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> "Je mesure mes handicaps : je suis jeune, je suis femme, et en plus, je suis blonde !"

13 octobre 2006, 05:26

j’ai eu aujourd’hui un message de P. Riché de Libération. Visiblement, il y a eu un malentendu entre nous sur la publication du texte...

Il souhaitait que je fasse une version plus courte, moins "militante", pour publication sur leur site alors que j’avais compris qu’il mettait sur leur site le texte en l’état et que je devais en faire un autre pour le journal papier. Bref !

P. Riché me dit de vous dire que Libé n’a donc pas censuré... et j’ai écrit ce soir une autre proposition de texte, plus court. Croisons les doigts...

La droite a le mérite d’afficher la couleur. Non seulement le gouvernement accroît chaque jour un peu plus la désespérance sociale mais son candidat présumé pour 2007 promet de faire mieux. Nicolas Sarkozy, ce n’est pas seulement un style. C’est un projet politique dangereux, alliant ultra-libéralisme et autoritarisme. Au programme : plus de concurrence, de profits, de contrôle social et moins de protections, de services publics, de libertés. Cette droite mérite une bonne gauche. Face à la logique du marché " libre ", de la marchandisation de tout (et n’importe et quoi) et de l’ordre contraignant, il faut opposer les valeurs de solidarité, de mise en commun, d’émancipation individuelle et collective.

Et rappeler notre visée, le dépassement de toutes les formes de domination et d’exploitation. On ne battra pas Sarkozy sans mobiliser les classes populaires, sans re-dynamiser ce peuple de gauche qui a trop souvent été déçu. Voter utile, c’est donner sa voix à une équipe qui n’a pas passé ses idéaux à la machine, qui dispute à la droite dure tous les terrains où se joue l’avenir de la société, qui changera vraiment la donne dans le pays. La gauche anti-libérale rassemblée est la seule alternative crédible et durable à Sarkozy. Emploi/pouvoir d’achat, énergie, immigration, école : la preuve par quatre sujets d’actualité.

Emploi/pouvoir d’achat. Le gouvernement a osé faire sa rentrée en fanfaronnant sur la baisse du chômage ! On en oublierait que ce soubresaut est d’abord dû à des départs en retraite et que, dans le même temps, le nombre de RMIstes et de travailleurs pauvres ne cesse d’augmenter. Depuis vingt-cinq ans, le rapport capital/travail s’est considérablement détérioré : dix points de PIB sont passés directement de la poche des salariés aux actionnaires. Quand le pouvoir d’achat des travailleurs stagne, les entreprises du CAC 40 affichent des profits records. La casse du droit du travail et les cadeaux fiscaux aux entreprises n’ont conduit qu’à des reculs pour les salariés et les chômeurs. Un climat de peur s’est installé, peu propice au dynamisme économique et à la mobilité...

Contre le chômage, on n’a pas tout essayé et l’Etat peut, sinon tout, au moins quelque chose contre les licenciements et les délocalisations. Un autre partage des richesses et une sécurisation des parcours professionnels s’imposent. Il est aussi souhaitable que réaliste de porter le SMIC à 1500 euros bruts tout de suite, d’augmenter les minima sociaux, de mettre en place un nouveau statut du salariat (qui assure une continuité des droits à l’emploi et à la formation ainsi qu’un filet de sécurité en terme de revenu, et ce dès 18 ans), de revenir au CDI à temps complet comme norme de contrat de travail et de mobiliser l’outil fiscal au service d’une juste redistribution des richesses et d’une réorientation des ressources vers les activités socialement utiles.

Le tout en développant la démocratie sociale pour permettre aux salariés de peser davantage sur les décisions qui les concernent.

Energie. Approvisionnement, production et distribution, égal accès de chacun aux ressources, sûreté des installations, place des énergies renouvelables, maîtrise des coûts : les enjeux ne sont pas minces. Pour y faire face, la réponse de l’UMP est sans vergogne.

Laissons faire les marchés ! Gaz de France annonce 44% de bénéfices au premier semestre 2006 ? Au lieu d’en profiter pour consolider la maîtrise publique de l’énergie, moderniser les équipements, investir dans la recherche ou stimuler l’économie d’énergie, la droite préfère privatiser. Les lobbies financiers et pas la société... avec en ligne de mire, 20.000 licenciements et la hausse des factures de gaz.

