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Morne 1er mai : ce texte est une provocation utile...

Publie le samedi 1er mai 2010 par Open-Publishing
4 commentaires

de Patrick Mignard

La tradition a la vie dure, et nous mène durement la vie. Il y aurait/a des « passages obligés » par lequel, en fonction de ses convictions et de ses engagements, l’on doit passer au risque de se « dédire », de « trahir » et de « culpabiliser ».

Il est toujours difficile de se dégager, libérer de la tradition, même quand celle-ci apparaît comme obsolète. Abandonner le tradition, c’est abandonner une partie de soi, de son histoire, de son engagement… et ça on le vit mal, de même que les autres vivent mal notre retrait et nous le font sentir. C’est même tellement douloureux chez certains, qu’ils préfèrent vivre dans le déni et refuser de voir la réalité……

Alors, soit on se défile subrepticement, sur la pointe des pieds, soit on assume publiquement au risque de se faire montrer du doigt.

UN PEU D’HISTOIRE

La création du 1er Mai est incontestablement une conquête politique et un moment important de la prise de « conscience de classe » de la classe ouvrière.

Tout cela se passait à une époque de montée « triomphante » du capitalisme, dans quelques pays qui allaient dominer l’économie mondiale durant un siècle. Dominant par la puissance de leur technologie, la possession des capitaux, le contrôle mondial des matières premières et des énergies, une force de travail abondante, un contexte politique et idéologique susceptible d’asservir « démocratiquement » - et par la violence si nécessaire (fascismes) - le plus grand nombre.

Cette classe ouvrière, déclarée « fossoyeuse du capitalisme » était indispensable aux grands patrons de l’industrie et de ce fait capable de leur faire lâcher de substantiels avantages.

La résultante des luttes entre le Capital et le Travail a été, historiquement une côte mal taillée dont on paie aujourd’hui les conséquences, ou plutôt les inconséquences : des avantages sociaux pour les uns, la conservation du système marchand pour les autres. Les « expériences soviétiques » ont toutes sombré dans la catastrophe avec retour au capitalisme.

Lorsque les cartes, au niveau des États ont été redistribuées (décolonisation), que le progrès technique a remplacé massivement l’homme par la machine, que les moyens de communication ont permis une explosion de la valorisation du capital (mondialisation), que le marché du travail est devenu mondial,… le Capital s’est adapté,… c’est même lui qui a façonné la mondialisation. La mondialisation c’est sa mondialisation. Le Travail, lui, est resté sur ses positions ambiguës - réformer plutôt que renverser - et sur ses formes de luttes.

Ainsi, cette « classe ouvrière des pays industriels qui devait anéantir le capitalisme » s’est retrouvée en position défensive, de faiblesse et même en liquidation dans ses bastions les plus puissants. L’ « internationalisme prolétarien s’est volatilisé », les luttes sont devenus obsolètes devant un Capital qui peut les contourner, le refus de l’exploitation a été remplacé par la crainte de l’exclusion.

On ne se bat plus contre le patron, mais pour qu’il nous garde. On ne se bat plus « pour l’abolition du salariat » (article 2 des statuts de la CGT en 1906),… on en redemande.

Le chômage s’est envolé, les services publics sont liquidés, de même que, progressivement, les acquis sociaux. Le système des retraites est peu à peu liquidé,… Seuls, les gardiens de musée de l’orthodoxie prolétarienne osent ânonner les vieux slogans qui sentent bon la naphtaline ! Nostalgie quand tu nous tiens !

Des manifestations, des pétitions, des occupations, des séquestrations, des lamentations,… il y en a tous les jours… Certains vont même jusqu’au suicide. Résultat : NEANT Rien n’y fait, le Capital sûr de lui continue à prospérer se payant même le luxe de faire payer ses erreurs à ses victimes.

QUE FETE-T-ON EXACTEMENT AUJOURD’HUI ?

A risque de passer pour hérétique, on est en droit de se poser la question.

Jamais un 1er mai n’a été révolutionnaire, point d’orgue ou point de départ de renversement du capitalisme. Tout s’est toujours joué au niveau du discours, des slogans et des symboles. Revendicatif oui. Révolutionnaire non.

