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> IRAK : 100 jours sans Florence ni Hussein

15 avril 2005, 13:53

Florence Aubenas

Le 8 septembre 2004, je publiais dans la partie de mon journal N°88 intitulée « OTAGES FRANÇAIS EN IRAK : Comment les sauver ? » les preuves que Chesnot, Malbrunot et leur ami et guide Mohammed Al-Joundi n’étaient pas prisonniers de la résistance irakienne, mais de l’impérialisme américain. Je vous recommande fortement de lire ou de relire cet ancien texte en cliquant ici avant de continuer ; parce que nombre de remarques faites à l’époque sont valables aujourd’hui encore.

Les événements qui précédèrent la libération de Chesnot et Malbrunot, ainsi d’ailleurs que ceux qui suivirent, vinrent confirmer les thèses que je développais dans le N°88 de mon journal.

Si les otages avaient été prisonniers de la résistance irakiene, c’est à elle qu’il aurait fallu faire plaisir pour obtenir leur libération ; mais au lieu de ça, le gouvernement français qui, dans un premier temps, avait autorisé les émissions de la chaîne de télévision pro-palestinienne du Hezbollah (Al-Manar) finit, pour faire plaisir à l’impérialisme américain et à son avatar moyen-oriental (le sionisme) par interdire Al-Manar. Cette nouvelle est connue dès le 14 décembre 2004. Elle incline à penser que l’État français savait très bien que Chesnot et Malbrunot étaient détenus par les Américains.

Croyant qu’après avoir cédé à ce chantage des Américains, il pourrait négocier avec eux la libération des otages, l’État français envoie Michel Barnier en visite aux USA les 15 et 16 décembre 2004. Il parle bien entendu de la Palestine et de l’interdiction d’Al-Manar.

Mais, c’est bien connu, les maîtres-chanteurs en veulent toujours plus ; et les Américains, c’est-à-dire leurs chefs, ne voulurent toujours pas libérer Chesnot et Malbrunot. Aussi, il y eut changement de tactique : le 17 décembre 2004, Mohammed Al-Joundi annonce qu’il portera plainte contre les Américains pour détention abusive, pour mauvais traitement et... pour torture. Il ne portera pas plainte contre la résistance irakienne, mais bien contre les USA !

Il faut croire que cette nouvelle tactique — "tu m’as pris un truc, alors je t’en prends un aussi, et je ne te le rendrai que quand tu m’auras rendu le mien" — fut plus efficace, car, le 19 décembre 2004, Mohammed Al-Joundi annonce qu’il va retarder sa plainte. En échange, les Américains avaient évidemment promis de rendre Chesnot et Malbrunot car, le 20 décembre 2004, le gouvernement ose faire part de sa confiance dans la suite des événements. Le 21 décembre 2004, il annonce officiellement la libération de Christian Chesnot et Georges Malbrunot.

Dans cette chronologie, vous pourrez vérifier que c’est bien le 17 décembre, après le voyage de Barnier aux États-Unis, que Mohammed Al-Joundi annonce qu’il va porter plainte et que le 20 il y a message d’espoir gouvernemental. Mais vous n’y trouverez aucune référence au fait que, peu avant ce message, Mohammed Al-Joundi avait "décidé" de reporter sa plainte. En voici une.

Il ne fait aucun doute que c’est en échange du report (considéré par les Américains comme un report sine die) de la plainte de Mohammed Al-Joundi contre les USA que l’impérialisme américain libéra les otages français(*).

D’ailleurs, c’est le 4 janvier 2005 que Mohammed Al-Joundi porte effectivement plainte pour torture contre les USA et c’est dès le lendemain, le 5 janvier 2005, que Florence Aubenas fut enlevée ! Comment pourriez-vous encore croire, après une telle démonstration, que c’est par la résistance irakienne ou par de simples mafieux qu’elle est détenue ? C’est bien entendu pour se venger de la plainte de Mohammed Al-Joundi (du moins dans un premier temps) que les Américains ont pris un otage français !

