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TEL AVIV PIETINE SES ALLIES

Publie le lundi 19 avril 2010 par Open-Publishing
4 commentaires

de ALAIN GRESH

La politique israélienne contribue à la mort de nos soldats en Afghanistan et en Irak, voilà ce qu’ont dit en substance plusieurs responsables américains, choqués par la manière désinvolte dont M. Benyamin Netanyahou traite les Etats-Unis. Dans le cas de la France et malgré le tournant pro-israélien de sa politique, il s’agit plutôt de mépris.

En décembre 2009, le centre culturel français à Jérusalem est encerclé : la police israélienne cherche à interpeller des responsables palestiniens qui s’y trouvent. Le 22 juin 2009, la directrice du centre culturel français de Naplouse est extirpée de son véhicule diplomatique, jetée à terre et rouée de coups par des militaires israéliens ; l’un d’eux lui lance : « Je peux te tuer. » Durant l’offensive contre Gaza, en janvier 2009, le domicile de l’agent consulaire français, M. Majdy Shakkura, est saccagé par les soldats israéliens, qui volent argent et bijoux. Le même mois, la voiture du consul général de France subit des tirs de « sommation ». Le 11 juin 2008, Mme Catherine Hyver, consule adjointe de la France à Jérusalem, est retenue dix-sept heures dans des conditions dégradantes à un point de passage de la bande de Gaza.

Pour son « ami » Nicolas Sarkozy, le premier ministre Benyamin Netanyahou s’était engagé à faciliter la reconstruction de l’hôpital Al-Qods de Gaza : or Israël continue de bloquer l’entrée des matériaux nécessaires, au nom, bien sûr, de la sécurité ; et la construction d’un nouveau centre culturel est paralysée.

Peut-être faut-il s’en réjouir : cet édifice ne sera pas anéanti par l’armée israélienne au cours de sa prochaine offensive comme ont pu l’être des dizaines de bâtiments et d’infrastructures construits avec l’aide de l’Union européenne – ainsi, de l’aéroport inter national de Gaza en 2001, destruction condamnée par l’Union, qui avait annoncé qu’elle demanderait des compensations à Israël ; on attend toujours.

Aucune de ces humiliations infligées aux représentants de la France n’a donné lieu à une réaction déterminée du Quai d’Orsay (1). Il a fallu l’utilisation par le Mossad de passeports français dans l’assassinat d’un dirigeant du Hamas, le 19 janvier 2010, à Dubaï, pour susciter une timide invitation au ministère du chargé d’affaires israélien à Paris. Osera-t-on, comme les Britanniques, expulser des diplomates israéliens ?

Apparemment, le gouvernement français s’est habitué à avaler bien des couleuvres israéliennes. Lors de sa visite en Israël au mois de novembre 2009, le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner a accepté de rencontrer son homologue Avigdor Lieberman – un homme dont les prises de position, s’il avait été autrichien ou italien, auraient été dénoncées comme racistes et fascistes. M. Kouchner a déclaré que la construction de neuf cents logements à Gilo (Jérusalem) n’était « pas politique et ne devait pas faire obstacle à la reprise des négociations (2) ». Il n’a pas élevé la voix contre le blocage du matériel destiné à reconstruire l’hôpital de Gaza sous l’égide de la France ; ni protesté contre l’impossibilité pour les boursiers de cette enclave de venir faire leurs études dans l’Hexagone. Il est resté également silencieux sur les difficultés faites désormais à tous les personnels étrangers des organisations non gouvernementales (ONG) travaillant dans les territoires palestiniens, par une « nouvelle politique » israélienne des visas. Pour couronner le tout, M. Kouchner s’est incliné devant le diktat des autorités d’occupation en renonçant à se rendre à Gaza.

Soumis au même interdit en mars 2010, son homologue irlandais Micheal Martin aura le courage de le contourner en passant par l’Egypte. A la suite de quoi il écrira : « Il est évident que l’Union européenne et la communauté internationale doivent augmenter la pression pour mettre un terme au blocus et ouvrir les points de passage afin de normaliser les relations commerciales et humanitaires (3). »

« Faire pression sur Israël », une expression que ne connaît pas le président Sarkozy. Le blocus de Gaza se poursuit, la colonisation s’étend, les négociations se trouvent dans l’impasse ? Qu’importe, amadouons encore M. Netanyahou, nous en ferons un pacifiste... Ainsi, en décembre 2008, à l’initiative de la présidence française, l’Union européenne décide de « rehausser » ses relations avec Israël (4) – lequel, moins de trois semaines plus tard, se lance à l’assaut de Gaza. Le président français couvrira l’opération, prétendant que le Hamas avait rompu la trêve. Une simple consultation du site du ministère des affaires étrangères israélien, qui recensait les tirs de roquettes, indiquait pourtant que celle-ci avait été respectée jusqu’au 4 novembre 2008, date à laquelle l’armée israélienne l’avait brisée par une opération meurtrière.

