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David Cameron : la lumière blairiste et l’ombre thatchérienne

Publie le vendredi 16 avril 2010 par Open-Publishing
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de Philippe Marlière

Lentement mais sûrement, l’écart dans les sondages se resserre entre les travaillistes et les conservateurs britanniques. De 10 points en moyenne, il y a quelques mois, il n’est plus aujourd’hui que de 3 à 5 points. David Cameron devrait néanmoins succéder à Gordon Brown au soir du 6 mai, mais une victoire des travaillistes, aussi extraordinaire soit-elle, n’est plus à exclure.

Ce résultat serait en apparence aberrant si l’on considère le passif du New Labour : sur les questions sociales (fort accroissement des inégalités), économiques (responsabilité du gouvernement dans le krach financier), politiques (scandale des notes de frais des députés, usure du pouvoir), géopolitiques (bourbiers irakien et afghan, soutien aux néoconservateurs étatsuniens), sans compter l’impopularité de Gordon Brown dont l’action et l’image produisent un effet repoussoir auprès du public.

David Cameron devrait nettement devancer son concurrent travailliste et rêver d’une majorité écrasante à la Chambre des communes, ce qu’il n’obtiendra pas. C’est donc un échec pour le jeune leader conservateur, qui depuis cinq ans prône un "conservatisme compassionnel" en rupture avec l’ultralibéralisme thatchérien.

Il a, en ce sens, défendu les services publics, s’est préoccupé de l’appauvrissement des classes populaires et moyennes ou du chômage des jeunes. Il s’avère aujourd’hui que le public peine à trouver convaincant ce discours "moderniste". Le manque d’enthousiasme à l’égard des conservateurs s’expliquerait-il par l’image insincère de leur leader ? Nombre de commentateurs donnent quelque crédit à cette thèse. En réalité, ce sont bien des questions politiques lourdes qui inquiètent les électeurs.

Le manifeste électoral propose une synthèse entre "modernisme" et traditionalisme conservateurs. Du côté "moderne", une chorégraphie proche du New Labour première manière : un rendez-vous donné à Battersea, la centrale électrique rendue célèbre par le groupe Pink Floyd, et une "une invitation à rejoindre le gouvernement de Grande-Bretagne" adressée à chaque électeur. Les conservateurs encouragent les citoyens "à diriger le pays" aux côtés du futur gouvernement. Blairiste en diable, Cameron a affirmé devant les médias que la "société existait bien" (Margaret Thatcher prétendit un jour le contraire), mais que les forces sociales ne se confondaient pas avec celles de l’Etat. Empruntant au vocabulaire de la Société des fabiens (à l’origine de la fondation du Parti travailliste en 1900), David Cameron a estimé que la "force collective permettra de résoudre [les] problèmes majeurs". Rassembleur, il a ébauché les contours d’une "Grande Société" (Big Society) qui présidera au plus grand mouvement de décentralisation dans l’histoire du royaume, de l’Etat vers les citoyens : référendum sur toute question locale qui recueillerait 5 % de signataires, droit accordé aux parents de "sauver" les écoles et de les administrer, possibilité de créer des "coopératives" dans le secteur public ou encore droit de rappel des députés "défaillants" selon le modèle californien.

Une lumière blairiste éclaire le panorama conservateur. Le "pouvoir au peuple" : Cameron s’inscrit dans la filiation blairiste, jouant sur les registres de l’émotion, de la proximité et du bon sens, domaines dans lesquels il surclasse Gordon Brown. Comment, dans ces conditions, comprendre le tassement des intentions de votes ? Les électeurs ont perçu la part d’ombre thatchérienne au cœur du projet Cameron. Celle-ci est suffisamment inquiétante pour que nombre d’entre eux hésitent à congédier un gouvernement travailliste usé et qui les a déçus. Sous le vernis "démocratique", David Cameron propose des mesures antiétatiques classiques annonciatrices de nouvelles privatisations. Qui croira à des promesses de "démocratie citoyenne" aussi vaguement énoncées ? Qui reprendra les écoles en faillite et les dirigera, si ce n’est les parents issus des classes supérieures ? Ces derniers auront le savoir-faire et les soutiens politiques nécessaires pour gérer ce qui apparaîtra bientôt comme des écoles de riches financées avec l’argent public. Ces "écoles citoyennes" seront bien entendu perméables aux intérêts capitalistes (sponsoring des entreprises privées, privatisation accrue du curriculum et, in fine, perte de contrôle parental sur la manière dont sont gérés ces établissements).

