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La CFDT n’aime pas les méchants intermittents du spectacle

Publie le jeudi 6 mai 2010 par Open-Publishing
2 commentaires

de PACO

Le 19 avril 2005, la compagnie Jolie Môme et une centaine d’intermittents du spectacle ont joyeusement visité le siège de la CFDT. Deux ans plus tard, la centrale syndicale a attaqué deux manifestants pour « violation de domicile ». La CFDT a gagné en première instance. Les artistes ont fait appel. Suite du feuilleton le 4 juin.

Il n’y a si longtemps, via Léo Ferré, Jolie Môme, toute nue sous son pull, rendait la rue maboule. Aujourd’hui, c’est Jolie Môme, une compagnie théâtrale vitaminée, qui rend maboule la CFDT. Mais le vilain refrain claironné par les cédétistes est beaucoup moins sexy… Explications.

Drapeau révolutionnaire flottant comme au temps des barricades, Jolie Môme a donné depuis 1983 des représentations bien épicées. Notons la pièce de Dario Fo Faut pas payer !, un spectacle sur la Commune de Paris, la pièce Crosse en l’air sur des textes de Jacques Prévert, les chansons rebelles de Légitime colère… Tantôt sur les planches, tantôt sous chapiteau, parfois dans la rue ou même directement dans les manifs comme dernièrement en soutien aux ouvriers de Continental, la compagnie Jolie Môme ne rate jamais une occasion pour soutenir de manière festive les travailleurs en lutte.

Le 19 avril 2005, la compagnie Jolie Môme s’est donc naturellement associée à l’action de collectifs et d’individus qui, à l’occasion d’une exposition ouverte au public, ont voulu rencontrer des dirigeants de la CFDT pour parler des conséquences de la signature des accords UNEDIC dans leur vie. Près de cent personnes visitaient ainsi le siège de la CFDT, boulevard de La Villette, à Paris. L’échange espéré n’a jamais eu lieu. Au bout de deux heures, les intermittents, les RMIstes et les salariés à temps partiel ou en CDD ont vu débarquer la police. Déterminée, mais tranquille, l’occupation s’est terminée sans aucun contrôle d’identité, ni aucune d’interpellation. Présent sur les lieux, Ludovic Prieur écrira dans la foulée un article pour HNS-info.

Curieusement, au printemps 2007, dix manifestants ont été convoqués par la brigade de Répression de la délinquance contre les personnes. La direction nationale de la CFDT a en effet porté plainte pour « diffamation publique, injures, provocations à commettre des infractions dangereuses, violation de domicile, dégradations, vol, violences ayant entraîné une interruption temporaire de travail de moins de 8 jours. » Pas moins ! Dans le cadre de la procédure, les dirigeants de la CFDT ont livré de nombreuses informations à la police afin d’identifier les auteurs de l’action : images enregistrées par le système de vidéosurveillance de la centrale syndicale, témoignages de salariés et militants de la CFDT, adresses de sites Internet où des informations sur l’action ont été publiées, noms de collectifs de précaires...

Deux personnes, Michel Roger (fondateur et directeur artistique de la compagnie Jolie Môme) et Ludovic Prieur (animateur du webmedia associatif HNS-info), ont reconnu avoir participé à l’action dans les locaux de la CFDT. Ce qui leur a valu d’être mis en examen pour « violation de domicile ». Le juge n’a pas retenu les autres charges avancées par la CFDT. Malaise... « À priori, un syndicat est là pour défendre les salariés, y compris les plus précaires, et non pour les attaquer ! pestaient les intéressés à l’époque. L’histoire du mouvement syndical, y compris celle de la CFDT, témoigne combien les moyens d’actions autres que la seule négociation ont permis de gagner des combats, d’obtenir de nouveaux droits ou de conserver des acquis sociaux ! Les grèves et les occupations sont parties intégrantes du combat syndical. Il est vrai que, depuis quelques années, la direction confédérale de la CFDT nous a habitué à favoriser les réformes libérales et à fréquenter les universités d’été du MEDEF plutôt que de les combattre. Outre sa signature des différents accords UNEDIC, qui pourrait avoir oublié sa participation active à la casse des retraites menée par François Fillon en 2003 ? »

D’autres questions brûlantes viennent dans les esprits. « En quoi les précaires représentent-ils un danger pour la CFDT ? Pourquoi la confédération de François Chérèque sent-elle le besoin de criminaliser des personnes, des collectifs et des réseaux de lutte en mesure de s’opposer aux futures attaques ultra-libérales ? Que penser de la démocratie sauce CFDT lorsqu’on sait que les chômeurs ne sont pas représentés à l’UNEDIC (gérée par la CFDT) et qu’ils sont persona non grata au siège de ce syndicat ? »

En première instance, le 11 décembre 2008, les méchants intermittents ont été condamnés à 2000 euros d’amende avec sursis et à verser 1 euro à la CFDT. Bien que symbolique, la peine est dangereuse puisqu’elle pourrait faire jurisprudence pour d’autres occupations. Un grand merci à la CFDT ! L’affaire a déjà fait pas mal de bruit. Plus de 12 000 personnes, associations, compagnies ou syndicats ont signé une pétition Si j’avais su j’y serais allé pour soutenir Ludovic et Michel.

