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> Fred Vargas : Cesare Battisti, a propos de l’arrêt du Conseil d’Etat

21 mars 2005, 11:26

"Ma in un spazio giuridico europeo - ha osservato Perben - quando un processo si e’ svolto normalmente alla presenza di avvocati e tutti i ricorsi sono esauriti, non vedo come uno dei membri dell’Unione Europea possa rifiutare l’ estradizione".

Perben .
(« Mais dans un espace judiciaire européen – a observé Perben – quand un procès s’est déroulé normalement avec la présence d’avocats et que tous les recours sont épuisés, on ne peut supporter qu’un membre de l’Union européenne puisse refuser l’extradition. »)

Les magistrats sont hélas aux ordres de M. Perben, et de ses très particulières conceptions – toutes inspirées du « Patriot act » et aux mesures d’état d’exception - du droit français et du droit européen.

En effet l’Arrêt du 10 novembre 2004 relatif à l’ « AFFAIRE SEJDOVIC c. Italie » (Requête no 56581/00) de La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), indique
( c’est un peu long, et concerne un cas différent de celui de Battisti, mais sans être juriste, pour qui sait lire, il ressortira aisémentt en quoi les décisions des instances judiciaires et administratives françaises violent la Convention européenne des droits de l’homme et sa Jurisprudence) :
« La Cour rappelle que quoique non mentionnée en termes exprès au paragraphe 1 de l’article 6, la faculté pour l’« accusé » de prendre part à l’audience découle de l’objet et du but de l’ensemble de l’article. Du reste, les alinéas c), d) et e) du paragraphe 3 reconnaissent à « tout accusé » le droit à « se défendre lui-même », « interroger ou faire interroger les témoins » et « se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience », ce qui ne se conçoit guère sans sa présence (voir Colozza c. Italie, arrêt du 12 février 1985, série A no 89, p. 14, § 27 ; T. c. Italie, arrêt du 12 octobre 1992, série A no 245-C, p. 41, § 26 ; F.C.B. c. Italie, arrêt du 28 août 1991, série A no 208-B, p. 21, § 33 ; voir également Belziuk c. Pologne, arrêt du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 570, § 37).
30. Si une procédure se déroulant en l’absence du prévenu n’est pas en soi incompatible avec l’article 6 de la Convention, il demeure néanmoins qu’un déni de justice est constitué lorsqu’un individu condamné in absentia ne peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à nouveau, après l’avoir entendu dans le respect des exigences de l’article 6 de la Convention, sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, alors qu’il n’est pas établi qu’il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre (Colozza c. Italie, arrêt précité, p. 15, § 29, et Einhorn c. France (déc.), no 71555/01, § 33, CEDH 2001-XI).
31. La Convention laisse aux Etats contractants une grande liberté dans le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de répondre aux exigences de l’article 6 tout en préservant leur efficacité. Il appartient toutefois à la Cour de rechercher si le résultat voulu par celle-ci se trouve atteint. En particulier, il faut que les ressources offertes par le droit interne se révèlent effectives si l’accusé n’a ni renoncé à comparaître et à se défendre ni eu l’intention de se soustraire à la justice (Medenica c. Suisse, no 20491/92, § 55, CEDH 2001-VI).
32. Dans la présente espèce, les autorités italiennes ont estimé, en substance, que le requérant avait renoncé à son droit à comparaître à l’audience car il était devenu introuvable tout de suite après l’homicide de M. S., commis à la présence de plusieurs témoins oculaires (voir les paragraphes 8 et 9 ci-dessus). Cette interprétation a été appuyée par le Gouvernement, selon lequel on pourrait déduire du comportement du requérant la volonté de celui-ci de se soustraire à la justice.
33. La Cour rappelle que ni la lettre ni l’esprit de l’article 6 de la Convention n’empêchent une personne de renoncer de son plein gré aux garanties d’un procès équitable de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt public important (voir, mutatis mutandis, Kwiatkowska c. Italie (déc.), no 52868/99, 30 novembre 2000, et Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 20, § 66).
34. En l’espèce, à la différence de l’affaire Medenica (voir arrêt précité, § 59), rien ne prouve que le requérant avait connaissance des poursuites à son encontre ou de la date de son procès. Seule son absence à son lieu de résidence habituel lorsque les autorités essayèrent de l’appréhender pourrait donner à penser qu’il savait ou qu’il craignait être recherché par la police.
35. La Cour n’estime pas nécessaire de spéculer sur les raisons qui ont induit le requérant à quitter son domicile et à se rendre en Allemagne. Elle rappelle qu’aviser quelqu’un des poursuites intentées à sa charge constitue un acte juridique d’une telle importance qu’il doit répondre à des conditions de forme et de fond propres à garantir l’exercice effectif des droits de l’accusé ; cela ressort, du reste, de l’article 6 § 3 a) de la Convention. Une connaissance vague et non officielle ne saurait suffire (voir T. c. Italie, arrêt précité, p. 42, § 28).
36. Partant, à supposer même que le requérant était indirectement au courant de l’ouverture d’un procès pénal contre lui, on ne saurait pour autant en conclure qu’il a renoncé de manière non équivoque à son droit à comparaître à l’audience. Il reste à vérifier si le droit interne lui offrait, à un degré suffisant de certitude, une possibilité d’obtenir un nouveau procès en sa présence.
37. A cet égard, le Gouvernement invoque le remède prévu par l’article 175 du CPP, soulignant qu’aux fins de l’introduction d’une demande en relèvement de forclusion, il suffirait au condamné absent de prouver qu’il n’a pas eu connaissance des actes de la procédure (voir le paragraphe 24 ci-dessus). La Cour rappelle cependant que dans sa décision sur la recevabilité de la requête, elle a rejeté une exception de non épuisement du Gouvernement, estimant que le remède en question aurait eu peu de chances d’aboutir et que son utilisation par le requérant se heurtait à des obstacles objectifs. Aux yeux de la Cour, rien ne permet de revenir sur cette conclusion.
38. Par ailleurs, à supposer même que, comme le veut le Gouvernement, aucune preuve de l’absence d’un comportement intentionnel visant la soustraction à la justice ne doive être fournie par un condamné souhaitant introduire une demande en relèvement de forclusion, la Cour relève que l’article 175 du CPP ne confère guère à l’accusé qui n’a jamais été informé de manière effective des poursuites, le droit inconditionné à obtenir la réouverture du délai pour interjeter appel. Comme le parquet de Rome lui-même l’a à juste tire observé, dans le cas du requérant un nouveau procès n’était pas automatique, se posant au contraire préalablement la question de savoir si la déclaration selon laquelle l’accusé était « en fuite » était erronée (voir le paragraphe 15 ci-dessus).
39. La Cour rappelle qu’aux termes de sa jurisprudence citée ci-dessus (voir les paragraphes 30 et 31), un condamné qui ne saurait être estimé avoir renoncé de manière non équivoque à comparaître doit en toute circonstance pouvoir obtenir qu’une juridiction statue à nouveau sur le bien-fondé de l’accusation. Une simple possibilité dans ce sens, dépendant des preuves pouvant être fournies par le parquet ou par le condamné quant aux circonstances entourant la déclaration de fuite, ne saurait satisfaire aux exigences de l’article 6 de la Convention.
40. Il en découle que le remède prévu à l’article 175 du CPP ne garantissait pas au requérant, à un degré suffisant de certitude, la possibilité d’être présent et de se défendre au cours d’un nouveau procès. Il n’a pas été soutenu devant la Cour que le requérant disposait d’autres moyens pour obtenir la réouverture du délai pour interjeter appel ou la tenue d’un nouveau procès.
41. Il s’ensuit qu’en l’espèce les moyens mis en place par les autorités nationales n’ont pas permis d’atteindre le résultat voulu par l’article 6 de la Convention.
42. Il y a donc eu violation de cette disposition. »