Ceci est encore plus vrai aujourd’hui qu’hier.

Hier, manifester, c’était montrer sa force – qui était réelle – c’était arracher des concessions, des avantages au Capital. Aujourd’hui, manifester c’est protester sachant que l’on ne fait qu’accompagner la liquidation des acquis sociaux, des entreprises.

Hier manifester et faire grève c’était mettre le couteau sur la gorge du Capital. Aujourd’hui le Capital se fout royalement de nos mobilisations,… et le dit ouvertement. On manifeste et l’on fait grève pour que les licenciements soient le moins douloureux possibles.

Un 1er Mai sur fond de régression sociale, d’accroissement des inégalités, de liquidations d’un siècle d’acquis sociaux et… d’impuissance dans les luttes.

Hier on montrait sa force. Aujourd’hui on étale sa faiblesse.

C’est dur à admettre, mais il faut bien le reconnaître : nous sommes passés du 1er Mai triomphant au 1er Mai de la soumission et de la capitulation.

Le poids de la tradition, allié à l’hyper bureaucratisation des organisations ouvrières a fait du 1er Mai un véritable mythe intouchable… toute remise en question tenant du sacrilège.

Le 1er Mai fait parti d’un folklore désuet, qui ne correspond plus à la situation stratégique des salariés dans le système marchand.

Ce mythe est tenace,… et on y tient d’autant plus qu’il n’y a rien – ou pas grand-chose - à côté pour exprimer l’aggravation de la condition salariale. Le 1er Mai devient une sorte au messe ou toutes et tous communient, se donnant l’impression de l’unité, de la solidarité et… de l’efficacité. Un exutoire sans lendemain qui se base sur des formes de luttes aujourd’hui dépassées et un avenir politique et social incertain et plus que sombre.

Qui peut croire aujourd’hui, que dans les conditions d’existence du Capital, de son existence multiforme, de ses capacités d’adaptation et de nuisance, fondé sur un système politique démagogique et manipulateur, des démonstrations de rues peuvent le faire reculer ?

Le 1er mai devient le chant du cygne du mouvement social avant le « grand silence » de l’été.

Ne nous faisons aucune illusion… les gestionnaires du Capital, et leurs marionnettes politiques, se foutent complètement de nos mobilisations, sachant qu’elles ne débouchent sur rien. Ce 1er Mai, pas plus que ceux qui l’ont précédé ces dernières années ne changera quoi que ce soit à la situation qui va aller en empirant.

« Mais si on ne manifeste pas le 1er Mai, qu’est ce qui nous reste pour nous exprimer ? »

Excellente question à laquelle on peut répondre à deux niveaux.

1 - Le peuple a pour s’ « exprimer » les élections dont il n’est plus à démontrer qu’elles ne servent à rien… Tout le monde n’en est pas encore convaincu mais, petit à petit, l’idée fait son chemin….

2 – S’il ne nous reste plus que le 1er Mai, et autres défilés folkloriques,… alors on peut légitimement en conclure que « les carottes sont cuites », et qu’aucun changement social et politique n’est possible.

Y a-t-il une autre alternative ?… certainement, mais encore faut-il ne pas rester le « nez dans le guidon » et suivre bêtement les organisations politiques et syndicales qui « font leur beurre » de la situation dans laquelle nous sommes. Encore faut-il prendre des initiatives qui aillent dans le sens concret d’un changement…

Alors, le 1er Mai c’est vraiment la « lutte finale » ? On peut en douter.

1er Mai 2010 Patrick MIGNARD

Voir aussi :

« SYNDICATS, LA FIN ? »

« ILS NE CEDERONT PLUS RIEN »

« ACQUIS SOCIAUX : RIEN N’EST JAMAIS ACQUIS »

Et en particulier pour celles et ceux qui me diront « OK qu’est ce que tu proposes ? »

« QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? » (1) (2) (3) (4)

MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE
Mis en ligne par Patrick Mignard

pour les liens : http://endehors.net/news/morne-1er-mai

Messages

  • Y a rien qui empêche de "défiler"... Ce qui est plus grave c’est si ceux qui sont chargés de synthétiser les luttes ou qui sont présentés comme tels à la classe prolétarienne, en font un Alpha et Omega et une finalité.