Alors que les écoles de Gaza et les milliers d’habitations détruites ne peuvent pas être reconstruites (l’importation de ciment est interdite), l’ambassadeur de France en Israël, M. Christophe Bigot, s’interroge doctement sur l’emploi du terme « blocus » qui, selon lui, serait « à mettre entre guillemets. Car, après tout, des produits entrent à Gaza soit par les tunnels, soit par Israël (5) ». M. Bigot, dont on ne sait pas toujours quand il représente la France en Israël et quand il représente
Israël en France, montera à l’assaut d’une audacieuse proposition suédoise de déclaration de l’Union européenne, en décembre 2009. Dans un entretien, il explique les réserves de Paris : « D’abord,
la déclaration devrait prendre en compte la décision positive [sic !] de Benyamin Netanyahou d’un gel partiel des constructions des colonies. Nous devrions saluer la décision, même si elle ne répond pas à toutes nos attentes (6). »

M. NETANYAHOU AIDE AL -QAIDA

Or, non seulement la colonisation se poursuit à Jérusalem, mais elle n’est que « limitée » (pour dix mois) en Cisjordanie, où Israël poursuivra la construction de trois mille logements. En 2009, la population des colons s’y est accrue de dix mille âmes, dépassant les trois cent mille personnes... Et, plutôt que de donner des instructions contre l’entrée illégale des produits des colonies sur le marché français, comme l’impose la législation européenne – et comme vient de le confirmer la Cour de Justice de l’Union européenne dans un jugement du 25 février –, Paris préfère poursuivre les promoteurs de la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) : une « dépêche » de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice (12 février) enjoint aux procureurs généraux près des cours d’appel d’organiser une « réponse cohérente et ferme à ces agissements » et de rendre compte de l’« exécution des présentes instructions (7) ». Indépendance de la justice ?

Paris obtiendra une « atténuation » du texte proposé par la Suède – il n’y aura pas de mention de Jérusalem-Est comme capitale de l’Etat palestinien, mais de Jérusalem comme capitale de deux Etats –, et la notion de « souveraineté » de l’Etat palestinien disparaîtra au profit de celle de « continuité territoriale ».

L’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger définissait ironiquement les principes de négociation du gouvernement israélien dans les années 1970 : « Si vous êtes d’accord avec eux à 95 %, c’est que vous êtes un dangereux antisémite. »

De telles accusations ne manquent pas contre le président Barack Obama, qui, à défaut de changer la politique américaine, en a changé le discours. La crise née de la visite en Israël, mi-mars 2010, du viceprésident Joseph Biden – un homme qui aime à dire qu’il n’est pas besoin d’être juif pour être sioniste – et la claque qui lui a été infligée par l’annonce de la construction de mille six cents logements à Jérusalem-Est semblent désormais oubliées. Elles n’en indiquent pas moins le peu de cas que fait Tel-Aviv de son parrain américain.

Témoignant devant le Sénat le 16 mars, le général David Petraeus, responsable du Central Command, qui supervise la politique militaire des Etats-Unis au Proche- Orient, a déclaré que les hostilités entre Israël et ses voisins alimentent les sentiments antiaméricains, ce qu’Al-Qaida etl’Iran exploitent (8). Le vice-président Biden a même déclaré à M. Netanyahou que sa politique mettait en danger des vies américaines en Irak et en Afghanistan.

Ni cette position du Pentagone, ni les humiliations subies n’ont entraîné un ouleversement de la stratégie des Etats-Unis. Même la reprise des négociations indirectes entre Palestiniens et Israéliens n’aurait sans doute aucun effet concret. Comme le souligne cyniquement Robert Satloff, directeur du Washington Institute for Near East Policy, un think tank lié au lobby pro-israélien, « aucun observateur sérieux ne croit à une percée à court terme, mais cette diplomatie active et en mouvement permet de faire taire les critiques et les sceptiques qui cherchent à créer des problèmes. Plus, elle permet à l’administration de mettre en avant l’urgence internationale sur la question iranienne (9) ».

