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> Ce que nous lisions dans le Petit Livre Rouge

10 septembre 2006, 09:39

En 1965 / 1966 j’avais 17 ou 18 ans, j’étais encore lycéen et victime de fréquentes insomnies. Pour tuer le temps j’écoutais souvent les ondes courtes sur un vieux poste de radio, et le monde entrait dans ma chambre (à l’époque il y avait beaucoup moins de communications qu’aujourd’hui). C’était l’époque de la guerre froide et de l’émancipation de certains pays, comme Cuba, et aussi le tout début de la guerre du Vietnam. Chaque pays émettait en français pendant une heure chaque jour, pour faire de la propagande. J’écoutais notamment Radio Pékin en français, lorsque la révolution culturelle s’est déclenchée : je n’en croyais pas mes oreilles, je ne pouvais imaginer que c’était bien des êtres humains qui parlaient et que c’était la radio officielle d’un pays ... Tout n’était que cris, hurlements, imprécations, appels à la haine à l’égard d’un homme (Liu Shao Shi), rivalité de clans ... Je n’était pas un brillant intellectuel engagé, mais je savais que l’hystérie avait pris le pouvoir, et que les foules étaient fanatisées et manipulées ... Le seul sentiment que cela m’inspirait était la peur et le dégoût, et aussi ’heureusement que tout cela se passe si loin’ ... Tous nos brillants intellectuels qui se vantent de leur passé de maoiste en France, alors que tous n’étaient que des fils de bourgeois qui vivaient bien au chaud (il n’y avait que 10 % d’étudiants en France à l’époque), auraient pu faire comme moi pour se renseigner à la source, mais ils ne l’ont pas fait, car pour eux les mots (les jeux avec les mots) comptaient plus que la réalité. Bien entendu, lorsque je parlais de cela, on me répondait que je ne comprenais rien à la lutte des classes. Ce qui compte, ce n’est pas ce que les gens disent, c’est ce qu’ils font. De nombreux ex maoistes français se sont parfaitement intégrés dans le néo-capitalisme, comme Serge Juli, qui a fini par être le chantre de ce courant de pensée, mais il est fier de son passé de maoiste en France.