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RETRAITES - « LA GAUCHE », LE PS, LES COMMUNISTES : SE SERVIR DU PROLETARIAT OU SERVIR AU PROLETARIAT ?

14 septembre 2010, 20:23, par La Louve

Bernard tu dis notamment deux choses qui m’interpellent.

Je suis persuadé que la bourgeoisie anglo-saxonne et européenne est en grande difficulté économique face à la montée des bourgeoisies asiatiques, indiennes, africaines,sud-américaines et arabes qui les dépouillent de leurs productions et ainsi de la valeur ajoutée qui stimule le profit.

C’est pour cette raison que je crois que le capitalisme ne peut plus se transformer pour continuer à vivre un développement en panne comme nous le voyons au Japon. Les Etats-unis sont dans la même panne malgré le complexe militaro-industriel qui coùte les yeux de la tête aux contribuables américains, la même erreur que l’URSS guette les Etats-Unis.

Sans doute me suis-je mal exprimée, mais je ne crois pas qu’il y ait une "bourgeoisie anglo-saxonne", une "bourgeoisie européenne", enfin pas de façon aussi tranchée, pas en tant qu’impérialisme. Il reste des résidus plus ou moins locaux c’est vrai. Mais l’impérialisme dominant encore et toujours à ce stade est américain. Ne serait-ce qu’à cause ou grâce au dollar et à la fin de Bretton Woods. Pas un hasard si la Chine (foyer d’un nouvel impérialisme c’est certain) tape sur le dollar.

Reste à savoir ce qu’on entend par "nationalité des capitalistes" et "nationalité du capitalisme".

Le cas du Japon il me semble n’est pas du tout résumable à ce que tu en dis car ce serait ignorer que le Japon est un pays "quasi-colonisé" par les USA depuis la 2de WW.

Moi je pense que le capitalisme peut (et va) continuer à se transformer, pour le moment au moins, d’autant que le prolétariat ne fait pas grand chose pour l’en empêcher car il est lui aussi pris par les contradictions que créent ce que le capitalisme apporte en termes de "progrès" de société (ou ce qui est vu comme tel : une maison, une télé, une voiture, de la bouffe, des vacances, des loisirs, des médicaments, etc).

Cela étant dit, c’est vrai différentes factions du capitalisme (lesquelles il faut les identifier et c’est un travail difficile je n’ai pas les moyens ni les compétences pour le faire seule !!!!) se tirent la bourre.

Il y a une chose qu’on oublie un peu là aussi, même si une partie de ton raisonnement est vrai, c’est le TAUX DE PROFIT et sa baisse tendancielle, contre laquelle tous les capitalistes du monde luttent de diverses manières.

”Si l’on admet que le taux d’exploitation est constant, l’accroissement
de la composition organique du capital -sous l’influence
du progrès technique- entraîne la baisse du taux de profit”
(KM)

C’est donc, (enfin, il me semble), lorsque le rapport de forces en termes de lutte des classes est élevé au profit du prolétariat, et de "bonne qualité", que seul le taux d’exploitation peut être constant ( voire baisser).

A contrario, la possibilité pour le Capitaliste de relever son taux de profit ne peut exister que lorsque, pour diverses raisons (et ce sont ces raisons là qu’il faut creuser), la domination ou la vocation à dominer dans le rapport de forces Capital/travail s’inverse et que le prolétariat perd pied.

K Marx dit bien d’ailleurs qu’il existe des contre-tendances à cette baisse. Les capitalistes tentent de la compenser en accroissant leur débouchés (impérialisme), ou en augmentant le taux de plus-value (qui est le taux d’exploitation pl / v ).

Ce que je veux dire par là, c’est qu’il est peut être faux d’analyser la baisse tendancielle du taux de profit comme une faiblesse des capitalistes.

Or, il me semble que c’est l’analyse que nous avons en termes politiques depuis les années 30, c’est une analyse qui en France en tout cas nous vient directement du Komintern via le PCF (hélas il faut le dire), et la lecture du livre de N Poulantzas récemment sur "fascisme et dictature", très documenté, m’en a plutôt convaincue.

