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Le soulail est r’venu

Publie le samedi 1er mai 2010 par Open-Publishing
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de Michel MENGNEAU

Par ces temps moroses, pour me redonner un peu de gaîté au cœur et à l’esprit, il me prit l’idée de lire quelques passages d’ « Histouères et Chanteuserie » d’Yves Rabault, celui que l’on surnommait le barde Poitevin.

Il y a quelques années qu’il nous a quitté mais ses écrits sont toujours là pour nous faire souvenir du parler poitevin auquel Rabelais emprunta certaines formulations, qui ont évolué, certes, car les patois sont avant tout des langues vivantes, mais où on retrouve au détour d’un mot l’esprit des apports des cultures diverses qui ont traversé ce seuil du Poitou, terre de passage de moult migrations.

Alors, l’écriture est sans doute aléatoire, le « o » phonétique et aspiré que nous ont laissé les arabes revient souvent comme par enchantement, l’anglais y est parfois perceptible pour donner un peu de raideur, ou plutôt un peu d’accent guttural réminiscence de la présence des thuringiens (ou Thorings) qui accompagnèrent Radegonde en Poitou, ne leur doit-on pas les charmantes bourgades aux noms de Thorigné et Thorigny, cette mosaïque linguistique et culturelle n’est pas figée, elle évoluera encore, et c’est tant mieux. Et cela, malgré quelques individus peu évolués qui veulent formater une identité nationale ; ce petit poème en langage vernaculaire est donc le témoin parmi d’autres de l’évolution car lorsque Yves était encore de ce monde, quand il contait, il était rare qu’il dise toujours la même version suite aux diverses rencontres qu’il avait fait auparavant…

Le soulail est r’venu

 Le soulail est r’venu, tu t’souvins goule aimaïe
 Qu’tu m’avais dit un souer, qu’tu r’vindrais qu’au bîa temps,
 Le bia temps est bé là, mais touè, v’our qu’t’es passaie ?
 Y t’attends tous les jhours, en labourant mes champs.

 Le souleil est r’venu, fazant dau z’étincelles,
 Dans les branches dau pruna, qu’est déjà tout fieuri,
 Sous les latt’s dau balet, o y a dau zarendelles
 Vour les mouh’s s’y peumant et pouvant pus sorti.

 Le souleil est r’venu, tu m’avais dit Ustelle
 Qui pourrions nous maria quand le souleil s’rait là,
 Mais au l’était à Nouël, et o neughait su Melle,
 Tu crèyais qu’en Avreuil, y m’en rappeul’rait pas.

 Le soleil est r’venu, y r’vins métou (o m’magne)
 Veur si tu s’souvindrais c’que t’as dit un matin
 Y a l e coucou qui s’fout d’moué, à la tate d’un chagne
 Et ma chatt, qui galope apras l’chat dau vouésin.

 Le soleil est r’venu, te souvins-tu ma belle ?
 Y o crèt pouet, et des z’oeils, sont là, qui beurlutant
 En euguant un jhen’ gars, qui travaille aux Mutuelles,
 Et qu’à les dégts, pus fins, que thiélas d’un pésan.

 Le souleil est r’venu…dans le chemin d’là B’lotère
 Dimanche y t’ai app’lé mais y ai vu qu’ton fichu
 Pasque tu m’tournais l’dare et qu’tu fazais la fière
 Mais qu’est o qu’o peut faire…le souleil est r’venu

Tout le monde ne parlant pas ce langage, j’ai tenté de le mettre dans une langue plus commune, ce ne fut pas facile car « y c’è d’ô Maras, et y parlin point d’même ! ». Pourtant il n’y a que quelques battements d’ailes de groles entre Marigny, la commune où vivait Yves, et le Marais Poitevin. Mais l’eau porteuse de mémoire n’a pas écrit la même histoire que celle de ces habitants du bord de la forêt de Chizé, c’est cela la diversité nationale. Finalement, si le langage n’est pas le même, cela n’ayant que peu d’importance en réalité, il y a une chose beaucoup plus essentielle qui nous rassemble : la poésie, car elle est universelle !

Le soleil est revenu

 Le soleil est revenu, te souviens-tu visage aimé ?
 Que tu m’avais dis un soir, que tu viendrais au beau temps,
 Le beau temps est bien là, mais toi, où est-tu ?
 Je t’attends tous les jours, en labourant mes champs.

 Le soleil est revenu, jetant des éclats
 Dans les branches du prunier, qui est déjà tout fleuri,
 Sous les lattes de la couverture du hangar, il y a des toiles d’araignées
 Où les mouches se prennent ne pouvant plus sortir.

 Le soleil est revenu, tu m’avais dit Ustelle
 que nous pourrions nous marier quand le soleil serait là,
 Mais c’était à Noël, et il neigeait à Melle,
 Tu croyais qu’en Avril, je ne m’en rappellerais pas.

 Le soleil est revenu, j’y reviens moi aussi (ça me démange)
 Pour voir si tu de souviendrais de ce que tu as dit un matin
 Il y a le coucou qui se moque de moi, à la tête d’un chêne
 Et ma chatte, qui courre après le chat du voisin.

