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Coup de gueule.

3 avril 2010, 20:21, par samy

Dans le pseudo-débat omniprésent sur la numérisation de nos bibliothèques je suis effarée de la platitude et de la démagogie de nombre d’intervenants qu’ils soit pour ou contre la dite numérisation.

Que ce soit dans votre tract de papier, celui en PDF ou du pseudo débat organisé il y a quelques jours sur France inter à l’occasion du salon du livre je suis frappé par la simplicité et la caricature tant des tenants que des ennemis du livre numérique.

J’aime les livres, j’aime l’odeur du papier, des bouquineries et suivre non pas seulement l’histoire du livre en tant qu’œuvre mais également celle de l’objet au travers des annotations et pensées des lecteurs qui m’ont précédé.

Néanmoins à l’âge de 24 ans je ne possède plus qu’un soixantaine de livre, j’ai passé une bonne partie de mon adolescence en province parfois sans le moindre accès possible à une bibliothèque et je préfère ne pas m’exprimer sur la pauvreté de certaines bibliothèques que j’ai eu fréquenté. Issu d’une famille vivant en dessous du seuil de pauvreté et bouffé d’un terrible besoin de lecture je n’ai eu de cesse de revendre des livres afin d’en acheter d’autres. Un vas et vient permanent qui m’a frustré au plus au point. Poursuivant mes études force m’a été de constater à quel point il peut être difficile de pousser une réflexion et un travail autour d’ouvrage que l’on ne possède pas.

Dans ce contexte je dois une bonne partie de ma culture classique à l’E-text (le vrai premier livre numerique qui contrairement à ce que je vous écrivez ne s’appelle pas l’ebook, n’a pas été inventé en 2001 par un fils de pub dont je ne citerais pas le nom et a toujours été gratuit)
L’e-text qui est né il y a maintenant presque 40 ans est le fruit du travail acharné et passionné des bénévoles du Project Gutenberg à qui je tire mon chapeau. Projet à but non lucratif n’ayant jamais cédé aux sirènes de la publicité ou d’un quelconque bénéfice, le projet gutenberg a mis en place une démarche respectueuse du droit intellectuel et pérenne puisque utilisant le seul format texte universel l’ ASCII.

Dans ce cadre bon nombre de vos critiques ne tiennent pas. A titre indicatif ma liseuse est un ordinateur vieux de dix ans pas un "ibouque"qui se change tous les trois ans. Vous trouvez l’ibouque elitiste ? Moi aussi, mais attention révélation la culture n’a jamais été démocratique. Je n’ai pas les moyens de fréquenter les librairies, je me demande d’ailleurs bien qui peu se le permettre, encore qu’au vu des meilleures ventes en librairie j’ai ma petite idée.

En caricaturant, en réfutant tout aspect positif que pourrait amener le numérisation si elle était menée dans le cadre d’un réel projet de société et non par des sociétés privées dont le seul projet est le bénéfice vous capitulez selon moi devant le capital. Le paragraphe sur la durée de vie de l’ "ibouque" et sur les frais mensualisé liées aux nouvelles technlogies en est pour moi fort révélateur : En effet vous semblez considérer comme irreversible le mode de fonctionnement capitaliste sous sa forme la plus libèrale (je ne suis pas ici en train de remettre en cause le concept de proprièté intelectuelle. En revanche ce que je remets ici en cause c’est d’une part le décalage flagrant entre les coups réel de l’infrastructure de télécommunication et sa facturation et d’autres part la confusion entre l’ordinateur-outil et l’ordinateur gadget dernier cri qui ne répond pour la pluspart des utilisateurs à aucun besoin réel).
Contrairement à ce que laisse entendre le journal des réfractaires à l’ordre numèrique je persiste : ce n’est pas la technologie qui est mauvaise mais bel et bien son usage et dans un reférentiel capitaliste ou seul la course au profit compte ces usages sont quasi systematiquement des mésusages.
Je ne nie pas que seule une minoritè de la population mondiale dispose de l’accès au haut dèbit et qu’il est totalement absurde de penser que nos ressources naturelles suffisent à permettre à plus de 6 milliards d’individus de renouveller leur parc informatique tous les trois ans, mais l’usage lui même du renouvellement du parc informatique tous les trois ans est une absurdité qui ne correspond en rien au besoin de l’utilisateur (sauf cas particulier).

Pourquoi focaliser ainsi sur l’"Ibouque" le cas des machines à laver ou l’utilisation SYSTEMATIQUE dans les chaines de production moderne de composants à la durèe de vie limitée est bien plus révélateur d’un problème d’ensemble qui est loin d’être propre au domaine de l’informatique. J’ai 24 ans je me souviens des machines à laver qui avaient une durée de vie de plus de 20 ans, comment voulez vous que j’explique cela à mon petit frère de 14 ? (Orwell n’est pas loin)

L’ennemi de la culture et de l’art n’est pas la technologie, c’est bel et bien le temps de cerveaux disponible et il n’est pas l’appanage du monde virtuel. Qu’elle diffèrence entre la prise de pouvoir numérique d’un Google et celle analogique de Dassault, Lagardère et consorts ?

La paupèrisation du paysage culturel, la disparition des intellectuels de la sphère publique ne sont pas les conséquences de l’invention d’internet, en revanche les mésusages de l’extraordinaire potentiel de l’internet ont à mon sens la même origine : tant que le profit sera au centre de notre socièté la connaissance sera l’ennemi des puissants et il leur faudra en contrôler l’accès sur internet comme dans les bibliothèques ou les écoles.

Bref en un mot comme en cent, il me semble qu’à caricaturer en bloc une évolution qui porte en germe le meilleur comme le pire pour la création et la diffusion de la littèrature vous delaissez le débat de fond et nous condamnez au pire.

Bien à vous