Accueil > ... > Forum 5564

> Employée d’EDF menacée de sanction

11 août 2004, 15:15

Ce qui est trés révélateur dans ce thread, c’est le choc de deux mondes.

Je suis moi-même cadre, j’ai fait des études supérieures, je "vis bien" d’un boulot qui m’intéresse et qui , il est vrai, nécessite de fortes connaissances techniques qui ne sont pas données à tout le monde. Dans ce sens, étant ingénieur d’une "grande école" - je trouve cette classification scolaire stupide - , j’entends parfaitement votre discours sur la compétence des ingénieurs R&D d’EDF et les besoins de l’entreprise.

Ayant par ailleurs une certaine expérience du chômage, de la pauvreté, de la discrimation de par ma famille, mes connaissances ou ce que j’ai pû voir autour de moi, je suis également extrêmement sensible à la précarité sociale et aux arguments de ceux qui sont scandalisés par cette affaire autour du livre de Mme Maier.

Donc oui, les critiques contre le salaire de Mme Maier sont populistes - j’ai moi-même écrit des choses pas trés intelligentes à ce sujet - , les remarques sur EDF, l’argent public, etc, sont simplistes et démagos, mais il faut bien voir la source de tant de véhémence : la colère.

Sans vouloir verser dans le marxisme basique, Mme Maier est un produit des classes moyennes et de la République - comme je le suis - , et par là-même a trés certainement bénéficié d’un milieu socio-culturel favorable à la culture, l’apprentissage, la poursuite d’études... Elle fait partie des "élites démocratiques".

En tant que membre de cette "élite", elle n’est pas responsable du système actuel et de l’état de la société, j’en conviens parfaitement, mais elle a au moins le devoir de réserve par rapport à ceux qui n’ont pas eu la même chance.

Ce genre d’affaire, ce sont des problèmes de riches et je comprends parfaitement que cela déclenche la haine sociale quand ils sont exposés en place publique.

Enfin, moi j’ai le cul entre deux chaises en permanence, j’habite un quartier populaire - un vrai, pas un parc à bobos. Ce n’est pas toujours facile à gérer intellectuellement et sur le plan relationnel, surtout vis-à-vis du regard des autres qui vous pensent - à juste titre - privilégié et j’ai eu honte de mon métier à la lumière de cette affaire.

Ca peut paraître vieux-jeu, voire archaïque, dans notre société post-moderne et dépolitisée, mais j’assume parfaitement mon statut social et le salaire confortable que je gagne à condition de ne pas l’étaler et d’éviter de geindre devant des gens qui sont loin d’avoir ma chance.

Pourtant je suis jeune, individualiste, je méprise tout ce qui ressemble de près ou de loin à un parti ou une organisation structurée et hiérarchisée. On m’a appris que les Français aujourd’hui étaient décomplexés vis-à-vis de l’argent, que c’était bien d’en profiter, de claquer, de pas se prendre la tête, d’être cynique et détaché, d’ignorer les diverses réalités sociales, de ne pas m’occuper des problèmes politiques et sociaux qui me dépassent. Je suis tout ça à la fois, je profite de la vie sans honte, mais j’ai un reste de vieille morale chrétienne on dirait...

Marrant cette sensation d’être un vieux schnoque à mon âge...

Zedrx.

PS : si j’avais voulu décrire l’univers de la grande entreprise, j’aurais soit choisi un pseudo, soit démissionné pour écrire librement. Mais pas écrit librement sous mon vrai nom en tant qu’employé au sein d’une grande entreprise que je critique. C’est pas courageux, c’est téméraire. On en revient au "suicide social" que j’évoquais dans un autre post.