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> C’est toi, qui fait de l’angélisme, mais envers les services secrets de la police !

29 octobre 2006, 20:05

Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant à dire que ce n’était pas des émeutiers pour le bus de Marseille avec cette terrible attaque que je condamne. Je ne crois pas non plus que ce soit le fait de flics. Ca me parait plus l’actes de jeunes cons, complètement inconscients sur les conséquences de leurs actes, dans un acte de vengeance complètement primaires (t"as pas voulu nous prendre à l’aller, on t’auras au retour"), un truc qui mèle colère et immaturité, ce qui n’est pas du tout représentatif de ce qui s’est passé l’an dernier.

On n’a pas encore assez de recul pour mesurer sereinement ce qui se passe, mais je souhaite tout de même rappeler que les émeutes qui se sont déroulées l’an dernier contrairement à toutes les émeutes connues en Europe et ailleurs n’ont jamais été "interraciales" (genre un "black" contre un "balnc" ou un "asiatique", ou un "blanc" contre un "arabe", etc...) (tout ça entre guillements ces termes me mettent mal à l’aise). Voir le bouquin "Mouvements n°44 intitulé les Emeutes et après ?" L’essentiel des émeutes se retournaient contre des symboles de pouvoir public ou privé(on peut ne pas être d’accord mais par contre c’est une réalité) : type institutions, écoles, bus, banque, mac Do... Après il peut y avoir des accidents, l’exemple de personnes coincées dans des bus sorties in extremis y compris par des émeutiers illustre très bien cela. Le fait qu’il n’y ait eu aussi aucun mort était à tel point étonnant, que même Sarko s’en flattait lors des déplacements à l’étranger... Et que des responsables d’autres Etats n’hésitaient pas à s’en étonner en public également.

Autre chose encore, dans son livre Mucchielli ("quand les banlieues brulent") rappellent que suite aux émeutes de Los Ageles en 1992, ou suite à des émeutes qui se sont déroulées en Angleterre, il y a eu enquête. Cela a participé à "calmer" les choses à défaut de rendre une justice sociale. Ce qui n’est pas du tout le cas en France, cela n’est pas à sous estimer, si on ajoute les lois rétrogades qui ont été voté (Lois sur l’Egalité des chances qui pose le travail à partir de 14 ans et le travail de nuit à partir de 15, et les allocs supprimées pour les parents dont les momes s’absentent à l’école...). Sans compter les discours sur la colonisation qui n’était pas si mal que ça, et le terme de racaille qui déborde désormais sans complexe de la bouche de maints journalistes et politiques...

La situation est de plus en plus rude, l’injustice de plus en plus flagrante, à tel point que des tas de jeunes qui ne croient pas spécialement au vote s’ont partis s’inscrire pour "éviter le pire". Il savent qu’il y a un Lepen qui sommeille de moins en moins en Sarko, et s’ils peuvent participer à le stopper, ils seront là. Dans la rue (CPE, émeutiers) comme dans les urnes...