Quant à Didier Julia, il semble être un allié du Mossad (service secret israélien), puisqu’il a confié au journal le Monde qu’il avait joué un rôle actif jadis dans l’affaire dite des vedettes de 1969 (cinq navires lance-missiles placés sous embargo à Cherbourg et « enlevés » par un commando israélien), assurant qu’au premier rang des complicités françaises dont avait alors bénéficié le Mossad il y avait la sienne ! C’est sans doute pourquoi il a cru pouvoir jouer un rôle dans la libération de Chesnot et Malbrunot, puisqu’ils étaient détenus par les Américains. Et c’est sans doute pour redorer son blason, et parce qu’ils pensent pouvoir obtenir plus de choses avec lui, que les Américains veulent que ce soit Didier Julia qui négocie la libération de Florence Aubenas.

Les Américains mentent en prétendant au public que ce sont des résistants irakiens ou des mafieux qui détiennent Florence Aubenas. Comme je l’ai dit à propos de Chesnot et Malbrunot : « il faut bien comprendre que si Chirac ne révelle pas lui-même que ce sont les Américains qui détiennent les journalistes français, c’est parce que le faire reviendrait à dire que les manipulations du terrorisme qui sont dénoncées ici sont monnaie courante. Or, sur le sujet, tous les pouvoirs du monde sont solidaires pour tenter de faire croire à leur population que ce genre de manipulations n’existe pas. Sinon, comment pourraient-ils eux-mêmes l’utiliser quand ils en auront besoin. »

Ce que je disais pour la libération de Chesnot et Malbrunot vaut encore pour Florence Aubenas et son ami Hussein Hanoun :

La seule façon d’avoir une chance de les sauver est de dire la vérité partout où l’on peut. Car si tout le monde sait que c’est en fait l’impérialisme américain qui les détient, et qu’il s’apprête à les assassiner, alors, ils n’oseront peut-être pas le faire. Surtout si les citoyens américains sont au courant aussi. Il faut faire vite.

Giuliana Sgrena

D’ailleurs, à propos d’assassinat, les Américains n’ont pas laissé partir Giuliana Sgrena aussi facilement ; ils ont cherché à l’assassiner pour empêcher les services secrets italiens de la libérer. Elle sait trop de choses, a révélé son compagnon Pier Scolari. Et quand les Américains nous disent que c’est par accident qu’il ont failli la tuer, ce n’est que pur mensonge. Ils appellent ça des "tirs amis", cela prouve qu’il vaut mieux ne pas être l’ami des Américains !

En fait, tout simplement, les Américains sont confrontés à une résistance irakienne qui se renforce de jour en jour. S’ils veulent la vaincre, il va leur falloir commettre un génocide. Ils ne veulent pas de témoins. C’est pourquoi ils font tout pour faire fuir tout étranger à l’Irak qui n’est pas inféodé à l’impérialisme américain, car un tel génocide ne peut pas se faire s’il y a des témoins.

Les Américains veulent qu’il n’y ait plus, en Irak, ni journalistes indépendants, ni ONG, ni Croix-Rouge, ni ONU, etc. Et ils sont prêt à tout pour les faire fuir. Aussi, il faut être très reconnaissants envers les étrangers à l’Irak qui restent et resteront pour regarder et témoigner. Seuls eux (elles) peuvent empêcher un génocide. Et il faut souligner leur courage extrême !

Si vous décidez de vous rendre en irak, peut-être serait-il bon, dès que vous serez là-bas, de demander protection à la résistance irakienne afin d’éviter de vous faire enlever, et peut-être assassiner, par l’armée américaine

Note (*) : Et aussi parce que le même jour, le 19 décembre 2005, Les membres du gouvernement se rallient à la politique turque de l’Elysée (la Turquie est un sous-marin de l’impérialisme américain et celui-ci fait pression pour qu’elle intègre l’Europe).

http://mai68.org/journal/N93/6mars2005.htm