 Le soleil est revenu, te souviens-tu ma belle ?
 Je ne crois pas, et tes yeux, sont là, qui brillent de plaisir
 En songeant au jeune gars qui travaille dans une mutuelle*
 Et qui a des doigts, plus fins, que ceux d’un paysan

 Le soleil est revenu…dans le chemin de la « Blotière »
 Dimanche je t’ai appelé mais je n’ai vu que ton fichu
 Parce que tu me tournais le dos et que tu faisais la fière
 Mais qu’est-ce que cela peut faire…le soleil est revenu.

Pour la petite histoire, si Yves parle de Mutuelle* c’est que le lieu-dit de la Blotière, qu’il cite, est à une encablure de Niort, la capital des mutuelles comme chacun sait. Les principales y ont installé leurs sièges, ce qui pendant longtemps à fait de cette ville celle où le nombre d’ordinateurs était en pourcentage par habitants le plus important, mais surtout, du fait de l’emploi souvent double dans les ménages, des qualités salariales un peu plus confortable que dans beaucoup d’autres secteurs, ont fait de Niort la cité où la moyenne des salaires était la plus élevée. Mais cette aspect, somme toute un peu hors norme, et qui donnait à penser à tout un chacun que la pérennité de l’emploi dans ce milieu était chose acquise, ont vite fait déchanté lors l’épisode malheureux de la Camif ceux qui pensaient être dans une sorte de société immuable.

Bref, il y a quelques années de cela, lorsque Yves écrivit ce poème, il y avait effectivement tout un monde entre les ronds de cuir et ceux qui avait des cales dans les mains. La mécanisation de l’agriculture a fait que des femmes d’agriculteurs travaillent maintenant dans les mutuelles, l’industrialisation de l’agriculture ayant aplani certaines différences entre le terrien et l’homme de la ville, même si l’agro-business fait tordre du nez quelques bobos écolos qui fourmillent chez ces idéalistes spécialistes du clavier de l’ordinateur. Alors on cherche le paysan, le vrai, on ne lui tourne plus le dos, un peu d’exotisme fait que certaines de nos compagnes regardent d’un œil intéressé l’homme de la terre, nos société changent, bougent, évoluent, se mixent, s’éparpillent, se resserrent….et pourtant on voudrait en fixer les normes identitaires qui demain seront obsolètes, quelles foutaises !

Le soleil est revenu, qu’a-t-il de différent, ici où là ?

 http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com

Messages

  • "Sacrénon d’une vermaille à anguilles", je ne peux pas l’écrire bien du premier coup...cette version est mieux

    Le soulail est r’venu

    Par ces temps moroses, pour me redonner un peu de gaîté au cœur et à l’esprit, il me prit l’idée de lire quelques passages d’ « Histouères et Chanteuserie » d’Yves Rabault, celui que l’on surnommait le barde Poitevin.

    Il y a quelques années qu’il nous a quitté mais ses écrits sont toujours là pour nous faire souvenir du parler poitevin auquel Rabelais emprunta certaines formulations, qui ont évolué, certes, car les patois sont avant tout des langues vivantes, mais où on retrouve au détour d’un mot l’esprit des apports des cultures diverses qui ont traversé ce seuil du , terre de passage de moult migrations.

    Alors, l’écriture est sans doute aléatoire, le « o » phonétique et aspiré que nous ont laissé les arabes revient souvent comme par enchantement, l’anglais y est parfois perceptible pour donner un peu de raideur, ou plutôt un peu d’accent guttural réminiscence de la présence des thuringiens (ou Thorings) qui accompagnèrent Radegonde en , ne leur doit-on pas les charmantes bourgades aux noms de Thorigné et Thorigny, cette mosaïque linguistique et culturelle n’est pas figée, elle évoluera encore, et c’est tant mieux. Et cela, malgré quelques individus peu évolués qui veulent formater une identité nationale ; ce petit poème en langage vernaculaire est donc le témoin parmi d’autres de l’évolution car lorsque Yves était encore de ce monde, quand il contait, il était rare qu’il dise toujours la même version suite aux diverses rencontres qu’il avait fait auparavant…

    Le soulail est r’venu

     Le soulail est r’venu, tu t’souvins goule aimaïe
     Qu’tu m’avais dit un souer, qu’tu r’vindrais qu’au bîa temps,
     Le bia temps est bé là, mais touè, v’our qu’t’es passaie ?
     Y t’attends tous les jhours, en labourant mes champs.

     Le souleil est r’venu, fazant dau z’étincelles,
     Dans les branches dau pruna, qu’est déjà tout fieuri,
     Sous les latt’s dau balet, o y a dau zarendelles
     Vour les mouh’s s’y peumant et pouvant pus sorti.

     Le souleil est r’venu, tu m’avais dit Ustelle
     Qui pourrions nous maria quand le souleil s’rait là,
     Mais au l’était à Nouël, et o neughait su Melle,
     Tu crèyais qu’en Avreuil, y m’en rappeul’rait pas.