Avant le premier procès, la compagnie Jolie Môme s’était exprimée avec ses armes en montant un spectacle appelé Wanted - Le Procès-Spectacle. Manière de parler de la bouffonnerie cédétiste, d’en rire et d’échanger des idées. En attendant le procès en appel qui se déroulera le vendredi 4 juin (à 13h, à la cour d’appel du Palais de justice de Paris), Wanted sera rejoué du 13 au 16 mai 2010 au théâtre La Belle Étoile à Saint-Denis (93) et le 24 mai à la fête de Lutte Ouvrière à Presles (95).

Toutes les informations utiles (dates, pétition, lutte des intermittents...) se trouvent sur le site Internet de la compagnie Jolie Môme

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Messages

  • Pourquoi la confédération de François Chérèque sent-elle le besoin de criminaliser des personnes, des collectifs et des réseaux de lutte en mesure de s’opposer aux futures attaques ultra-libérales .
    Mais tout simplement parce que ce sont des "jaunes".Ils soutiennent le merdef et le nabot ;alors qu’attendre de ces "gens" ?momo11

  • Et pourtant, dans leur rang, ils en sont parfaitement conscients :


    Pierre Rosanvallon
    Collège de France
    Amphithéâtre Marguerite de Navarre
    11, place Marcelin Berthelot
    75005 Paris

    C’est l’élection qui fonde en démocratie la légitimité des gouvernants. Le caractère démocratique d’un pouvoir est ainsi lié avec évidence à son origine, c’est-à-dire à ses conditions d’établissement. Mais les gouvernants légitimes ont simultanément souvent été accusés de rester prisonniers d’une logique partisane et de n’être que de forts infidèles représentants de l’intérêt général. D’où, sous toutes les latitudes, la recherche d’institutions et de procédures démocratiques reposant sur des critères plus exigeants de légitimité que ceux de la simple consécration électorale. Le cours sera consacré à faire l’histoire de cette recherche de mise en forme non-électorale de l’idée de volonté générale, depuis le XIXème siècle, et à en présenter les développements les plus contemporains. Deux grands domaines seront successivement abordés. On explorera d’abord les différents projets de mise en place d’ « institutions de la généralité » dans les régimes démocratiques. On examinera ensuite les qualités politiques des gouvernants considérés comme productrices de légitimité par les citoyens.

    Ou encore.

    La contre-démocratie
    La politique à l’âge de la défiance
    Pierre Rosanvallon
    Collection Les livres du nouveau monde
    Éditions du Seuil, Paris 2006.

    « L’idéal démocratique règne désormais sans partage mais les régimes qui s’en réclament suscitent partout de vives critiques. L’érosion de la confiance dans les représentants est ainsi l’un des problèmes majeurs de notre temps. Mais, si les citoyens fréquentent moins les urnes, ils ne sont pas pour autant devenus passifs : on les voit manifester dans les rues, contester, se mobiliser sur Internet... »

    Pour comprendre ce nouveau Janus citoyen, cet ouvrage propose d’appréhender les mécanismes d’institution de la confiance et l’expression sociale de la défiance comme deux sphères et deux moments distincts de la vie des démocraties. L’activité électorale-représentative s’organise autour de la première dimension : c’est elle qui a été classiquement étudiée. Mais la seconde n’a jamais été explorée de façon systématique.

    C’est à quoi s’attache Pierre Rosanvallon en proposant une histoire et une théorie du rôle structurant de la défiance dans les démocraties. Ce renversement radical de perspective conduit à explorer un continent politique longtemps inaperçu : celui de la « contre-démocratie ». Cette dernière résulte d’un ensemble de pratiques de surveillance, d’empêchement et de jugement au travers desquelles la société exerce des pouvoirs de correction et de pression.

    À côté du peuple-électeur, elle donne voix et visage aux figures d’un peuple-vigilant, d’un peuple veto et d’un peuple juge. C’est là sa vertu, mais aussi son problème. Car, à trop valoriser les propriétés de contrôle et de résistance de l’espace public, elle peut aussi faire le jeu du populisme et de l’« impolitique », entravant la formulation positive d’un monde commun ».

    Note Wikipédia : Il (P. Rosanvallon) a été successivement permanent syndical de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), membre du Parti socialiste unifié (PSU) puis du Parti socialiste.