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Un ancien policier argentin rattrapé par la justice à Paris

19 mars 2012, 17:34, par monachicchio

Pessac journal sud ouest du jour
Torture à la française Par WILLY DALLAY
Il y avait du « made in France » et des anciens de l’OAS, dans les dictatures d’Amérique Latine .

Ce petit bout de femme est finalement plus efficace que les gros bras. Dans son documentaire « Escadrons de la mort, l’école française », Marie-Monique Robin a obtenu des aveux des tortionnaires des dictatures d’Amérique Latine des années 70 et 80, notamment en Argentine et de ceux qui les avaient formés, les Français anciens d’Indochine et d’Algérie, particulièrement de l’OAS.
Ce documentaire de 2003 a été projeté samedi au Jean-Eustache, dans le cadre des Rencontres du cinéma latino américain, lors d’une soirée consacrée à la réalisatrice. Elle a participé à un débat à l’issue d’une double projection, car un autre de ses films était aussi au programme : « Argentine, le soja de la faim » (lire ci-contre). Il est de la même veine que « Le Monde selon Monsanto », un film et un livre, traduits dans 15 langues et qui ont rendu célèbre leur auteure, menaces comprises…
A-t-elle triché pour faire parler les tortionnaires argentins ? « Je me suis présentée comme historienne », a-t-elle expliqué au public. Ce n’était pas tout à fait faux. Elle commence par un général qui lui donne le téléphone d’un autre, puis d’un autre et elle se retrouve en peu de temps avec un quarteron de « généraux à mettre en boîte ». Un vrai coup de filet dans lequel les militaires se font prendre bêtement. Sentiment de toute puissance encore présent, fierté sans regrets pour les horreurs commises, certitude de l’impunité… ont endormi leur méfiance. Sans plus s’informer sur celle qui les mettait à la question sur des sujets aussi sensibles, ils l’avaient cataloguée « historienne d’extrême droite ». Marie-Monique Robin s’en amuse : « Pour des spécialistes du renseignement… »
« Crevettes Bigeard »
Elle a aussi obtenu les révélations de Français qui les ont formés, ou ont encadré cette formation, jusqu’aux propos hallucinants de cynisme tranquille de Pierre Messmer, ministre sous de Gaulle, puis sous Giscard. Car lorsque les pays du cône sud de l’Amérique Latine devinrent des dictatures, la France continua à leur apporter le concours de ses anciens de l’OAS. Leur savoir-faire en matière de guerre antisubversive était basé en grande partie sur le renseignement par la torture, puis l’élimination des torturés. La France bénéficiait de l’expérience des « Crevettes Bigeard », du nom du colonel du même nom. Pendant la guerre d’Algérie, elle avait consisté à se débarrasser des opposants en les lâchant dans la mer depuis un hélicoptère, les pieds coulés dans du béton…
Marie-Monique Robin fait remonter la sinistre collaboration entre France et Argentine aux années 30 : « Des liens entre les mouvements d’extrême droite des deux pays se sont noués par les catholiques intégristes. On justifiait la torture (et la mort) avec les arguments de l’Inquisition. »
La réalisatrice n’a pas eu besoin de « raconter de bobards » au général Aussaresses. Il avait déjà fait son coming out dans un livre et il assume : « Je suis un voyou… de la République. » Puisque la République savait et organisait.
Le film de Marie-Monique Robin a entraîné l’arrestation de plusieurs généraux, en Argentine. Primé par le Sénat, il n’a pas en revanche, déclenché d’enquête parlementaire dans la Patrie des droits de l’homme.