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LES COMMUNISTES ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES

24 mai 2008, 15:35

la "gauche de la gauche"

Si tu veux reprendre l’expression de Bourdieu, je te conseille de la reprendre exactement, au risque de faire tiennes les erreurs de raisonnement de certains alters . Le concept initial est celui de "gauche de gauche". A moins que ce que tu appelles "gauche de la gauche" ce soit "l’extrême gauche" et là c’est encore pire.

De toute manière, cette classification ne fait pas/plus, aujourd’hui, partie de mes outils d’analyse pour des tas de raisons que j’ai déjà exprimées longuement , je n’y reviens pas.

la vulgate a considéré que les institutions en général et l’Etat en particulier étaient "l’instrument de la classe dominante". S’opposer aux institutions était donc légitime, puisque elles n’étaient qu’un simple instrument dans la main de la bourgeoisie, qui évidement s’en servait pour exploiter le prolétariat.

"La vulgate" comme tu dis, a à mon avis parfaitement raison de considérer que les institutions et l’Etat sont faits pour servir les intérêts de la classe dominante, non ?

Mais au fait... pourquoi les dominants auraient ils besoin d’un tel instrument ? En effet, la classe dominante a le haut du pavé dans le rapport de force. Pourquoi aurait-il besoin d’institutionnaliser ce rapport de force ? Pour prendre un exemple classique, lorsqu’un homme avec une arme vous menace pour vous voler, il n’a pas besoin de créer une institution, le simple rapport de force lui suffit. Alors, pourquoi diable chercherait-il a institutionnaliser son rapport de vol ?

Bonne question.

L’institution apparaît en fait pour réduire le coût (pour tous !) de l’exercice nu de la force. Depuis des temps immémoriaux, dominants et dominés se sont aperçus que le fait de maintenir le rapport de force par l’utilisation de la violence avait un coût élévé pour la société. Le seigneur qui avait l’habitude de prélèver sur ses paysans par la rapine (avec les destructions et la désorganisation que cela entrainait) s’est rendu compte que le tribut régulier, institutionnalisé était plus rentable pour lui. Et les paysans ont partagé ce sentiment, parce qu’il vaut mieux donner une partie de sa récolte de manière régulière et prévisible que de voir débarquer chez soi des soldats qui se servent. En d’autres termes, l’institution est un accord qui "civilise" le rapport de forces. C’est un contrat dans lequel dominants et dominés se disent "puisque le rapport de force est ainsi, autant le faire fonctionner de la manière la plus économique possible".

Ceci explique pourquoi, contrairement à toutes les prédictions du modèle "instrument de la classe dominante", les dominés sont souvent plus attachés aux institutions que les dominants : la fin des institutions expose les dominés à l’exercice de la loi du plus fort, qu’ils ont toutes les raisons de craindre. On peut ainsi comprendre pourquoi les appels de la gauche radicale aux "grèves insurrectionnelles" et autres rébélions clairement anti-institutionnelles n’ont jamais été suivis.

Mauvaise réponse.

- La réalité est plus pragmatique. Physique presque. La force est une notion dynamique. Tu ne peux pas la maintenir sur une constante à l’infini (sauf à certaines conditions). Tu dois donc non pas la "civiliser" mais "cristalliser " le rapport de forces au moment le plus opportun pour toi si tu es "le dominant". Or tout pouvoir humain qui s’exerce en fonction d’un objectif qui requiert le long terme a besoin d’assurer ses positions pour aller de l’avant.

 Ensuite, je vois bien que, en gros, tu reprends la théorie rousseauiste du Contrat social.

Pour le moins critiquable d’un point de vue communiste moderne (je ne dis pas que ce n’était pas une bonne idée au 18ème siècle et vu que cela a contribué à la Révolution française, c’est encore mieux). Mais cela théorise quand même la notion de "souveraineté populaire", dont je ne suis pas convaincue qu’elle puisse servir encore valablement à une théorie communiste pour le 21 ème siècle.
Pourquoi ? Parce que au final, pour Rousseau, lorsque ce qu’il entend par le "peuple" est divisé, on revient à "l’état primitif" si ma mémoire est bonne,il dit que si ce contrat social (qui assure égalité et liberté à tout le peuple via sa souveraineté) est rompu (par le fait que "des intérêts particuliers" se manifestent)

