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Probo Koala (Les déchets de trop)

29 avril 2015, 18:23, par Louvre

 Côte d’Ivoire : les milliers d’intoxiqués du Probo Koala réclament toujours réparation, AFP, 22/04/15, 11:30
Nicolas Delaunay

Fonds détournés, usurpations, dédommagements jugés insuffisants, rôle controversé de l’Etat ivoirien... A Abidjan, des milliers de victimes des déchets toxiques du cargo Probo Koala, déversés en 2006, attendent toujours d’être indemnisées et certaines reportent désormais leurs espoirs sur une plainte déposée aux Pays-Bas.
"Je ne peux pas me résoudre à me dire que quelque chose d’aussi grave puisse se passer sans qu’il y ait réparation", se désole Andoudoua Blondé, 42 ans, qui habite Abobo, un quartier pauvre de la mégalopole ivoirienne. "Abandonner, c’est trop dur".
Le vraquier Probo Koala, affrété par la société de courtage pétrolier suisso-néerlandaise Trafigura, était arrivé le 19 août 2006 au port d’Abidjan pour y faire traiter ses résidus de nettoyage des cales.
Mais plus de 500 mètres cubes de déchets avaient finalement été déversés à divers endroits de la ville par une société ivoirienne, Tommy, dont le directeur a ensuite été condamné à 20 ans de prison.
Le champ de manioc d’Andoudoua Blondé se trouvait non loin d’un des sites contaminés. Au moment des faits, "une odeur nauséabonde" y régnait, se souvient-il.
"Les séquelles que j’ai subies sont pour toujours", explique ce petit homme malingre désormais aveugle de l’œil gauche et qui dit souffrir de démangeaisons et de maux de tête.
M. Blondé vit dans une maison très modeste, entouré de quelques poulets et lapins. Il affirme n’avoir reçu aucune indemnisation malgré des démarches en ce sens. Trafigura et l’Etat ivoirien doivent faire davantage pour les victimes, selon lui.
 ’Dérisoire’ -
Selon la justice ivoirienne, les déchets ont fait 17 morts et des dizaines de milliers d’intoxications.
Mais la société Trafigura - qui a décliné une demande d’interview de l’AFP - a toujours démenti, rapports d’experts à l’appui, que les déchets du Probo Koala aient pu causer décès et maladies graves. Elle n’a en outre jamais été condamnée pour le déversement, au grand dam de la société civile.
Les poursuites contre l’entreprise suisso-néerlandaise ont été abandonnées en vertu d’accords signés en 2007 en Côte d’Ivoire et 2009 au Royaume-Uni, qui prévoyaient au total quelque 185 millions d’euros d’indemnisations.
Un montant censé suffire à dédommager des dizaines de milliers de victimes mais dénoncé par celles-ci comme "dérisoire" étant donné le nombre de personnes touchées.
"On avait prévenu qu’il ne fallait pas signer ces accords avec Trafigura, c’est trop peu", soupire Willy Neth, secrétaire général de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme, selon lequel une partie de l’argent n’est d’ailleurs jamais parvenue à qui de droit.
Trafigura a d’abord versé au gouvernement ivoirien quelque 152 millions d’euros, dont un quart seulement était destiné à 95.000 victimes recensées par l’Etat, qui s’est taillé la part du lion, selon une répartition publiée en 2007 par la présidence.
"Les critères de recensements étaient inappropriés, moins de la moitié des vraies victimes ont été recensées", affirme M. Neth, évoquant le cas de M. Blondé.
Selon un rapport d’Amnesty International et Greenpeace publié en 2012, le doute subsiste en outre sur le nombre de victimes recensées ayant perçu cet argent car, selon ces deux ONG, l’Etat a interrompu le versement en 2009 en raison d’accusations sur des usurpations d’identité.
 ’Paludisme’ -
Plusieurs sources humanitaires évoquent en effet des voyous ayant flairé un potentiel jackpot : des associations de victimes ayant gonflé le nombre de leurs membres ou des usurpations d’identité, parfois avec l’aide de la police.
"C’était parfois grotesque, quelqu’un faisait un paludisme et venait dire qu’il avait été contaminé", se souvient une source médicale interrogée sous couvert de l’anonymat. "Certains sont passés entre les mailles du filet".
Interrogé par l’AFP, Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement ivoirien, dit ne pas pouvoir répondre des actes de l’exécutif précédent, celui de Laurent Gbagbo, que l’actuel président Alassane Ouattara a remplacé en 2011 au terme d’une sanglante crise postélectorale.
En 2009, Trafigura a ensuite versé quelque 33 millions d’euros supplémentaires, destinés à 30.000 bénéficiaires. Mais 7 millions ont été escamotés par quatre personnes disant agir au nom d’un groupe de victimes : elles ont été condamnées le 13 janvier dernier à Abidjan à 20 ans de prison - sans toutefois être incarcérées car la peine n’a pas été assortie d’un mandat de dépôt.
"Des milliers de victimes bien réelles risquent de ne jamais toucher d’indemnisation", regrette Drissa Traoré, vice-président de la Fédération internationale des droits de l’Homme.
Une fondation aux Pays-Bas représentant 110.000 personnes, l’UVDTAB, n’a pourtant pas abandonné tout espoir : elle a assigné Trafigura devant la justice néerlandaise en février dans l’espoir d’obtenir réparation.
Les avocats réclament 2.500 euros par plaignant, soit près de 280 millions d’euros au total, ainsi que la dépollution de certains sites concernés à Abidjan, qu’ils jugent inachevée.
Ce collectif dit vouloir agir différemment d’autres associations décriées et assure avoir vérifié, documents médicaux à l’appui, "que les récits (des victimes) tenaient la route", selon son secrétaire général Assane Diané.
Mariam Bamba, couturière du quartier d’Abobo, est l’une des plaignantes. "Cette procédure est notre dernier espoir", dit-elle. Pour traiter ses maux de tête, ses saignements de nez et sa vue défaillante, elle dit dépenser 30 euros par mois, soit environ un tiers de son salaire.
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