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TOUSSAINT, TOUS SAINTS : Peut-on déconner cinq minutes ?

2 novembre 2010, 14:23, par Roberto Ferrario

CQFD N°021

À LA RAME

SAINT PRÉCAIRE RHABILLE LA MODE

Mis à jour le :15 mars 2005. Auteur : Marion Tromel.


À Milan, lors de la Semaine du prêt-à-porter de février, une poignée de gueux fait irruption sur les podiums feutrés de la sape tape-à-l’œil. Des chômeurs ou des petites mains
à 5 euros de l’heure, bien décidés à trousser les haillons de la glamoureuse industrie et à faire ravaler leurs flashs aux photographes de mode. De quoi gâcher l’ambiance ! Surtout que les perturbateurs annoncent leur intention de s’incruster au défilé de Serpica Naro, une jeune styliste anglo-japonaise, qu’ils accusent de récupérer les codes vestimentaires de la précarité. Plusieurs journaux et magazines reprennent l’info, offrant à cette couturière encore inconnue son quart d’heure de gloire. La police s’en mêle, contacte l’attachée de presse de Serpica Naro
et repère les lieux choisis pour le défilé - une tente installée sur un parking niché lui-même sur un de ces « no-man’s pont » d’où on voit passer les trains.

Le jour dit, des dizaines de flics bouclent la zone. Mais quand déboule le cortège, ils n’en croient pas leurs yeux : parmi la centaine de manifestants rigolards se pressent les mannequins de la styliste, et même son attachée de presse… Un des protestataires brandit le contrat de location pour le parking. Aux flics et aux médias éberlués, les précaires révèlent alors leur imposture : Serpica Naro n’existe pas. Elle n’est que le clone-anagramme de San Precario, saint patron des sacrifiés de l’économie libérale, né en Italie lors du dernier 1er Mai (lire CQFD n°18). Sa vidéo de présentation, son site Internet (www.serpicanaro.com), sa biographie, ses créations, tout a été bricolé de toutes pièces pour pigeonner le comité d’admission. En huit jours, deux cents précaires se sont offert le luxe jouissif d’un défilé-pied de nez avec des costumes faits de bouts de ficelle et de récup’ de tissus du Sentier. Si une marque de fringues leur pique l’idée, il sera toujours temps de réclamer les droits d’auteur…

ARTICLE PUBLIÉ DANS LE N°21 DE CQFD, MARS 2005.

http://cequilfautdetruire.org/spip.php?article566