l

"’’état de nature subsisterait, et l’association deviendrait nécessairement tyrannique ou vaine"

dit Rousseau

Or , au regard de cette théorie, et c’est bien JUSTEMENT UN DE NOS PROBLEMES MAJEURS, les intérêts des prolétaires en tant que classe sont des "intérêts particuliers", donc à réprimer selon la théorie du contrat social. SAUF QUE les intérêts de la bourgeoisie sont eux AUSSI des intérêts particuliers mais que ceux ci sont considérés comme "acceptables" par Rousseau, qui se faisait alors le chantre de la classe en voie de constitution et de domination de l’époque qui allait créer la révolution et qui s’appelle la bourgeoisie.

Et je finirai en disant que tu ne peux pas faire abstraction de la théorie hégélienne de "dialectique du maître et de l’esclave" (en gros, le dominant à moyen terme n’est pas forcément celui que l’on croit). Le maître devient rapidement dépendant du travail de son esclave

On peut se demander aussi si "les dominés " ne rechignent pas à se libérer pour des raisons qui tiennent au fait que leurs "représentants " dans l’ordre bourgeois leur répètent qu’ils ne DOIVENT pas se rebeller ?

Une incidente sur ce qu’il est convenu d’appeler depuis Kelsen "l’Etat de droit" (tu vas voir comme tout ça "va bien ensemble").

— Surprendrai -je qq ’un en rappelant que ce bon vieux Hans n’était pas franchement un communiste (il s’est exilé aux USA et il est mort en Californie après avoir inondé le monde de sa conception positiviste héritée d’Auguste conte...On lui doit la théorie des concepts de hiérarchie des normes etc).

Bon, l’Etat de droit a donné naissance (sans doute malgré lui et de façon indirecte par le détournement de cette notion technique en notion morale) à une notion qu’il est convenu que la bourgeoisie applique à tout ce qu’elle ne peut pas réduire au silence ni domestiquer ni expliquer , typiquement, les banlieues et sa jeunesse, sous le terme de "zones de non droit".

La "zone de non droit," bbrrrrrr, c’est très mal, c’est très laid, ça va pas du tout. Le but pour l’Etat c’est de faire en sorte que ces zones de non droit soient remises dans l’Etat de droit, ou anéanties définitivement.

Moi "j’aime bien" ces notions et les réalités qu’elles désignent , au sens où elles m’intéressent, d’un point de v e théorique (j’avoue qu’il est probable que je n’aimerais pas y vivre du peu que ma courte expérience de vie e ncité m’a montrée mais pour une raison qui n’a rien à voir avec le caractère populaire ou pauvre ou que sais je...bref,) ces situations et la désignation que leur en donne la bourgeoisie , doivent / devraient ,attirer notre regard sur certains faits : il y a des quartiers (ces "zones de non droit") où la police ne va plus, ne veut plus aller. Toutes celles que l’Innomable voulait "nettoyer au Karcher".

Si on "met de côté" le fait qu’une petite, une infime, fraction des habitants de ces quartiers terrorise littéralement la grande majorité d’entre eux pour des raisons qui n’ont rien avoir avec la révolution mais tout avoir avec le trafic de drogue et d’armes en tout genre, il n’en reste pas moins que ce sont des "foyers insurrectionnels", au moins potentiels, où les jeunes notamment, mais les moins jeunes aussi, hommes et femmes, ne redoutent manifestement pas l’affrontement ni la guerre civile ni l’engagement physique.

Une simple question:pourquoi ? N’est ce pas parce qu’ils ont été tenus à l’écart (malgré eux) du bourrage de crâne quotidien de nos élites "de gôche" , qui ont eu comme tache principale de nous désarmer de NOS armes (la violence physique et matérielle en font partie) pour nous armer contre nous mêmes avec les armes de la bourgeoisie la plus féroce ? C’est une question.

Tout ça pour conclure qu’à chaque fois que je te lis, j’ai la désagréable impression que tu es un défenseur de l’ordre établi, un contre révolutionnaire, et surtout un homme qui a peur et qui ne peut donc être qu’un dominé dominé, porteur de zéro valeur émancipatrice pour ce que nous sommes aujourd’hui.

La Louve