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Estrosi, roi de l’effet d’annonce

4 septembre 2009, 00:14, par Châtellerault 86

Auto. Le ministre de l’Industrie promet aux ex-Fabris des emplois… en 2015 !

Lors d’une visite dans la Vienne, Christian Estrosi a annoncé l’implantation d’une imprimerie, Délipapier, dans les environs de Châtellerault, dont les 210 emplois seront, selon lui, « réservés en priorité aux anciens salariés de New Fabris qui ont accepté le contrat de transition professionnelle (CTP) ».

Sans craindre de tirer la couverture à lui, le très proche de Nicolas Sarkozy se félicite de voir l’État « mettre sur la table plus de 500 000 euros pour ce projet » et « s’investir, à travers Pôle emploi, afin que les anciens salariés de l’équipementier automobile bénéficient d’une formation accélérée à leur nouveau métier ». Selon le ministre, « des entreprises comme Fenwick ou Valeo, qui ont supprimé des emplois dans la région, ont versé à l’État 1,5 million d’euros pour revitaliser le territoire. Cette enveloppe va permettre d’attirer de nouvelles entreprises. L’objectif est la création d’au moins 400 nouveaux emplois ».

Sur place, les annonces ne sont tout de suite plus aussi fracassantes : le groupe italien Délipapier, qui emploie déjà 60 salariés dans le bassin de Châtellerault, se donne en fait jusqu’à 2015 pour recruter 150 personnes supplémentaires. On le voit, cela est très loin de l’effet d’annonce autour des « 210 emplois disponibles pour les ex-Fabris »

Ex-délégué du personnel de Fabris, Christian Paupineau dénonce l’opération de communication : « Christian Estrosi, il arrive, il récupère l’histoire de cette imprimerie dont on parle depuis des mois autour de Châtellerault et il tente de nous faire croire que c’est lui qui crée des emplois. C’est assez mesquin et ça ne trompe personne. »

T. L.

 l’Humanité du 2 septembre 2009


A New Fabris, on peste contre le « coup de pub » de Christian Estrosi

Christian Estrosi, ministre de l’industrie, doit se rendre mardi après-midi dans la Vienne pour achever d’éteindre un incendie social. A Châtellerault, les salariés de l’entreprise New Fabris en liquidation judiciaire ont lutté une bonne partie de l’été pour une prime de licenciement s’ajoutant aux indemnités légales. Pour attirer l’attention sur leur cas, ils avaient menacé de faire sauter les locaux avec des bouteilles de gaz.

A la fin de l’ultimatum, le 31 juillet, au terme d’un mois et demi d’occupation, la menace ne fut pas mise en œuvre. Par 224 voix pour et 24 contre, les salariés ont accepté les 12.000 euros nets que le ministre leur proposait. Ils en réclamaient au départ 30.000. Les bouteilles de gaz, elles, étaient vides depuis le début.

Pour son voyage, M. Estrosi n’arrive pas les mains vides. Comme il l’explique dans un entretien au Parisien, le ministre vient donner le coup d’envoi de l’implantation d’une usine qui « va créer 210 emplois, réservés en priorité aux anciens de New Fabris qui ont accepté le contrat de transition professionnelle ». Ce n’est pas tout. « Des entreprises comme Fenwick ou Valeo, qui ont supprimé récemment des emplois dans la région, ont versé à l’Etat 1,5 million d’euros pour revitaliser le territoire » avec comme objectif la création de « 400 emplois. »

Le ministre devrait se charger d’annoncer ces bonnes nouvelles aux ex-salariés de New Fabris qui ont souscrit au contrat de transition professionnelle (CTP). Il est prévu qu’il les rencontre aujourd’hui. Problème, certains craignent que ces annonces et ce voyage ne servent qu’à mettre le ministre sous les feux des projecteurs.

« Nous, le ministre, on ne sait pas quand il arrive », explique Guy Eyermann, ancien syndicaliste CGT à New Fabris et figure du mouvement de lutte. « Contrairement à ce qui nous avait été annoncé, Estrosi ne recevra pas les anciens syndicalistes, raconte-t-il. Pour ce qui est de la rencontre avec les salariés en CTP, et j’en fais partie, aucune information ne m’a été donnée. » Et d’ajouter : « Si c’est pour venir avec les caméras de télévisions devant des gens triés sur le volet... C’est juste pour se faire un coup de pub, pour lui, pour la mairie [UMP] et pour les élections régionales qui arrivent. »

Autre grief de M. Eyermann à l’égard de Christian Estrosi : la réalité des chiffres des emplois créés par l’implantation de l’usine Délipapier à Ingrandes, à six kilomètres de Châtellerault. Comme le révèleLa Nouvelle République, il s’agirait plutôt d’une création propre de seulement « 150 emplois ». L’explication : les chiffres du ministère prennent visiblement en compte « les 60 [salariés] du site actuel de Buxeuil ». Pour rappel, la liquidation judiciaire des New Fabris a laissé 336 salariés sur le carreau.

De plus, les postes ne sont pas à pourvoir tout de suite, bien au contraire. Toujours selon La Nouvelle République, « l’opération devrait se réaliser en plusieurs phases. Les formalités administratives, études de terrain, viabilisation du site… s’étaleront d’ici à fin 2010. Viendra ensuite le temps de la construction : une première tranche dans la foulée (au moins un an de travaux), puis une seconde plus tard. [Le groupe italien investisseur] Sofidel se serait donné cinq ans (jusqu’à fin 2015) pour atteindre l’objectif de 215 salariés. »

Dans le meilleur des cas, la première vague des nouveaux salariés de l’usine Délipapier ne sera au travail qu’en 2012. C’est là que le bât blesse. « En tant qu’ex-New Fabris, on n’a droit qu’à deux ans de chômage. Les 150 nouveaux emplois seront disponibles dans trois ans », explique Guy Eyermann. Rien n’est prévu pour cette troisième année, véritable période de soudure. Pour les ex-Fabris, les perspectives de retrouver du travail d’ici là sont mauvaises. « Il y a 4800 demandeurs d’emploi dans le bassin châtelleraudais », rappelle l’ex-syndicaliste. De quoi relativiser les annonces du ministre.

Thomas Seymat

 Mediapart du 31 août 2009