Je vis en cité ; l’année dernière la bagnole familiale a été brulée (le jour du pic des voitures cramées vers la fin des émeutes). Ma cité est assez tranquille, on se parle entre jeunes et moins jeunes, ça roule. Ca m’a fait assez chier, et des flics sont venus faire le constat pour la caisse. Pas mal de voisins étaient là, surtout des minots, qui étaient dégoutés pour moi et qui en même temps me disainet que "Sarko, il nous aime pas. Il aime pas les gens qui vivent dans les quartiers". "Nos parents, ils disent que les jeunes ils devraient aller bruler à Neuilly (pas loin de chez nous)..." Quand un mome de 7 ans te dit ça, tu vois mieux où on en est par chez nous... Je ne crois pas qu’un ministre ait été aussi connu (et détesté) par les jeunes que Sarkozy depuis longtemps ! Les flics sont restés 10 minutes avec les pompiers le temps d’éteindre la caisse, puis sont partis. 3 heures plus tard, je les revoyais au pied de mon immeuble, entouré d’une cinquantaine de mes voisins (mamans, papas, minots et jeunes gens). Les mêmes embarquaient trois gamines qui avaient dans les 12 ans, venaient de les gazer devant tout le monde pour les pousser dans leur caisse. Les nénéttes pleuraient, criaient, flippaient. leurs mères étaient là aussi. Elle demandaient aux flics de ne pas les embarquer, qu’on pouvait discuter, elles répétaient, comme les autres habitants "Ce ne sont que des enfants, ce sont nos filles, laisser les s’il vous plait", avec une douceur de la part des habiatnst dans leurs gestes et dans leur propos qui m’a surprise tant la situation me paraissait en fait violente. On était comme une chaine, liés les uns aux autres : la fille de ma voisine, la soeur de mon cousin, l’ami de mon père, etc... Si on en prenait un, les autres étaient là. Un moment les flics se sont énervés, et les mêmes qui m’avaient fait le constat 3 heures avant, m’ont gazé à 20 cm de mes yeux, moi ainsi que mes voisins, mon père, etc... Tout ça pour trois gamines qu’on aurait vu s’amuser avec un extincteur dans l’un des halls, tout cela avait pris des proportions incroyables en fait. je rappelle queles gens se parlent dans ma cité....

Je vous assure que vous faire gazer en bas de chez soi n’a rien à voir avec se faire gazer en manif, c’est extrèmement violent, c’est toucher dans l’intime. Les gens du quartier ne s’attendait pas du tout à cela. Il y a avait un profond sentiment d’injustice qui régnait parmi nous. et pourtant mes voisins ne sont pas des militants de la première heure. Quand je suis rentrée, j’ai vu mas voisine, dont le camion avait été également brûlé, d’accord ça faisait chier, mais nous étions d’accord sur un constat. Les jeunes ne sont pas cons, ils sont de moins en moins d’avenir et se révoltent contre cela. Et nos gamins sont plus importants que nos bagnoles... On ne nous demandera pas de choisir, c’est bien plus compliqué que ça. D’où le conseil impuissant d’aller brûler à Neuilly...

Alors, ce qui s’est passé à Marseille est grave, oui. Mais le contexte du malaise, dans nos quartiers, laissent aussi des momes et des habitans livrés à eux mêmes face à cette jungle sociale qui s’épaissit. Des jeunes qui peuvent partir d’un dégout de cette société qui les refuse, peuvent aussi se tromper, et aller trop loin. Cramer et ne plus se soucier des individus, il n’y a plus de garde fous entre la colère et la vengeance qui frappe aveuglément. Mais je tiens à rappeler que ce qui s’est passé à Marseille est exceptionnel, et ne représente pas les violences urbaines de l’année dernière. Je ne donne pas d’excuses, je demande qu’on ne fasse pas l’amalgame entre des gamins qui se déchaineent aveuglément. Parce que sans doute la dose de violence dans laquelle ils vivent quotidiennement ne leur font plus voir des limites qu’on ne DOIT PAS FRANCHIR, celle de la dignité et de l’intégrité physique des individus.

Je pense que cela va être de plus en plus dur, d’être progressiste, d’être du coté des opprimés, parce que dans la société et dans notre camp en particulier, celui des gens qui deviennent de plus en plus pauvres, de plus en plus frustrés, dans une société qui semble perdre tout sens, où l’objet vaut plus que l’individu, il y aura de plus en plus de gens qui pêtent les plombs, se suicident, tuent (volontairement ou non), se révoltent avec plus ou moins de conscience... Il y aura aussi de plus en plus de manipulations de l’Etat face à cette instablité dans notre camp.