     Le soleil est r’venu, y r’vins métou (o m’magne)
     Veur si tu s’souvindrais c’que t’as dit un matin
     Y a l e coucou qui s’fout d’moué, à la tate d’un chagne
     Et ma chatt, qui galope apras l’chat dau vouésin.

     Le soleil est r’venu, te souvins-tu ma belle ?
     Y o crèt pouet, et des z’oeils, sont là, qui beurlutant
     En euguant un jhen’ gars, qui travaille aux Mutuelles,
     Et qu’à les dégts, pus fins, que thiélas d’un pésan.

     Le souleil est r’venu…dans le chemin d’là B’lotère
     Dimanche y t’ai app’lé mais y ai vu qu’ton fichu
     Pasque tu m’tournais l’dare et qu’tu fazais la fière
     Mais qu’est o qu’o peut faire…le souleil est r’venu

    Tout le monde ne parlant pas ce langage, j’ai tenté de le mettre dans une langue plus commune, ce ne fut pas facile car « y c’è d’ô Maras, et y parlin point d’même ! ». Pourtant il n’y a que quelques battements d’ailes de groles entre , la commune où vivait Yves, et le Marais Poitevin. Mais l’eau porteuse de mémoire n’a pas écrit la même histoire que celle de ces habitants du bord de la forêt de Chizé, c’est cela la diversité nationale. Finalement, si le langage n’est pas le même, cela n’ayant que peu d’importance en réalité, il y a une chose beaucoup plus essentielle qui nous rassemble : la poésie, car elle est universelle !

    Le soleil est revenu

    -Le soleil est revenu, te souviens-tu visage aimé ?
     Que tu m’avais dis un soir, que tu viendrais au beau temps,
     Le beau temps est bien là, mais toi, où est-tu ?
     Je t’attends tous les jours, en labourant mes champs.

    -Le soleil est revenu, jetant des éclats
     Dans les branches du prunier, qui est déjà tout fleuri,
     Sous les lattes de la couverture du hangar, il y a des toiles d’araignées
     Où les mouches se prennent ne pouvant plus sortir.

    -Le soleil est revenu, tu m’avais dit Ustelle
     que nous pourrions nous marier quand le soleil serait là,
     Mais c’était à Noël, et il neigeait à Melle,
     Tu croyais qu’en Avril, je ne m’en rappellerais pas.

    -Le soleil est revenu, j’y reviens moi aussi (ça me démange)
     Pour voir si tu te souviendrais de ce que tu as dit un matin
     Il y a le coucou qui se moque de moi, à la tête d’un chêne
     Et ma chatte, qui courre après le chat du voisin.

    -Le soleil est revenu, te souviens-tu ma belle ?
     Je ne crois pas, et tes yeux, sont là, qui brillent de plaisir
     En songeant au jeune gars qui travaille dans une mutuelle*
     Et qui a des doigts, plus fins, que ceux d’un paysan

    -Le soleil est revenu…dans le chemin de la « Blotière »
     Dimanche je t’ai appelé mais je n’ai vu que ton fichu
     Parce que tu me tournais le dos et que tu faisais la fière
     Mais qu’est-ce que cela peut faire…le soleil est revenu.

    Pour la petite histoire, si Yves parle de Mutuelle* c’est que le lieu-dit de la Blotière, qu’il cite, est à une encablure de , la capital des mutuelles comme chacun sait. Les principales y ont installé leurs sièges, ce qui pendant longtemps à fait de cette ville celle où le nombre d’ordinateurs était en pourcentage par habitants le plus important, mais surtout de par l’emploi souvent double dans les ménages, des qualités salariales un peu plus confortables que dans beaucoup d’autres secteurs, ont fait de la cité où la moyenne des salaires était la plus élevée. Mais cet aspect, somme toute un peu hors norme, et qui donnait à penser à tout un chacun que la pérennité de l’emploi dans ce milieu était chose acquise ont vite fait déchanter, lors l’épisode malheureux de la Camif, ceux qui pensaient être dans une sorte de société immuable.

    Bref, il y a quelques années de cela, lorsque Yves écrivit ce poème, il y avait effectivement tout un monde entre les ronds de cuir et ceux qui avait des cales dans les mains. La mécanisation de l’agriculture a fait que des femmes d’agriculteurs travaillent maintenant dans les mutuelles, l’industrialisation de l’agriculture ayant aplani certaines différences entre le terrien et l’homme de la ville, même si l’agro-business fait tordre du nez quelques bobos écolos qui fourmillent chez ces idéalistes spécialistes du clavier de l’ordinateur. Alors on cherche le paysan, le vrai, on ne lui tourne plus le dos, un peu d’exotisme fait que certaines de nos compagnes regardent d’un œil intéressé l’homme de la terre, nos société changent, bougent, évoluent, se mixent, s’éparpillent, se resserrent….et pourtant on voudrait en fixer des normes identitaires qui demain seront obsolètes, quelles foutaises !

    Le soleil est revenu, qu’a-t-il de différent, ici où là ?