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Sexualités et handicaps, une sensualité pour tous

27 février 2011, 10:16

Un texte qui était paru il y a un an ou deux sur ce thème

Assistante sexuelle pour handicapés ou prostitution ?
Par CLAUDINE LEGARDINIER Journaliste, MALKA MARCOVICH historienne, SABINE SALMON présidente nationale de Femmes solidaires, ANNIE SUGIER présidente de la Ligue du droit international des femmes

On le sait pour les contrats d’assurance, il faut toujours lire les petites lignes. Le manifeste « Tous solidaires avec les personnes handicapées », publié sur le site Internet de l’Express et signé par diverses associations et personnalités, le prouve. Jouant sur les mots, il entraîne un certain nombre de signataires dans une embuscade. Comment ne pas adhérer pleinement, de prime abord, à ce manifeste qui défend à juste titre le droit à l’emploi, à l’éducation, à la liberté de circuler, à la mise en place de structures suffisantes, etc.
Mais qu’en est-il des dernières lignes du texte, vite expédiées, et dont les détails sont reportés plus loin dans l’article 2 ? Le « droit à une vie affective et sexuelle » nous est servi l’air de rien en fin de plaidoyer. Oui, mille fois oui, à une prise en compte de la sexualité des personnes handicapées et au respect qui doit l’entourer ! Mais faut-il aller jusqu’à créer, comme aux Pays-Bas, des « assistants sexuels », personnes chargées de fournir elles-mêmes du plaisir sexuel, comme l’idée en est avancée plus loin sur le site et comme songent à le faire des associations de personnes handicapées réunies depuis mars 2008 dans le collectif Handicaps et Sexualités (CHA) ? Le texte fondateur préconise la mise en place de services « d’assistance érotique et/ou sexuelle » avec « l’élaboration de référentiels métiers, de compétence et de formation ». Faut-il garantir un « droit à la vie sexuelle », droit qu’il deviendra difficile de dénier à d’autres catégories de population (prisonniers, malades, etc.) ? Et qu’est-ce qu’un « droit à la sexualité » qui implique un « devoir sexuel » pour celles et ceux qui seront chargés de l’assurer ?
Ainsi, un nouvel « emploi » verrait le jour en France. Un « métier reconnu » doté d’une formation et qui, « pour des raisons culturelles » serait en réalité majoritairement exercé par des femmes, pour les « besoins » d’une majorité d’hommes (voir le rapport de Marcel Nuss sur les propositions pour un accompagnement plus humanisé et humanisant et une formation plus adaptée publié en juin 2006). Dans l’idéal, cet « emploi » serait exercé par des personnes issues du domaine médical ou paramédical, à qui serait proposé une formation. Les étudiantes kinésithérapeutes ou aides- soignantes apprécieront. Une nouvelle fois, les femmes vont payer la note. Renvoyées au sacrifice, à la générosité dont elles sont si prodigues, trouvant une solution au chômage dans un nouveau « métier de service ».
Une étape supplémentaire sera franchie. Le service domestique et le service soignant ne suffisant plus, le service sexuel viendra parachever le retour de la femme traditionnelle, oublieuse de soi, de sa propre sexualité, de ses propres désirs. On la paiera et elle aura la satisfaction, n’est-ce pas, de faire une bonne action. Pas de prostitution là-dedans, nous dit-on. Mais quoi, alors ? Comment appeler autrement un « service » rémunéré, comportant des actes sexuels ? Changer un nom suffirait- il à changer une réalité ? Faut-il rappeler que dans les pays où ce « service » existe, il est considéré comme une forme de prostitution spécialisée ? Qu’il ne peut être mis en place qu’à la condition de dépénaliser certaines formes de proxénétisme, ce qui est le cas aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne, tous pays qui organisent la mise à disposition des femmes, avec la bénédiction de l’Etat, au bénéfice de la moitié masculine de la population, handicapée ou non ? L’incohérence serait totale à l’heure où de plus en plus de textes internationaux, que la France a notamment ratifiés, reconnaissent que l’existence d’une « demande » contribue à l’organisation de la prostitution et à la traite des femmes et appellent les Etats à la décourager ! Comment concilier la création de « services d’assistant(e)s sexuel(le)s » et les mesures préconisées - y compris législatives - à même de dissuader les « clients » des personnes en situation de prostitution ? On note d’ailleurs que certain(e)s signataires du manifeste - Catherine Trautmann, Axel Kahn, Bertrand Delanoë, Jean-Louis Bianco, etc. - ont, à d’autres occasions, exprimé leurs craintes sur la marchandisation de la sexualité ou se sont engagés en faveur de textes défendant la pénalisation des clients prostitueurs. Leur a-t-on vraiment donné tous les éléments sur le contenu du « droit à la vie sexuelle » ? La prostitution est un des hauts lieux de la violence contre les femmes. En faire un « métier de service », au nom de la détresse - réelle - de quelques-uns, c’est fournir un cheval de Troie à l’industrie du sexe et à ses marchands de femmes qui n’auraient jamais osé rêver d’une telle promotion. Nous refusons cette nouvelle dérive. Croit-on vraiment respecter les personnes handicapées en créant une loi spécifique qui aboutisse, non à résoudre leur légitime demande de liens affectifs et sexuels, leur besoin de reconnaissance en tant que citoyen(ne)s, mais à se débarrasser d’un problème douloureux en fabriquant une solution marchande ? Et nous demandons ici à Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, de dire ce qu’elle en pense.