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> Le Monde s’ouvre la voie de la désinformation à vie

6 septembre 2006, 10:12

Aujourd’hui même Paranagua a encore sévi sur Cuba cette fois... Admirez l’artiste :

"L’imaginaire affaibli des Cubains"
LE MONDE | 05.09.06 | 14h45 • Mis à jour le 05.09.06 | 14h45
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Comment interpréter l’apparente apathie des Cubains face à la maladie de Fidel Castro ? Le sociologue français Vincent Bloch, qui a vécu deux ans à La Havane, évoque la dissimulation et la manipulation suscitées par un univers coercitif omniprésent. Le "recours à la terreur massive" des premières années de la révolution castriste a laissé la place à des "embardées répressives" qui ciblent une dissidence minoritaire, mais "les Cubains ont intégré les contraintes légales et idéologiques au coeur de leur comportement quotidien", explique-t-il.

"La population vit dans l’obsession de ne pas se faire remarquer, confie M. Bloch, 31 ans, doctorant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. L’insuffisance des revenus et des services publics, l’impossibilité de respecter à la lettre toutes les règles concernant le logement, les transports ou les loisirs, l’irrationalité des normes de travail et de production, l’invraisemblance des lois, obligent à un viol systématique de la légalité, poursuit-il. Tout citoyen devient ainsi un coupable potentiel, devant se méfier des voisins, des collègues et des proches, sans parler des étrangers, dont la fréquentation est déconseillée."
En outre, "les Cubains sont plongés dans un univers de délation et d’endoctrinement depuis presque un demi-siècle, affirme M. Bloch. Cela pousse à adopter un comportement ambigu, dissimulé derrière la langue de bois et la participation aux manifestations officielles. On répond aux sollicitations pour éviter les sanctions, mais aussi par ambition, car seule l’adhésion ostensible à la révolution autorise l’ascension sociale. Les Cubains ont donc pris pour habitude de manier faux semblants et doubles registres. Personne ne vit de son seul salaire, personne ne croit à ce qu’on dit."
Cela étant, les Cubains redoutent la disparition de Fidel Castro, car "il a incarné leur aspiration à l’ordre face à la hantise de la plèbe et des Afro-Cubains, le fantasme du péril noir", ajoute M. Bloch. Cuba est une nation à "l’imaginaire affaibli" par la longue soumission à l’Espagne, puis aux Etats-Unis. "Les Cubains avaient besoin d’un chef qui rassure, même s’il opprime, selon ce jeune sociologue. L’élite dirigeante dispose du monopole du récit historique national et des médias, qui présentent systématiquement le monde contemporain à travers le prisme du chaos et du complot."
Dans une île coupée du monde extérieur, où les citoyens doivent quémander un "visa de sortie" pour voyager, l’opacité du pouvoir favorise la prolifération de la rumeur, ainsi que le délire d’interprétation. "Abreuvés de politique, les gens en ont ras le bol, note M. Bloch, coordinateur d’un numéro de la revue Communisme consacré à Cuba. S’ils installent des paraboles, ce n’est pas pour avoir accès à une autre information, mais pour regarder des programmes de divertissement ou les tournois de base-ball."
Ce sont autant de facteurs d’immobilisme. L’échec du modèle égalitaire a miné la confiance à la fois dans le système et dans l’avenir. "Le contrôle social exercé par l’élite semble immuable tant que Fidel Castro ne se retirera pas définitivement du pouvoir", conclut Vincent Bloch.
Paulo A. Paranagua
Article paru dans l’édition du 06.09.06