Le projet des "coopératives" ne s’étend pas au secteur privé, domaine dans lequel une mutualisation des services aurait davantage été dans les intérêts du public. Le droit de rappel ne s’appliquera que dans les cas où les députés auront manifestement commis une infraction et non pour contester leur bilan politique.

Le manifeste conservateur est resté muet sur la réduction des dépenses publiques. David Cameron a reconnu que celle-ci sera plus profonde et plus rapide que celle préconisée par les travaillistes. Ces derniers ont pourtant annoncé des coupes plus importantes que celles réalisées jadis par Mme Thatcher ! Les axes majeurs d’un gouvernement Cameron apparaissent peu à peu : une réduction des dépenses publiques sans équivalent depuis les années 1930, des baisses d’impôts pour les plus riches (taxe d’héritage) et la privatisation massive des derniers services publics. Une chose est sûre : les électeurs ne sont guère pressés de trancher entre le néolibéralisme brutal de David Cameron et le néolibéralisme tempéré de Gordon Brown.

Philippe Marlière est maître de conférences en sciences politiques à l’université de Londres

Messages

  • Sondages élections UK : les travaillistes en 3ème position

    Un sondage pour les prochaines élections générales au Royaume-Uni place les travaillistes en 3ème position, pour la première fois. Ce sondage suit une confrontation télévisée des trois chefs des trois principaux partis, d’où le libéral-démocrate Clegg est sorti largement vainqueur. Chacun des deux grands partis traditionnels a reculé au profit des libéraux-démocrates.

    Les résultats du sondage :

    • En tête, les conservateurs avec 33% des voix (37% le 15 avril).

    • Les libéraux-démocrates en seconde position, avec 30% des voix (22% le 15 avril).

    • Les travaillistes en troisième position, avec 28% (31% le 15 avril).

    Ces résultats ont été publiés par le Sun. Les commentaires de ce sondage, avec les réserves d’usage, sont donnés par Richard Allan Greene, de CNN.News, le 17 avril 2010....

    http://www.dedefensa.org/article-sondages_elections_uk_les_travaillistes_en_3eme_position_17_04_2010.html

    ces sondages calamiteux pour l’oligarchie ont ils incité certains au bluff du nuage de cendres toxiques ,alerte lancée depuis Londres ,par Vulcanic Ash Advisory Center au vu d’une simple simulation informatique ???
     

    Fermeture de l’espace aérien allemand : critiques d’Air Berlin et Lufthansa

    BERLIN - Les deux plus grandes compagnies aériennes allemandes, Lufthansa et Air Berlin, ont critiqué les autorités pour l’absence de calcul de la concentration de cendres volcaniques dans l’air alors que l’espace aérien devait rester fermé jusqu’à dimanche soir en Allemagne.

    Elles ont par ailleurs fait valoir que plusieurs de leurs avions qui ont effectué la veille des vols intérieurs sans passager n’ont présenté "aucun dommage".

    "En Allemagne, il n’y a même pas eu de ballon météo pour mesurer si et combien de cendres volcaniques se trouvent dans l’air", a critiqué Joachim Hunold, patron de la deuxième compagnie allemande Air Berlin dans le Bild am Sonntag.

    "La fermeture de l’espace aérien résulte uniquement des données d’une simulation informatique du Vulcanic Ash Advisory Center à Londres", a-t-il déploré....

    http://www.romandie.com/infos/News2/100418095915.hua5ulf2.asp