Alors que le PS brille par ses tergiversations sur le sujet, la gauche anti-libérale propose de créer un pôle public rassemblant toutes les entreprises de l’énergie - publiques et privées - dans lequel salariés et usagers auront leur mot à dire. Cela passe par la réunification d’EDF et GDF dans un cadre 100% public. Esquissée par les syndicats et de nombreuses forces critiques, cette voie est la seule à même de permette à l’Etat d’assurer sa fonction fondamentale : garantir l’intérêt général et préparer l’avenir.

Immigration. Le fonds de commerce de Sarkozy, c’est le concept d’immigration " choisie " (arbitrairement par lui !). Au PS, c’est l’immigration " partagée " - question de vocabulaire. Osons l’affirmer : la circulation des personnes est un atout de la mondialisation. Les frontières ne sont pas étanches, elles ne l’ont jamais été et ne le seront jamais. Quiconque prétend l’inverse ment.

Les lois restrictives en matière d’immigration n’ont donc qu’un résultat : " produire " des sans-papiers et créer ainsi un peu plus de précarité et de désespoir. La situation insupportable des expulsés de Cachan témoignent de l’urgence d’un traitement humain.

Cessons de rejeter ces hommes, ces femmes et ces enfants, de les livrer aux marchands de sommeil et au travail au noir. C’est moralement impensable et c’est absurde économiquement. Et pourquoi la France ferait-elle moins que ses voisins latins, où des centaines de milliers de migrants ont été régularisés ?

La seule voie juste et réaliste, c’est de procéder à des vagues de régularisation des sans-papiers, d’annuler vraiment la dette et d’honorer les engagements pris en matière d’aide et de solidarité en faveur du Sud. Sauf à faire la démonstration, avec Sarkozy, que la méfiance et le rejet de l’autre valent mieux que le respect de la dignité humaine et la rencontre.

Ecole. Nicolas Sarkozy puis Ségolène Royal ont proposé de remettre en cause la carte scolaire. Les stratégies de contournement par certains parents sont avant tout un symptôme, celui de profondes ségrégations sociales et territoriales, alimentées par le désengagement de l’Etat, le recul des services publics et une politique du logement gravement déficiente. En tout état de cause, ce n’est pas en cassant les outils de l’égalité qu’on favorisera... l’égalité !

Ceux qui prônent la remise en cause de la carte scolaire s’appuient sur les difficultés d’un système trop pauvre en moyens, en ambition, en innovation - de la maternelle à l’université. Le saupoudrage des crédits affectés aux ZEP n’est pas à la hauteur des besoins nécessaires aux établissements les plus en difficulté : à quand une péréquation budgétaire plus juste et plus efficace ?

La démocratisation de l’accès aux savoirs doit rester notre perspective première, ce qui suppose d’adapter nos conceptions et pratiques pédagogiques. 160.000 jeunes sortent chaque année de l’école sans diplôme. Les vaincus du système doivent être le point de départ de notre réflexion, le cœur de notre action. Il nous faut choisir entre un point de vue utilitariste du savoir, qui s’autorise à rejeter une partie de la jeunesse, et celui de l’ambition pour toutes et tous.

En 2007, c’est bien pour un choix de société que les Français devront voter. Les orientations de la direction actuelle du PS ne permettent pas de combattre la droite sur le fond, de clarifier les enjeux, de tracer d’autres perspectives de transformation sociale. Une gauche conséquente doit notamment rompre avec les politiques libérales menées depuis trop longtemps. Mettre l’économie au service de l’humain est une visée d’avenir.

Dire que la globalisation a sonné la fin de l’Histoire, c’est nier les marges de manœuvre qui existent dans notre pays, oublier que les règles du jeu internationales sont bâties par les Etats, faire comme si d’autres - en Amérique latine par exemple - ne contestaient pas l’ordre établi. Les peuples sont capables de résister.

Les Français et les Néerlandais ont dit non au projet de constitution européenne. Mouvement lycéen, révoltes en banlieue et mobilisation contre le CPE ont révélé combien les nouvelles générations rêvent d’autres futurs. Et pour quelle obscure raison ne pourrions-nous pas décider de nos vies ?

Nous sommes nombreux - et peut-être même majoritaires ! - à n’avoir pas pour horizon les dividendes boursiers et à vouloir mettre en partage les richesses, les pouvoirs, les savoirs et les temps.

Toutes les composantes de la gauche anti-libérale ont une responsabilité pour que ces voix s’unissent. Rassemblés, nous pourrons construire une autre voie à gauche.

Clémentine Autain.