Dit plus simplement, amusons la galerie avec un « processus de paix » et préparons la guerre contre l’Iran ; après, seulement, on pourra s’entendre avec les Palestiniens. Un discours que les dirigeants israéliens tiennent depuis des dizaines d’années, seule la dénomination de l’ennemi changeant – l’Egypte, l’Irak et maintenant l’Iran. Que M. Obama veuille, bien plus que le gouvernement israélien, trouver une solution au drame palestinien ne fait pas de doute. La question posée à la France et à l’Union européenne est de savoir comment elles peuvent y contribuer.

En juin 1980, la Communauté économique européenne adoptait la fameuse déclaration de Venise. Celle-ci, entérinée notamment grâce aux efforts de la France, demandait la reconnaissance légitime des droits des Palestiniens, confirmait le refus européen de la colonisation et de toute initiative visant à changer le statut de Jérusalem, et appelait à associer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à la négociation. Ce texte fut immédiatement rejeté par les Etats-Unis et par le gouvernement israélien, lequel dénonçait l’inclusion dans le processus de paix des « SS arabes » Treize années plus tard, en 1993, le gouvernement israélien reconnaissait l’OLP ; l’Europe avait ouvert la voie. Mais il s’agissait d’une autre époque, celle où la France osait encore avoir une politique étrangère...

(1) Lire, entre autres, Claude Angeli, « Kouchner fait profil bas en Israël », Le Canard enchaîné, Paris, 25 juin 2008 ; Jean-Pierre Perrin, « La France humiliée par Tsahal », Libération, Paris, 25 juin 2009 ; Gilles Paris, « Le 15 juillet à Gaza », Le Monde, 17 juillet 2009.

(2) Cité dans Nouvelles d’Orient, http://blog.mondediplo. net, 19 novembre 2009.

(3) « Gaza a year later », International Herald Tribune, Paris, 5 mars 2010.

(4) Nouvelles d’Orient, 10 décembre 2008.

(5) Le Canard enchaîné, 21 octobre 2009.

(6) « Paris comes out against Swedish plan », The Jerusalem Post, 3 décembre 2009.

(7) Lire le texte intégral de la lettre sur Nouvelles d’Orient, 18 mars 2010.

(8) Cf. Paul Woodward, blog War in Context , 16 mars 2010. Lire aussi Mark Perry, sur le site de Foreign Policy, 13 mars 2010.

(9) « Biden’s Israel visit and its aftermath », Policy Watch, no 1642, The Washington

Le Monde Diplomatique, Avril 2010

Messages

  • les paysans du sud liban ont plus d’honneur que tout cet arsenal de la coalition

    • La radio "la voix d’Israël" a annoncé mardi soir que le président égyptien Hosni Moubarak a envoyé une lettre de félicitations au président israélien Shimon Peres à l’occasion du 62ème anniversaire de "l’indépendance d’Israël".

      Selon la radio, Moubarak a souligné dans sa lettre qu’il voulait profiter de l’occasion pour appeler les deux parties, palestinienne et israélienne, à reprendre les négociations de paix au Proche-Orient.

      "La reprise du processus politique permettra l’établissement d’un Etat palestinien indépendant qui vivra en paix et en sécurité à côté de l’Etat d’Israël", a ajouté Moubarak dans sa lettre.

      De son côté, le président turc Abdallah Gul a félicité Peres pour la même occasion, indiquant que la
      Turquie veut renforcer ses relations avec Israël à la base des intérêts communs, et dans le but de réaliser la paix et la prospérité dans la région.

      Les turcs un coup à droite ,un coup à gauche ,

    • Les turques à droite c’est sûr !.. mais à gauche je doute ..?!

    • 29/04/2010

      Les services de renseignements israéliens ont exprimé leur grande crainte envers les relations actuelles entre la Turquie et israel, reconnaissant qu’il y a une réelle querelle diplomatique entre les deux côtés.

      Ils ont souligné qu’ « ils ne voient plus en la Turquie un allié stratégique », notant au passage que l’entité sioniste exprime une vive inquiétude à l’égard de l’augmentation des sentiments hostiles turques envers elle, et ce au moment où le gouvernement turc s’ouvre à des pays ennemis à l’entité sioniste.
      Selon des sources militaires israéliennes, citées par "Maariv" les relations israélo-turques sont au plus bas niveau surtout concernant de nouvelles opérations de vente d’armes et d’échange de visites.