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> Ciel d’orages à ATTAC

2 septembre 2005, 13:12

En réponse III

Mon expérience est proche de la tienne et je ne te crache pas dessus et je ne crache pas sur les gens qui ont des illusions non plus. Merci de calmer ton agressivité ou de la diriger contre ceux qui le méritent.
J’ai 33 ans, je suis une femme, d’origine algérienne. Je bosse depuis l’âge de 18 ans et je suis toujours précaire. J’ai lutté sans cesse depuis le début des années 90, j’ai fait quelques passages dans des syndicats notamment pour aider à fonder la CGT dans un institut de sondages où on était payé à l’heure et recruté au jour avec des jeunes sans aucune tradition politique. Une vraie galérienne née en même temps que le FN et qui a bénéficiée de l’après trente glorieuse. Je n’ai rein d’une « établis ». J’ai juste le bac, j’aurai souhaité avoir plus mais hyper compliqué dans de telles conditions !

Je suis d’une génération qu’on a toujours jetée du monde du travail, et qui lorsqu’elle s’attaquait à la politique a été jetée par des dirigeants qui voulaient garder leur pré carré d’influence et refusaient de mettre en cause leur pratiques notamment face à l’émergence de la précarité. Les affrontements ont été rudes. J’ai rencontré les joies du sexisme en militant également, je n’ai en aucun cas une vision ydillique de l’engagement bien au contraire...

Pour pas être virée de mon poste et contre le dispositif « emploi jeune-emploi précaire » je me suis engagée d’abord en aidant mes collègues à s’organiser en collectif autogéré et j’ai cherché les moyens de soutiens syndicaux. Il y en avait, fallait chercher l’aiguille dans la botte de foin au début, fallait aussi aller vers l’interpro. Tout cela nous l’avons fait, combattant systématiquement ceux qui voulaient nous manipuler car réfutant nos revendications jugées « trop gauchistes » par les syndicats majoritaires. C’est vrai vouloir que les précaires de la fonction publique soient titularisés sans condition de concours et sans discrimination de nationalité, y a peu d’orgas qui suivent… Est-ce qu’on a cédé sur le contenu ou les modalités de notre lutte ? NON. Nous avons même crée une coordination nationale en nous joignant aux pions en lutte. Les camarades de l’Education ou de collectivités sont même allés soutenir des emplois jeunes de la SNCF, de la mairie de Sarcelles, celle de Paris, celle de St Denis… Alors s’il te plaît, je crois vraiment que ta colère n’est pas fondée à mon encontre. Nous avons mené des actions communes avec des chômeurs en lutte, avec des précaires d’autres secteurs, commerces, nettoyage, les licenciés de grandes boites comme Daewoo… Toutes ces solidarités indispensables, à notre petite échelle nous avons tout fait pour les défendre.

En 2002, j’ai même tenté de rejoindre la LCR (que je connaissais pourtant depuis longtemps) et ça n’a pas fait long feu n’y trouvant pas la solidarité concrète espérée. Suis je restée à attendre que le PC nous ponde une loi pour transformer nos emplois précaires en emploi stables, qu’un groupe de militants du 93 voulaient mettre en place : NON. Et l’expérience m’a donnée raison, ils ne l’ont pas fait avant 2002 alors que dès la rentrée 2003 Marie Georges Buffet l’a rédigée, mais cela n’avait plus aucun sens puisque la « gôche » n’était plus au pouvoir. Et ces débats nous les avons eu collectivement, certaines illusions sont tombées pour beaucoup dans cette pratique.

Aujourd’hui, la plupart des collègues de ma mairie ont été intégrés, et c’est bien grâce à notre lutte, malgré cela quelques uns ont été virés, on a tout fait de l’ordre du possible : grèves, occupations, journeaux militants, collectes, auto-organisation. Et la plupart des collègues des autres secteurs, notamment l’Education, se sont retrouvés au chomdu. Nous avons même perdu un ami pour qui ça a été la goutte qui a fait déborder le vase.

Que reste-t-il de tout cela. Une très grosse colère, le sentiment d’un énorme gâchis : autant professionnel pour tous ces collègues emplois jeunes devenus compétents en 5 ans et virés sans vergogne, que militant nous avons plus de difficultés apportées par notre camp que par nos ennemis pour nous organiser. Quand les collègues de Toulouse faisianet grève depuis 3 mois et que le syndicat majoritaire de l’Education envoyaient des FAX dans le bahuts toulousains pour dire que notre grève était illégale, voilà notre réalité quotidienne de militantisme. Et que ce même syndicat refusaient d’appeler les autres personnels à la grève reconductible alors que l’Education était mûre pour une grève générale (le preuve 3 mois plus tard cette grève était bel et bien là.

Je ne suis pas « politiquement correcte », quand je me rends à la bourse du travail avec quelques collègues, je n’ai plus le bonjour de certains militants tout ça pour avoir défendu des principes (respecter des revendications décidées collectivement) et des pratiques (tous égaux dans la lutte, fonctionnement par le mandatement si la lutte s’élargit). Ces constats ont été cruels, j’ai HALLUCINE. J’ai vraiment pensé que le fait qu’une nouvelle génération arrive sur le front des luttes allait être accueillie chaleureusement par les syndicats. Cela s’appelle un RDV manqué.

Maintenant. Si la CGT avait été démocratique là où je travaille (des sections ainsi existent cela dépend des lieux, ex CGT Daewoo, CGT Manpower…) j’y serais syndiquée et j’aurai défendue le collectif avant tout (car je ne pose pas la condition de se syndiquer pour lutter). Mais ce n’était pas le cas là où je travaille. Résultat ? Après cette lutte de 5 ans, des défaites, mais une expérience intensément riche j’ai décidé de me syndiquer. A la CNT, tout simplement parce durant ces années je l’ai ai vu venir nous soutenir face à la précarité et défendre l’interpro en 2003 dans mon département. Rien que du concret. J’aurais pu décider de rejoindre SUD, ils nous ont aidé également. Mais quitte à fonder une section syndicale à moyen terme, je préfère laisser les questions de représentativité syndicale à d’autres. Il m’importe de continuer dans des pratiques de base, c’est cette école là que je veux continuer à construire, elle a commencé à travers un collectif de lutte, elle continuera de manière plus pérenne je l’espère à travers le syndicalisme. Ce qui ne m’empêchera pas de défendre collectifs et coordination, mais entre deux vagues, faut bien construire.

Je pense vraiment qu’il faut arrêter avec ce ton là. Cela sert à nos ennemis. A samedi à la manif pour le logement.