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QU’EST CE QU’UN "PROJET POLITIQUE" AU SENS D’UNE "GAUCHE COMMUNISTE" ?

16 septembre 2009, 01:18, par Cop

La classe ouvrière au sens non "stalinien" ou non ouvrieriste du terme n’est pas du tout en diminution, ni n’existe pas, elle est au contraire numériquement hégémonique et extrêmement majoritaire, encore légerement en progression dans pas mal de vieux pays industriels et en croissance explosive sur la planète.

Ce qui est sur c’est que la classe ouvrière industrielle a baissé, celle des grandes usines et des bleus de travail.

Le phénomène d’exploitation et les rapports de production inhérents au capitalisme ont cru dans notre société et non pas diminué.

Les classes intermédiaires qui existaient avant entre cette classe ourvière et la bourgeoisie ont été laminées pas à pas par l’appétit intarissable de la bourgeoisie.

Les couches les plus hautes de la classe exploitée ont été et sont en train de passer à l’attendrisseur et à la cure d’amaigrissement.

Je suis surpris qu’on parle encore de classes moyennes, ce truc inventé qui n’existe pas comme réalité hégémonique dans notre société, mais est completement minoritaire comme jamais ces couches sociales ne l’ont été, quelques soient les définitions variées qu’on en donne.

Maintenant, si on essaye par là de dire que les classes moyennes c’est ceux qui gagnent 2000 euros par mois, et la classe ouvrière ceux qui ont 1000 euros, c’est qu’on ne regarde pas les effets laminoires et de lissages internes à une classe effectuées par les batailles sociales d’un côté et l’appétit bourgeois de l’autre qui font des aides sociales qui lissent les situations entre smicards et ceux qui gagnent le double.

Il y a maintenant un continum commun de précarité qui devient dominant (voir les luttes de précaires enseignants en Italie) qui a fait bondir en avant la puissance potentielle du prolétariat dans nos sociétés.

L’écroulement du vieux mouvement ouvrier s’est fait avec celui d’une partie des anciens bastions industriels et fait lentement place à autre chose qui emprunte d’autres chemins et également, dans des rapports d’exploitation inchangés au fond, des processus concrets de travail, de qualifications, d’organisations productives, d’organisations collectives des tâches, de natures des tâches, très distinctes d’avant.

la mobilité et la rotation de plus en plus rapide des processus de production, des territoires de production, des formes de production, des types de production ne changent pas les rapports de production mais posent différemment les problèmes d’organisation des batailles pour le pouvoir des travailleurs, condition du meilleur pouvoir possible individuel de chacun sur sa propre vie ;

L’élévation formidable des niveaux d’instruction rend bien plus aisée la maitrise collective des travailleurs de la gestion des unités de production de toutes sortes de nos sociétés (il n’y a pas que les usines qui fument même si celles-ci sont encore une grosse réalité).

Les expériences de coopératives dans nos sociétés montrent, dans un univers pas du tout fait pour elles, agressif envers elles, des résultats qui sont bons et tiennent tout à fait la route en matière de concurrence avec des entreprises capitalistes.

Je ne fais pas du tout là l’apologie des coopératives modernes, telles qu’elles sont, ni de l’utilité de leurs production, ni de la concurrence avec le capitalisme, mais je pointe là la supériorité de la gestion ouvrière par rapport au capitalisme, même dans un univers très défavorable.

Les coopératives ne sont pas pour moi une stratégie de changement de la société à cause de la sur-agressivité de la bourgeoisie (qui est la raison essentielle de l’hypothèse révolutionnaire par rapport à l’hypothèse réformiste), mais elles sont très révélatrices et une vitrine du potentiel nouveau des travailleurs .

Cette supériorité de la gestion prolétarienne grace au haut niveau de formation actuel des travailleurs, change les conditions de domination de la bourgeoisie.

Quand on revient justement à la question du mouvement important qui a conduit à l’inverse de ce que dit notre ami, c’est à dire au passage au laminoir des couches sociales intermédiaires, on se rend compte que la domination de la bourgeoisie emprunte et empruntera dans sa soif inextinguible de parts de gâteau à changer ses méthodes de domination.

