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Cesare Battisti rompt avec la défense collective

Publie le jeudi 14 octobre 2004 par Open-Publishing

de Sophie Bouniot

Le communiqué de presse manuscrit est lapidaire : « Cesare Battisti affirme avec force qu’il est innocent des crimes dont il est injustement accusé. Il a donc décidé de changer radicalement de défense. » Distribué dans la journée d’hier, alors que la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé par les anciens avocats de l’ex-activiste italien (lire l’Humanité du 30 septembre 2004), le libellé vient mettre un terme officiel à la « défense collective organisé autour de lui », explique l’un de ses nouveaux conseils, Me Éric Turcon.

Dernier recours, le Conseil d’État

Les prémices de cette rupture étaient déjà patentes dans l’entretien que Battisti avait donné il y a plusieurs semaines au Journal du dimanche, déclarant : « Je n’ai tué personne ». C’est désormais sur les faits reprochés à l’écrivain, en cavale depuis août dernier, que sa nouvelle équipe de conseils - dont Me Pierre Haïk et Me Turcon, défenseurs, entre autres, d’Alfred Sirven - va devoir plancher. Exit la défense politique faisant de la doctrine Mitterrand, engageant l’État à ne pas extrader les anciens militants des années de plomb dès lors qu’ils rompaient avec « la machine infernale » de la lutte armée, un argument majeur.

La Cour de cassation ayant jugé « irrecevable » le pourvoi de Battisti contre la décision favorable à son extradition rendue le 30 juin dernier par la cour d’appel de Paris, le dernier recours juridique des représentants de Battisti consistera désormais à saisir le Conseil d’État, une fois le décret d’extradition signé par le premier ministre.

Depuis les déclarations du président de la République, le 2 juillet dernier, il ne fait pas de doute que ce décret sera signé. « Si une personne est condamnée pour des crimes terroristes, dans une démocratie et un État de droit, il est évidemment de notre devoir, de notre responsabilité de répondre favorablement à une demande d’extradition », avait-il indiqué, ajoutant : « J’attendrai la décision de la Cour de cassation pour faire connaître la position de la France. » Hier, cette décision est tombée.

« Une fois le décret signé, nous pourrons soulever tous les moyens de droit que nous estimerons nécessaires », a encore expliqué Me Turcon, qui refusait de préciser hier comment il avait été contacté et depuis quand il représentait Cesare Battisti, condamné à la réclusion à perpétuité par contumace le 13 décembre 1988, condamnation confirmée en février 1990, pour trois homicides et une complicité.

Au sein de la « communauté » italienne, ce changement de stratégie érigé sur le mode du « désormais chacun pour soi » est accueilli avec tiédeur. Oreste Scalzone, figure tutélaire parmi les exilés, parle de « douleur » et de « honte » quant à l’utilisation du « donc » dans le communiqué. « Il semble insinuer une défaillance et une faute grave attribuées à la défense, ce qui serait pour moi le signe d’une dérive insupportable. »

Les autres réfugiés s’interrogent

Défendant la ligne du droit à l’exil accordé par neuf gouvernements successifs - et rompue par Dominique Perben en septembre 2002 - un autre réfugié ne s’étonne pas de cette volte-face. « Ça fait longtemps que Battisti affirmait qu’il était innocent. Je n’ai pas à me prononcer là-dessus. Ce que je sais, c’est que notre présence en France est le résultat d’un choix politique. C’est ce pays qui nous a autorisés à reconstruire nos vies ici. Au-delà de ce que chacun peut déclarer, la justice italienne nous a, elle, tous déclarés coupables. Mais si notre passé était irréprochable, on ne nous aurait pas imposé de rompre avec lui. » Reste à savoir quelles seront les répercussions de cette nouvelle donne pour les autres réfugiés menacés par une extradition. Et surtout quel usage saura en faire l’actuel gouvernement.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-14/2004-10-14-405371