Je crois donc que s’il y a un enseignement de ce qu’on a appelé "marxisme" c’est bien de dire qu’il ne faut pas confondre, "mélanger", analyse économique et analyse politique. L’une sert l’autre ok mais on ne peut pas se référer à l’analyse économique comme à un Saint Graal pour la CONDUITE POLITIQUE. L’analyse économique ne donne pas les réponses politiques "toutes faites".

J’insiste sur ce point qui là encore peut paraître du pinaillage pour certain-e-s parce que je pense que ce type d’idées toutes -faites et répétées par delà les âges, ça ne peut pas nous aider à nous battre aujourd’hui mais ça peut même nous enterrer.

Il me semble évident et de bon sens que dans un combat de boxe par exemple, si on veut prendre cette image pour exprimer, d’une certaine manière, un certain moment de la lutte de classe, l’adversaire n’est pas le plus dangereux quand il est quasi KO au 5ème round. Il est dangereux quand NOUS sommes par terre la tête en sang, au 5ème round et que nous allons essayer de nous remettre sur nos jambes.

Et le problème c’est qu’on est rarement mis KO au premier coup dans le premier round (revoir les combats de Mohamed Ali ou Rocky Marciano - à moins bien sûr qu’on ait en face de soi qqu’un qui s’appelle Mike Tyson, qui de mémoire était lui un spécialiste du KO avant la fin de la 1ère reprise. Bref.). On prend plusieurs pains dans la tête pendant plusieurs rounds avant le KO.

Là en ce moment, si on veut bien continuer à filer cette métaphore du "noble art", le prolétariat il a pris plusieurs pains dans la tronche et ça ne date pas d’hier.

Nous sommes non pas debout sur nos jambes en train de virevolter telle une guêpe ;) mais, pour diverses raisons, dont le PS n’est pas du tout exclu justement, nous sommes à deux doigts du KO. ENCORE UNE FOIS !

La situation là dans laquelle nous sommes n’est pas glorieuse, il faut quand même être un peu réalistes, et la "perte de nos acquis sociaux" n’a pas commencé avec Sarkozy et l’UMP quand même !

Entendre parler dans un tel moment de "faiblesse du capitalisme" pardon Bernard, tu n’es pas le seul à le dire, mais ça me défrise.

Ce n’est pas parce que nous assistons sur notre peau à une lutte contre la baisse tendancielle du taux de profit et (justement !) à une crise, que cela peut être traduit par " Capitalisme faible" ! Je pense que c’est exactement l’inverse.

Certes, à terme, c’est la succession de crises qui risque de précipiter le capitalisme (et nous avec - et cela même Marx l’a dit dans le Manifeste, si nous ne luttons pas).

Est ce que nous en sommes objectivement là ? Euh, non je ne pense pas mais je peux me tromper ! Et en attendant, la crise renforce le capitalisme. Mais oui il y a une lutte entre diverses fractions, cela est certain.

Nous sommes en plein dans une crise du capitalisme, ça oui, ils se tirent la bourre (autrement que de façon "nationaliste") oui aussi, mais attention les liens entre différents impérialismes sont étroits aussi.

Par ailleurs on ne peut pas soutenir que le profit a pris près de 10 % aux salaires dans le PIB en 20 ans (ce qui est vrai ) et qui signe, objectivement 20 ans de faiblesse du prolétariat en termes de lutte de classe, et en même temps, dire que c’est un signe de faiblesse de la part du capitalisme !

Je comprends que certain-e-s soient marqués par une certaine "école de pensée". C’est la même "école" qui disait "le fascisme c’est l’antichambre de la révolution prolétarienne, le capitalisme est à genoux".

Mais nous avons quand même nous, communistes une certaine tradition aussi, qui est (ou devrait être) l’analyse de l’histoire, la "vraie", et une pratique normalement, de la "dialectique".

Donc, il faut faire l’effort d’en sortir pour d’abord apprécier justement la situation dans laquelle nous sommes.

Sinon on ne s’en sortira pas.

Il me semble que là dessus c’est Stathis Kouvelakis qui a d’emblée tiré la bonne sonnette d’alarme dans son bouquin de 2007 "la France en révoltes" quand il explique, en gros, que la crise que traverse la France est en réalité le signe d’une "effervescence sociale", d’un moment particulier où le prolétariat aurait pu reprendre le dessus et qui n’a pas trouvé d’expression politique.

Mais je peux me tromper.

La Louve