon

http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/commentaires/courant-d-ere-un-jour-sans-28-02-2010-802897.php