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> Maurice Allais, "madame Christine" et le garçon de café

9 juin 2005, 12:49

Mais le pire dans cette histoire, c’est que Serge July n’a pas tout à fait tort, et que dans sa colère et son ressentiment ( à quoi servent Libé et tous les médias globalisés, si professionnels, si performants, s’ils ne parviennent pas à "produire du consensus" à l’intérieur du "cercle de raison" ?), il crache un peu trop fort le morceau.
Maurice Allais, le célèbre économiste « libéral », prix Nobel d’Economie, accordait une interview au journal L’Humanité, publiée le 26 mai dernier, et faisait remarquer que c’était le seul journal qui l’avait sollicité pour lui demander son avis. Le fait qu’il appelait à voter « non » au referendum portant sur le TCE n’était pas, selon lui, indifférent à cet étrange ostracisme de la part des autres journaux.
En résumé sa thèse, exposée dans son dernier ouvrage - « La Mondialisation,la destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique, Éditions Clément Juglar » - basée sur le constat empirique du déclin de la croissance en France de 1974 à aujourd’hui, diminuée de moitié par rapport à son rythme entre 1951 et 1974, serait liée à la fin du protectionnisme communautaire, à la suite de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le « marché commun », et au commencement de l’application pleine et entière de l’article 110 du traité de Rome du 25 mars 1957 qui déclare : « En établissant une union douanière entre eux, les États membres entendent contribuer conformément à l’intérêt commun au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la - réduction des barrières - douanières. ».[ Allais souligne que l’article III. 314 de « feu » le projet de TCE reprend quasi mot pour mot cette formulation]
Ce « tournant » pouvant également s’interpréter dans le contexte de la fin des accords de Betton Woods (1971-1973), qui signifiait l’abandon du système monétaire international stable instauré en 1947 par les USA, et une longue période de « changes flottants », et du premier « choc pétrolier ».
Ce nouveau cours « libre-fairiste », selon sa formule, déclencheur de ce qu’on appellera ultérieurement la « mondialisation » a, selon lui 4 conséquences :
« 1. Une mondialisation généralisée des échanges, entre des pays caractérisés par des niveaux de salaires très différents aux cours des changes, ne peut qu’entraîner finalement partout, dans les pays développés, chômage, réduction de la croissance, inégalités, misères de toutes sortes. Elle n’est ni inévitable, ni nécessaire, ni souhaitable.
2. Une libéralisation totale des échanges et des mouvements de capitaux n’est possible, et n’est souhaitable, que dans le cadre d’ensembles régionaux groupant des pays économiquement et politiquement associés et de développement économique et social comparable.
3. Il est nécessaire de réviser sans délai les traités fondateurs de l’Union européenne, tout particulièrement quant à l’instauration indispensable d’une préférence communautaire.
4. Il faut de toute nécessité remettre en question et repenser les principes des politiques mondialistes mises en oeuvre par les institutions internationales, tout particulièrement par l’Organisation mondiale du commerce. »
Je laisse à Maurice Allais la responsabilité des remèdes qu’il peut prescrire, mais le diagnostic est juste. Même si bien sûr, la contradiction centrale exhaurée il y a 150 ans par Marx, et qu’on peut relire l’actualisation, par exemple dans les études des allemands du groupe "Krisis", et particulièrement de Robert Kurz, sont ici "epistémologiquement" refoulée ( au sens interdit de penser, par axiome méthodologique) : M. Allais est d’abord un économiste qui cherche des solutions dans le cadre de la loi de la Valeur capitaliste, tout horizon pouvant le nier ou le dépasser n’entre pas dans son champ conceptuel, a-priori et par hypothèse).
Et donc pour en revenir à July et consorts, c’est peut-être pour cela, qu’intellectuellement même, ils n’ont pu comprendre les motifs du NON au referendum, puisque pour eux, gens de l’élite si informés, la seule alternative était entre l’article - existant - 110 du traité de Rome, et l’article III.314 de la Constitution européenne, qui disent exactement la même chose. "Voulez vous de l’eau plate ou de l’eau plate" demande le serveur. Qui rajoute - je vous conseille personnellement l’eau plate nouvelle formule. - Non, répond le client. - Je vous rapelle que l’eau plate nouvelle formule est particulièrement saine et délicieuse, et que les meilleurs experts, qu’ils soient nutritionnistes-diététiciens, aussi bien les meilleurs olfactologues qui conseillent les parfums Dior et les grands crus de Bordeaux, la recommandent "expressément". - Non opine derechef le client, j’aimerai un breuvage moins plat, que votre eau du robinet souillée de chlore, limite non potable. - Et bien Monsieur il n’y a que cà, vous êtes vraiment un imbécile, où vous croyez-vous, à l’heure où des milliards de malheureux meurent de dysentrie et de toutes sortes de maladie parce qu’ils n’ont pas accès à l’eau potable, Monsieur fait le difficile. Et bien puisque c’est comme cà, vous aurez de l’eau plate, de toute façon c’est compris dans le prix du menu, et si vous n’êtes pas content vous resterez sur votre soif ! Serge July (et ses consorts), c’est le garçon de café mal embouché qui avait servi de trame à Sartre dans son apologue sur la mauvaise foi. Le patron luit avait dit que c’est eau plate du robinet ou eau plate "nouvelle formule", et cet imbécile de cochon de payant n’entend rien à l’époustouflante subtilité dun "marketing". Et en son for intérieur de penser que le patron est vraiment un imbécile, avant ses innovations "marketing" que lui a fourgué le cabinet de consultant envoyé par la chambre de commerce des bistrotiers ("chrisseetîiine..., les caahouettes") , on ne demandait rien au client, et il buvait sans rechigner la flotte du robinet, alors que maintenant ils demandent, ces fauchés, de l’eau gazeuse, et de l’eau de source, et de l’eau parfumée... et pourquoi pas du Chateau Petrus pendant qu’ils y sont !?... Mais pourquoi ont-ils fait un referendum...???.... Mais pourquoi ont-ils fait un referendum ?....