(L’article 175 est celui du CPP italien concernant la contumace, et c’est cet article de Loi – base sur laquelle on réclame et on autorise l’extradition de Battisti – qui est condamné.)
Enfin :
« 44. Les conclusions de la Cour impliquent en soi que la violation du droit du requérant tel que le garantit l’article 6 de la Convention tire son origine d’un problème résultant de la législation italienne en matière de procès par contumace, qui peut encore toucher plusieurs personnes à l’avenir. L’obstacle injustifié au droit du requérant d’obtenir qu’une juridiction statue à nouveau sur le bien-fondé de l’accusation n’a pas été causé par un incident isolé ni est imputable au tour particulier qu’ont pris les événements dans le cas de l’intéressé ; il résulte du libellé des dispositions du CPP relatives aux conditions pour introduire une demande en relèvement de forclusion. Par ailleurs, des violations analogues à celle constatée dans la présente affaire avaient été relevées par la Cour soit sous l’empire de l’ancien CPP (voir les arrêts Colozza, T. et F.C.B. précités), soit après l’entrée en vigueur du nouveau CPP (voir Somogyi c. Italie, no 67972/01, 18 mai 2004), et il convient de rappeler que le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a exprimé l’avis que l’Italie avait violé l’article 14 de la Convention internationale des droits civils et politiques par rapport à une condamnation par contumace survenue sans que l’accusé fût officiellement et personnellement informé des poursuites à son encontre (voir l’avis du 27 juillet 1999, rendu dans l’affaire Ali Malaki c. Italie). La Cour conclut que les faits de la cause révèlent l’existence dans l’ordre juridique italien d’une défaillance, en conséquence de laquelle tout condamné par contumace n’ayant pas été informé de manière effective des poursuites pourrait se voir privé d’un nouveau procès. Elle estime également que les lacunes du droit et de la pratique internes décelées dans l’affaire particulière du requérant peuvent donner lieu à l’avenir à de nombreuses requêtes bien fondées. »

(NB : La "mise en gras" de certains caratères n’est pas dans le texte original)