Avant, la bourgeoisie avait une puissante assise sociale numérique dans la société car elle s’alliait, en leur filant des miettes consistantes, avec des couches sociales de la classe ouvrière, et des classes intermédiaires , du petit commerce à la paysannerie, des cadres aux agents de maitrise, des postiers aux douaniers, etc... pour caricaturer.

Qui dira la proportion de paysans dans la France de 1968, comparé à maintenant...?

Qui se souviendra de la capacité du gaullisme pendant longtemps de jouer du terroir et de l’appui sur une partie du monde rural contre la classe ouvrière, de jouer d’un petit commerce et d’un artisanat encore pléthorique, de jouer sa présence dans la classe ouvrière sur des couches de celles-ci assez bien rémunérées contre les autres (nouveaux OS et travailleurs qualifiés, ces derniers couche vertébrale du PCF de la belle époque). A cette époque les gaullistes (avant 68) avaient une présence organisée dans une partie des entreprises.

Comment comprendre les innombrables attaques de ces dernières vingt années contre le service public sinon dans ce double mouvement de faire plus de profit mais qui a en même temps conséquence de casser une partie d’une base sociale souvent alliée à la bourgeoisie dans le temps.

Cette nouvelle situation où la bourgeoisie a une base sociale beaucoup plus réduite qu’avant oblige cette dernière à revenir à de vieux basiques, diviser autrement que matériellement en poussant à la xénophobie et au racisme, voir à des concurrences générationnelles, développer les moyens de violence et de coercition et enfin, avec la fermeture des chairs des églises, le développement de moyens médiatiques hypertrophiés.

Je pense que la domination actuelle de la bourgeoisie est beaucoup plus fragile qu’avant. On l’a vu dans la crise coréenne quand il a suffit qu’une seule télé se mette à s’opposer au gouvernement pour que, le front médiatique de la bourgeoisie étant brisé, on débouche sur une grave crise de régime sur un problème somme toute périphérique, la direction bourgeoise n’ayant plus le monopole du haut parleur.

A l’opposé, partis et organisations de masse, le champ organisationnel du mouvement du prolétariat doit se reconstituer dans des secteurs tout à fait nouveaux, sans histoire politique, avec d’autres cultures pour lesquelles les jargons que nous utilisons, et plus encore celles des factions les plus racornies des bureaucraties, sont des charabias incompréhensibles, aux habitudes organisationnelles très réduites ,mais pas inexistantes, toutes ont été dans les mouvements de jeunesse qui n’ont jamais cessé d’année en année depuis 40 ans, avec souvent comme seules références confuses les AG et les coordinations.

Il existe de fortes potentialités et attentes dans des secteurs très larges de la classe populaire, mais on part de très bas sans toutefois être corseté comme avant, les nomenclaturas n’ayant qu’un pouvoir de nuisance mais plus trop d’adhésion à leur pouvoir.

Nous partons de plus bas mais avec moins de limites.

Sans parler d’objectifs encore fumeux dont nous n’avons pas certitudes relatives de viabilité, le projet communiste dans cette situation trace son chemin par ce qui le distingue fondamentalement des objectifs du progressisme bourgeois, par en haut, qui rêve de nationalisations sans poser la question de qui dirige et de la liquidation des méthodes de commandement héritées du capitalisme qui favorisent bureaucratisation et retour de la bourgeoisie.

C’est bien le pouvoir concret et collectif démocratique des travailleurs qui est la boussole et l’orientation centrale du communisme, bref ce mouvement imparfait par nature, mais puissamment démocratique qui s’appelle auto-organisation vers l’auto-gestion, dont les coopératives nous donnent un modeste avant-gout, une vitrine.

Le mouvement révolutionnaire continue donc avec ses deux aspects, sa conflictualité irréconciliable avec la bourgeoisie, les méthodes de commandement de celle-ci sur la classe exploitée ET sa volonté démocratique de direction de ses propres affaires.