Accueil > ... > Forum 379607

Jean Ferrat est mort

13 mars 2010, 16:52, par Juan-Luis Guevara

hommage à un camarade : http://guevaralynch.wordpress.com/

Jean,

Voilà déjà bien trop d’années,
que vous ne vous êtes exprimé,
devant ce vide que je ressent,
plus dévastateur, pour mon être,
que le sombre événement,
qui, dix années auparavant,
avait provoqué, je l’avoue,
moins de ravages et solitudes
quand je perdais mon ascendant.

Il m’a donné la vie,
la nourriture pour l’enfant
et beaucoup d’amour aussi,
afin que je grandisse et reprenne,
pour mes propres descendants,
la continuation de la chaîne
et ce, depuis la nuit des temps.

Vous qui m’avez donné l’autre,
qui fait que l’homme, est dans le temps,
ce que des générations qui se suivent,
ont forgées toujours plus grand,
un modèle de société,
inventé pour tous les gens.

Pour ce jour, me confesser à vous,
moi qui, comme d’autres, ne crois pas,
qu’on explique le temps qui s’écoule,
par la peur ou par la foi.
L’ignorance ou plus simplement,
comme certains n’hésitent pas,
à vouloir nous faire croire,
des bondieuseries de croyants,
ou des guides de mollahs.

Car c’est bien l’adolescent hier,
si admiratif devant,
le départ d’une œuvre engagée,
dans le combat de tous les gens,
pour la cause des hommes,
qu’elle contribue, encore maintenant,
à modeler ce que je suis,
de mes idées et mes élans.
Que certains qualifient d’enragés,
plus que d’engagés, mais pourtant,
les luttes d’hier se conjuguent,
aux sombres réalités de notre temps.

Et forgeant depuis cette époque,
le jour des aubes bleues et rouges,
de mes plus grands sentiments,
quand je chantais, en reprenant,
vos tous nouveaux écrits du moment.
Quand j’apprenais par cœur,
tout en les fredonnant,
des plaintes sourdes,
pour les oreilles des grands.

Ce fût d’abord nuit et brouillard,
qu’un unique auditoire écoutait,
m’admirant, les yeux pleins d’éclats,
fière que son rejeton s’égosille,
pour chanter tous ces mots là,
dont la signification sonnait,
avec un si grand émoi.

Sur une chanson que les jeunes,
ne connaissent sûrement pas
et qui parlait de ces ombres humaines,
qui ne purent lutter ici-bas,
pour combattre la bête immonde,
qui allait les précipiter au bas,
d’ une si grande fosse à malheur,
de leur vie jusqu’au trépas.

Dans les années qui suivirent,
ce furent d’autres chansons engagées,
qui me permirent,
de pouvoir analyser,
ce qui sur cette terre,
dure, depuis déjà trop d’années.

D’Aragon à Apollinaire,
et de Desnos à Lorca,
suivant les combats de la terre,
guidés par la liberté du forçat,
de Stalingrad à Berlin,
et de Madrid jusqu’à Cuba.

Eh l’amour, me direz-vous,
et les femmes que je chantais.
J’en ai aussi connus beaucoup,
des belles étrangères de vos corridas,
aux épouses d’un débonnaire
qui me rappelle ce philosophe,
de vos parties d’autrefois.

Mais je terminerais ce chapitre,
de mes tous derniers émois,
par de sombres quartiers,
d’orange amère,
à moins, que demain la vie,
ne m’accorde, encore une fois,
le plaisir de revoir,
un nouveau mois d’août,
dont le ciel pleut, des étoiles,
sur les monts calmes,
ou sur l’océan de mes joies.

En épinglant un immortel,
pour ses lâches écrits de malfrats.
Vous avez scellé dans le temps,
en lettres d’or, imprimées sur la soie,
dans le grand ouvrage des hommes,
ou un « j’accuse » était déjà.

Alors que nombre de ces reliques,
n’atteindront jamais ce droit,
malgré leurs habits d’apparat,
dus, pour certains d’entre eux,
à l’œuvre de leurs méfaits les plus bas.

Car ce n’est pas un habit vert,
ridiculement porté,
par ces vieux corbeaux que la terre,
ne nous a jamais enviée,
bien qu’ils arborent fièrement
leur somptueuse épée de chevaliers.

Ce ne sont pas ces distinctions,
qui leurs permettront d’entrer,
un de ces jours, loin dans l’histoire,
dans la mémoire des hommes,
au panthéon des grands,
ou dans celui des sacrifiés.

Qui ne retiendront les combats,
des plus méritants de leurs guerriers,
qui gagnèrent, non pour eux-mêmes
mais pour la collectivité.

D’hommes pour la cause des hommes,
plutôt que celle, de serviles empoussiérés,
élevés pour services rendus ici-bas,
à la cause des forts et des puissants,
pareille à celle des forçats,
qui servirent autrefois,
mais eux, contrains et enchaînés,
sur les galères de nos bons rois !

Après ce vouvoiement de respect,
permets moi, la première et dernière fois,
de te quitter, comme un père,
un frère, un camarade de combat.
En osant envier tes proches
d’avoir vécue, tout près de toi,
d’un grand, qui aime les hommes,
plus que la loi des scélérats.

Juan-Luis
Copyright © 2009-11-14