    Pour le reste l’analyse est loin d’être fausse, mais personne ne veut admettre que le jour ou les travailleurs seront le dos au mur les solutions s’imposeront d’elles-mêmes. Evidemment solutions bonnes ou mauvaises.

    "Un jour" faut savoir dire "Assez". Si ce ne sont pas ceux qui sont "conscients" ce sera ceux qui seront les plus pressés ou les plus en danger qui le diront.

    Dans les deux cas les solutions ne seront pas les mêmes. Dans les deux cas plus le terme décisif aura été repoussé, la "réaction" sera violente avec les dégâts "collatéraux" qui iront avec.

    Quant au résultat s’il a été pensé et organisé il pourra être positif. Dans l’autre cas y en a, bien à droite, qui guettent l’explosion.

    Je reconnais que c’est pas rigolo d’être celui qui devra expliquer au Peuple qu’il faut faire sauter le couvercle de la cocotte minute alors qu’elle est déjà en pression autrement qu’avec des élections truquées. Et aussi de justifier le retard accumulé dans la décision à prendre.

    Mais de vrais "responsables" politiques sincères devraient au moins "expliquer" qu si personne ne le fait, et dans les règles, il n’y aura pas seulement des morts comme dans le premier cas... Mais qu’il n’y aura pas de survivants pour longtemps.

    D’autant qu’eux aussi ils sont assis sur la machine infrernale. Ceux qui leur tapent dans le dos n’auront bientôt plus besoin d’eux. Même pour ceux qui collaborent c’est plus une question de "courage", mais tout simplement de survie.

    Alors ce matin je suis allé "défiler". 95% de mecs de mon âge dans le cortège, c’est à dire des retraités ou presque... J’espère que les autres, les "jeunes" sont en train de mettre une, ou des, stratégies au point dans un lieu sûr, sans les vieux cons comme nous.

    Surtout pour eux !!!

    G.L.

  • C’est même pas une provocation, c’est une analyse juste, peut-être à nuancer un peu ...
    En fait, le 1er mai est devenu une journée de fête ... en 1941 ... sous l’occupation allemande. Alors la dimension "journée de lutte international" ... vers la "fête du travail" ... "le travail rend libre, paraît-il ... célébrons le !"
    Je suppose qu’aujourd’hui en Grèce, cette dimension "lutte" représente autre chose que chez nous "fête" qui n’est en fait interressante que quand on s’aperçoit qu’il s’agit d’un procédé pour fossiliser les "luttes".
    Exemple le 19 mars 2009 : manifs sans precedents dans toute la France .... situation chaude socialement ou on sentait que quelque chose aurait pu se passer ... vos bureaucraties syndicales se sont dépêchées pour casser la dynamique - ne pas reconduire le mouvement pendant que le rapport de force était là, volontaire et mobilisé - et repousser tout çà pour la grande fête suivante. Par ailleurs, je me souviens très bien que dans ma ville, les étudiants avaient convoqué ce jour là (dans l’après midi du 19 mars) à une AG de convergence des luttes. Les putes - dsl pour le vocabulaire mais de la façon dont ils s’y prennent ... - du PC "et Cie" ont noyauté l’AG avec JC, CGT et vieux aparatchiks du parti stalinien inscrits sur le terrain "associatif" et "politique". Ils ont réussi à ce que l’AG ne serve à rien en la transformant en salon des pleurnicheries et en empechant que les propositions étudiantes pour la poursuite et l’extension du mouvement ne soient discutées. Je suppose qu’ils ont fait ça un peu partout où ils étaient en mesure de le faire.
    C’est là que j’ai décidé que plus jamais un premier mai, du moins dans ce contexte. Je préfère dormir et me remettre de ma cuite de la veille.
    Comme dit P. Mignard, on y étale de sa faiblesse. J’ajouterais que nos précurseurs du 19ème siècles, pour qui 1er mai rimait avec émeute, doivent se retourner dans leur tombe.