J’étais aux Invalides lors d’une des manifs anti CPE-CNE-LEC. Je finirai par cela. J’ai vu un gars à terre (type Keupon) se faire bastonner par une dizaine de gars. Les gars, et je le certifie, plutôt jeunes possédaient des matraques noires, et frappaient le type à terre avec en filant également des coups de pieds. C’était effarant, c’était d’une violence inouie, à tel point absurde, qu’il était impossible de ne pas réagir, même si j’avais peur, le dégout était le plus fort. Je suis intervenue avec un sympathisant cénétiste. On hurlait qu’on était révolutionnaire, qu’on détestait Sarko, que s’il fallait taper c’était contre les flics, pas contre nous. On hurlait comme des bêtes. Les gars sont partis progressivement, je passe les détails, mais c’était à celui qui gueule le plus fort. c’était à celui qui montrait la dose de violence qu’on a en soi, un truc que j’ai pas du tout aimé...

Mais ces jeunes qui avaient des matraques (une exception dans la foule animée des invalides) étaient de ceux qui avaient été armés par les flics, et qui n’ont plus grand chose à perdre. Le constat de NOTRE RATAGE POLITIQUE. De toutes les batailles que nous n’avons pas mené MASSIVEMENT contre la précarité, contre la poltique à deux balles menées dans les quartiers populaires, contre le racisme d’Etat face à nos parents immigrés et leurs descendance...

On ne peut pas se contenter de s’indigner sur une violence qui s’affirme de plus en plus calirement et qui pourra être manipulable, sans faire le constat de ce qu’est notre engagament (ou notre passivité) politique. je ne dis pas que nous méritons ce qui ous arrive, je déteste d’ailleurs ce discours qui commence à paraitre, par contre, on ne peut pas se contenter de s’indigner sur Marseille sans reconnaitre que si nous ne changeons pas nos pratiques militantes (sur le CPE combien de fois les jeunes ont été trahis par les syndicats, quand ils voulainet TOUT FOUTRE A LA POUBELLE : CPE-CNE-LEC et défendre tous les insurgés du printemps comme del’automne dernier). Je me souviens aussi de jeunes dans le bus qui disaient aller aux manifs contre le CPE, mais sans illusions, car ils savaient pertinemment que même s’ils parviendraient à faire retirer le CPE, leur "vie de merde ne changerait pas"....

Voilà, moi je suis bien amère, mais faudra bien continuer de lutter après ce qui s’est passé à Marseille, et je crois que malheureusement que ce n’est qu’un début.
Je suis d’origine algérienne, j’ai perdu bon nombre de membres de ma familles durant la dernière décennie au bled, je me rends de plus en plus compte que les sociétés sans violences (de l’Etat comme dans la société) sont extrèmement rares, et que la pseudo paix sociale qui semblait tenir avec le compromis des trente glorieuses est en train d’éclater en France, et que le peu de sécurité sociale (dans tous les sens du terme) qui a existé quelques décennies, est en train d’éclater également. Je ne m’en réjouis pas, mais à l’image des manifs il y a bien longtemps, il est possible que ces dernières deviennent aussi plus violentes, et qu’elles ressemblement davantage à ce qu’elle ont toujours été avant. A l’image de ce qui se passe en Amérique Latine ou au Mexique.

On a du boulot idéologique : interroger et renouveler nos pratiques militantes, et du boulot tout court : convaincre nos collègues, voisins, amis à s’engager dans les luttes collectives seules capables de redonner de la confiance et de regagner un rapport de forces contre un système que nous ne cessons de perdre.

La seule chose qui me rassure dans tout ce fracas, c’est que les nouvelles générations militantes qui arrivent, arrivent déjà dans la merde... (désolée pour eux, mais aussi respect pour leur ténacité ) Les jeunes lycéens qui se sont tapés les mobilisations contre Fillon et quyi ont vécu des mobilisations où la violence pouvait être aussi présente, étaient les mêmes qui remùettaient ça l’année suivante avec la lutte ANTI CPE, et cela ne les a en rien découragé, aui contraire leur niveau d’organisation et de conscience était bien plus élevé. Les actions étaient inventives, radicales, démocratiques... Les AG souveraines, ... Je crois que là, nous avons des leçons à prendre et des expériences à partager. Donc si c’est la merde sociale, on trouve aussi la fine fleur qui pousse dedans !

Amel