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Grèves à Brest, en 1950 : “Un homme est mort” sur Arte mercredi 13 juin à 22h35

11 juin 2018, 13:22, par nazairien

Article du 18 Avril 2000 (Témoignage de Pierre Mazé, son frère, lors de la commémoration de cette meme année)

https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20000418&article=1004455&type=ar

Beaucoup de monde hier soir, aux abords de la maison du peuple. Les anciens Brestois, les militants ouvriers rendaient hommage à un martyr, Edouard Mazé, mort le 17 avril 1950. Son frère Pierre se souvient de cette tragique manifestation qui compte parmi les grandes pages de l’histoire syndicale dans le bâtiment.

« Devant le corps d’Edouard Mazé, la population de Brest, du Finistère, fait le serment de rester fidèle à sa mémoire, à son combat pour le pain, la paix, la liberté. », lançaient les Brestois le 19 avril 1950. Hier, aux abords de la maison du peuple, près de la place qui porte son nom, les militants se sont regroupés. Ils ont tenu parole, au nom du « devoir de mémoire ». Aujourd’hui âgé de 79 ans, Pierre Mazé, sait mieux que personne la valeur des enseignements du passé.

La mort brutale de son frère, a été en quelque sorte le terreau de son destin, faisant de ce secrétaire général du syndicat du bâtiment de Brest et de ses environs, un responsable national à la fédération CGT du bâtiment. 15 F d’augmentation horaire, 3.000 F de l’époque par mois. Cette revendication fut le déclencheur d’un gigantesque mouvement de grève qui toucha toutes les professions, et mobilisa les 5.000 ouvriers du bâtiment que comptait la cité du Ponant. On imagine l’impact de la grève totale qu’ils menèrent dans le Brest de la reconstruction.

« Il y avait des actions dans toute la France, mais c’est ici que le mouvement s’est développé, prenant plus d’ampleur que nulle part ailleurs. La population brestoise et les communes des environs, ont apporté leur aide matérielle, offrant de nombreuses denrées par solidarité », explique Pierre Mazé. Et puis faute de résultat, le mouvement se durcit. Le 17 avril 1950, un cortège se forme devant la bourse du travail et prend la direction de la sous-préfecture. La tension ne va cesser de monter.

Contrairement à ce qui a pu être dit, il n’y avait pas d’intentions belliqueuses de notre part. Il n’y a eu ni boulons, ni jets de pierre. Un camion des forces de l’ordre a été brûlé, quelques mousquetons de gendarmes ont été brisés sur le sol, mais c’est tout ». La mémoire de Pierre Mazé, alors au premier rang du cortège, est ferme. Il se souvient du premier contact, pacifique, avec les gendarmes, puis de la charge policière à coups de crosse et de sa fuite dans un café. Il se souvient du nouveau regroupement et des instants qui précédèrent la fusillade.

« Il y a ce que j’ai vu et ce que j’ai entendu. Quelqu’un qui, derrière le cordon de policiers, donne un ordre. Il y a des gendarmes qui effectuent trois pas en avant, mettent un genou à terre, et tirent deux ou trois salves, blessant plusieurs personnes ». La voix du septuagénaire s’étrangle, l’émotion brouille son regard : « un gendarme m’a crié : « ça me fait chier d’être obligé de tirer sur un camarade ». J’étais connu, il m’a appelé pour me faire renifler le canon de son arme, et bien me montrer qu’il n’avait pas fait parler la poudre ».

Il ne sait pas encore que l’un de ses deux frères présents dans la manifestation ne s’est pas relevé. Digne, le militantisme intact, Pierre Mazé se refuse à faire d’Edouard un symbole de la lutte syndicale : « bien d’autres avant lui, d’autres plus tard ont sacrifié leur vie. Il fait partie de ceux qui ont payé cher pour faire avancer les revendications des salariés ».