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LES COMMUNISTES ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES

23 mai 2008, 10:41

Je pense que si les communistes en particulier et la "gauche de la gauche" en général ont du mal avec les institutions, c’est qu’ils ont du mal à comprendre quelle est leur génèse et leur utilité.

Pendant longtemps, la vulgate a considéré que les institutions en général et l’Etat en particulier étaient "l’instrument de la classe dominante". S’opposer aux institutions était donc légitime, puisque elles n’étaient qu’un simple instrument dans la main de la bourgeoisie, qui évidement s’en servait pour exploiter le prolétariat.

Mais au fait... pourquoi les dominants auraient ils besoin d’un tel instrument ? En effet, la classe dominante a le haut du pavé dans le rapport de force. Pourquoi aurait-il besoni d’institutionnaliser ce rapport de force ? Pour prendre un exemple classique, lorsqu’un homme avec une arme vous menace pour vous voler, il n’a pas besoin de créer une institution, le simple rapport de force lui suffit. Alors, pourquoi diable chercherait-il a institutionnaliser son rapport de vol ?

L’institution apparaît en fait pour réduire le coût (pour tous !) de l’exercice nu de la force. Depuis des temps immémoriaux, dominants et dominés se sont aperçus que le fait de maintenir le rapport de force par l’utilisation de la violence avait un coût élévé pour la société. Le seigneur qui avait l’habitude de prélèver sur ses paysans par la rapine (avec les destructions et la désorganisation que cela entrainait) s’est rendu compte que le tribut régulier, institutionnalisé était plus rentable pour lui. Et les paysans ont partagé ce sentiment, parce qu’il vaut mieux donner une partie de sa récolte de manière régulière et prévisible que de voir débarquer chez soi des soldats qui se servent. En d’autres termes, l’institution est un accord qui "civilise" le rapport de forces. C’est un contrat dans lequel dominants et dominés se disent "puisque le rapport de force est ainsi, autant le faire fonctionner de la manière la plus économique possible".

Ceci explique pourquoi, contrairement à toutes les prédictions du modèle "instrument de la classe dominante", les dominés sont souvent plus attachés aux institutions que les dominants : la fin des institutions expose les dominés à l’exercice de la loi du plus fort, qu’ils ont toutes les raisons de craindre. On peut ainsi comprendre pourquoi les appels de la gauche radicale aux "grèves insurrectionnelles" et autres rébélions clairement anti-institutionnelles n’ont jamais été suivis.

Le PCF et la gauche ont ainsi dénoncé pendant des années les institutions de la Vème République, alors que son électorat, en grande majorité, y est très attaché. Cela n’a pas contribué à donner une cohérence a sa ligne politique. Et pourtant, le PCF n’a malhereusement jamais cherché à comprendre cet attachement, tant les tendances anarcho-syndicalistes sont traditionnellement fortes en son sein. Le problème est que ce manque de réflexion sur la question institutionnelle a conduit le PCF à de continuelles incohérences, dénonçant "l’Etat jacobin" et défendant en même temps les services publics qui lui sont consubstantiels, rejetant le référendum comme faisant partie du "coup d’Etat permanent" et en même temps le reclamant à cor et a cri pour le traité de Lisbonne. Comment l’électorat pourraît il se retrouver dans une pensée sur les institutions qui pourrait se résumer à "je suis pour quand ça m’arrange, et contre quand ça m’arrange pas".

Un projet révolutionnaire moderne ne peut faire l’économie d’institutions. Tout simplement, parce que le prolétariat ne suivra jamais un projet qui conduirait directement à un exercice "a nu" des rapports de force. Notre construction institutionnelle doit partir du fait que ce qu’on institutionnalise est toujours un rapport de forces, et non pas de vagues idées sur la "souverainété du parlement" et autres. Il ne faut donc pas sacrifier au discours anti-institutionnel (et notamment au discours anti-Etat). Les institutions sont plastiques et elles s’adaptent aux rapports de force. C’est sur ces derniers qu’il faut agir.

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