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La théorie de la girafe et du presse purée

8 octobre 2010, 10:30, par njama

Merci pour l’humour.

« De tout ce temps on n’avait revu Boule d Neige. Mais on disait que sans doute il devait se cacher dans l’une ou l’autre des deux fermes voisines, soit Foxwood, soit Pinchfield.
[...]

Et, soudain, au début du printemps, une nouvelle alarmante - boule de Neige hantait la ferme à la nuit ! L émoi des animaux fut tel qu’ils faillirent c— perdre le sommeil. Selon la rumeur, Boule de Neige s’introduisait à la faveur des ténèbres pour commettre cent méfaits. C’est lui qui volait le blé, renversait les seaux à lait, cassait les neufs, piétinait les semis, écorçait les arbres fruitiers. On prit l’habitude de lui imputer tout forfait, tout contretemps. Si une fenêtre était, brisée, un égout obstrué, la faute lui en était toujours attribuée, et quand on perdit la clef de la resserre, dans la ferme entière ce fut un même cri : Boule de Neige l’avait jetée dans le puits ! Et, chose bizarre, c’est ce que les animaux croyaient toujours après qu’on eut retrouvé la clef sous un sac de farine. Unanimes, les vaches affirmaient que Boule de Neige pénétrait dans l’étable par surprise pour les traire dans leur sommeil. Les rats, qui, cet hiver-là avaient fait des leurs, passaient pour être de connivence avec lui.

Les activités de Boule de Neige doivent être soumises à une investigation implacable, décréta Napoléon. Escorté de ses chiens, il inspecta les bâtiments avec grande minutie, les autres animaux le suivant à distance de respect. Souvent il faisait halte pour flairer le sol, déclarant, qu’il pouvait déceler à l’odeur les empreintes de Boule de Neige. Pas un coin de la grange et de l’étable, du poulailler et du potager, qu’il ne reniflât, à croire qu’il suivait le traître à la trace. Du groin il flairait la terre avec insistance, puis d’une voix terrible s’écriait : « Boule de Neige ! Il est venu ici ! Mon odorat me le dit ! » Au nom de Boule de Neige les chiens poussaient des aboiements à fendre le cœur et montraient les crocs.
Les animaux étaient pétrifiés d’effroi C’était comme si Boule de Neige, présence impalpable, toujours à rôder, les menaçait de cent dangers. Un soir, Brille-Babil les fit venir tous. Le visage anxieux et tressaillant sur place, il leur dit qu’il avait des nouvelles graves à leur faire savoir.

« Camarades ! s’écria-t-il en sautillant nerveusement, Boule de Neige s’est vendu à Frederick, le propriétaire de Pinchfield, qui complote en ce moment de nous attaquer et d’usurper notre ferme. C’est Boule de Neige qui doit le guider le moment venu de l’offensive. Mais il y a pire encore. Nous avions cru la révolte de Boule de Neige causée par la vanité et l’ambition. Mais nous avions tort, camarades. Savez-vous quelle était sa raison véritable ? Du premier jour Boule de Neige était de mèche avec Jones ! Il n’a cessé d’être son agent secret. Nous en tenons la preuve de documents abandonnés par lui et que nous venons tout juste de découvrir. A mon sens, camarades voilà qui explique bien des choses. N’avons-nous pas vu de nos yeux comment il tenta - sans succès heureusement - de nous entraîner dans la défaite et l’anéantissement, lors de la bataille de l’Étable ? »

Les animaux étaient stupéfiés. Pareille scélératesse comparée à la destruction du moulin. vraiment c’était le comble ! »

Georges Orwell, La ferme des animaux.