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Allez vous faire opérer ailleurs !

16 juillet 2010, 14:38, par Bernard Gensane

Un bon point pour Antoine Denéchère : il donne la parole au représentant (CGT en l’occurrence) des personnels qui a le temps d’exprimer clairement son point de vue.
Le problème de l’utilisation du mot absentéisme est le suivant : la bonne foi du journaliste n’est pas en cause, mais il place le vocable – et donc se place – dans le point de vue dominant.

Je le cite :

"La direction affirme avoir tout tenté pour pallier les absences [fort bien : il ne s’agit plus d’absentéisme] : appel aux agences d’intérim, recours aux heures supplémentaires, mais en vain" (je souligne). Nous avons donc une direction qui se bat les flancs pour que tout marche, mais c’est "en vain", comme s’il y avait une force supérieure à toutes les bonnes volontés.

Puis Denéchère sombre dans l’ambiguïté la plus totale : "Il faut savoir [nous sommes dans sa parole d’autorité] que depuis deux ans le nombre d’arrêts-maladie ordinaire [pas de l’absentéisme, donc] ne cesse d’augmenter au CHU de Nantes, la faute aux condition de travail dégradées, estiment les syndicats [nous sommes passés, dans la même phrase, de sa parole d’autorité à une "estimation" des syndicats].

"En tout cas", poursuit le journaliste, "dans le service du professeur L., cardiologue, cet absentéisme des infirmières [plus d’absences ordinaires, à nouveau de l’absentéisme] entraîne la fermeture de trois lits sur 18." Denéchère cite le professeur, parole d’autorité, qui se veut consensuelle. il ne s’agit plus d’une "estimation" : "Fermer des lits, c’est toujours grave [notez le mot "grave" : nous sommes dans les conséquences d’une politique, le professeur utilise un terme moral]. On [c’est qui "on" ?] essaye de faire du mieux possible [lui aussi se bat les flancs], de réduire un petit peu nos durées d’hospitalisation [avant, l’hôpital, c’était le Club Med, ou serait-ce que les durées d’hospitalisation sont désormais à risque ?]." Le professeur termine sur une phrase binaire, faussement au-dessus de la mélée : "c’est dur pour le personnel, mais c’est nécessaire pour la prise en charge." C’est cette prise de parole professorale qui conclut le débat.

Bref, je ne connais pas Antoine Denéchère. Il n’est vraisemblablement pas inculte, mais il n’aurait pas dû jouer avec le mot "absentéisme", un terme que le patronat sait utiliser de manière diabolique. Il est peut-être furieusement de gauche, très hostile à Sarkozy, mais il reproduit, sûrement à son corps défendant, le discours dominant. Ou, à tout le moins, il fait dominer encore plus ce discours dominant.